Fonction publique : la sanction doit être proportionnée !

Publié le 30/11/2023 Vu 4 020 fois 0
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Le juge administratif contrôle dans chaque dossier la proportionnalité de la sanction disciplinaire infligée par l’administration. Il s’appuie sur plusieurs critères, notamment les antécédents.

Le juge administratif contrôle dans chaque dossier la proportionnalité de la sanction disciplinaire infligé

Fonction publique : la sanction doit être proportionnée !

Toute sanction comporte en elle-même l’exigence de justice, ou au moins de justesse. Une sanction ne peut être efficace, acceptée et source de progrès que si elle est proportionnée aux faits en question.

 Cette exigence s’applique naturellement aux sanctions disciplinaires dont sont frappés les fonctionnaires et contractuels des trois fonctions publiques, d’Etat, Hospitalière et Territoriale.

 

I)                    Le rôle du juge dans le contrôle de la proportion

 

Pourtant, cette notion de proportion n’émane d’aucun texte juridique, ni du Code Général de la Fonction Publique, ni des statuts qui l’ont précédé.

Cette absence s’explique-t-elle par le fait que la proportion de la sanction est un fondement tellement évident qu’il n’est guère la peine de le mentionner ? Toujours est-il que le juge administratif a donné la méthode à suivre en matière de contentieux disciplinaire, dans le célèbre arrêt Dahan (Conseil d’Etat, 13 novembre 2013, n°347704).

Avant cet arrêt, le juge administratif n’exerçait qu’un contrôle restreint entre les faits reprochés et la sanction disciplinaire. Le Juge exigeait, pour annuler une sanction, qu’il existe une erreur manifeste d’appréciation de l’administration quant à la sanction.

Avec l’arrêt Dahan, revirement de jurisprudence en règle : le Juge administratif examine d’abord si les faits constituent des fautes de nature à justifier une sanction, puis si la sanction retenue est proportionnée à la gravité des fautes.

Désormais, en clair, le juge administratif voit son office se développer largement puisqu’il doit apprécier lui-même la proportion de la sanction.

Pour ce faire, il doit non seulement prendre en considération la faute, mais également le contexte général, par exemple l’absence ou l’existence d’antécédents, les appréciations sur la tenue du service.

Le recours au juge offre donc la possibilité d’un second regard, avec les mêmes règles du jeu que l’administration quant au choix de la sanction. Second regard plus impartial, puisque l’administration qui a mené l’instruction de la procédure disciplinaire de A à Z et dirigé la commission de discipline, est donc acteur et décideur, ce qui n’est pas forcément un gage d’équilibre.

Il peut donc être intéressant de se tourner vers le juge administratif.

 

II)                  Le critère de l’antécédent disciplinaire

 

Cette exigence de proportionnalité a entraîné l’annulation d’une sanction d’un fonctionnaire territorial dont les fautes ont pourtant été retenues par le Tribunal. Ce dernier avait cumulé une activité commerciale avec son emploi de chef de cuisine dans un lycée, dont une partie pendant un arrêt-maladie.

Le Président du Conseil régional lui avait alors infligé la sanction de révocation, la plus lourde prévue par les textes.

La Cour Administrative d’Appel de Marseille approuve le Tribunal Administratif de Marseille d’avoir annulé cette décision. Si les faits étaient sans nul doute fautifs, la juridiction administrative juge cette sanction, qui est la plus sévère, disproportionnée par rapport à la faute commise, étant précisé que le fonctionnaire en question n’avait aucun antécédent disciplinaire et que la manière de servir s’est trouvée affectée par ce cumul (Cour Administrative de Marseille, 30 mai 2023, n°21MA01465).

De même, la Cour Administrative d’appel de Paris a annulé la sanction d’exclusion temporaire de fonction d’une durée de trois jours d’un fonctionnaire surpris à réparer sa voiture personnelle durant ses heures de service, au motif d’une disproportion. Le fonctionnaire n’avait pas d’antécédent disciplinaire, malgré quelques observations défavorables relatives à sa manière de servir (Cour Administrative d’Appel de Paris, 15 octobre 2021, n° 19PA04131).

La présence d’antécédent est un élément qui, au contraire, justifie aux yeux du juge administratif une sanction relativement lourde. Ainsi, un agent d’un cimetière ayant eu un comportement déplacé envers les visiteurs contestait une sanction d’exclusion temporaire pour une durée de trois jours. Le maire de la commune, dans sa motivation, faisait explicitement référence à un antécédent disciplinaire commis deux ans plus tôt. La Cour administrative d’appel de Marseille valide la référence du Maire à l’antécédent (Cour Administrative d’Appel de Marseille, 24 janvier 2023, n°21MA02174).

Cela dit le critère de l’absence d’antécédent n’est qu’un critère pami les autres et ne garantit pas un totem d’immunité au fonctionnaire ou agent contractuel.

Ainsi, la Cour administrative de Marseille a donné raison au Ministère de l’Intérieur qui avait exclu temporairement de ses fonctions pendant quinze jours un policier ayant manqué à ses devoirs d’exemplarité, d’obéissance et de loyauté (Cour administrative d’appel de Marseille, 7 février 2023, n°21MA02271).

 

III)                 Le critère de la manière de servir

 

Il s’agit là d’un argument classiques des requérants devant la justice administrative : la manière de servir n’a jamais fait l’objet d’une quelconque observation avant les faits reprochés.

L’arrêt Dahan vu ci-dessus semble suggérer que ce critère soit pertinent sur l’appréciation de la proportionnalité de  la sanction.

L’analyse des dernières jurisprudences montre pourtant que ce critère n’est pas déterminant, et est assez peu retenu.

Ainsi, l’absence d’observation sur la manière de servir et la présence d’une lettre de félicitations d’un supérieur hiérarchique n’a pas été considéré comme un critère d’assouplissement de la sanction dans le cadre de comportements agressifs doublé d’un cumul d’activité non-autorisé (Cour Administrative d’appel de Douai, 12 juillet 2023, n° 22DA01377).

Néanmoins, le critère de la qualité de la manière de servir est bien l’un des éléments à prendre en compte dans la fixation de la sanction : simplement, ce critère semble s’effacer facilement devant la gravité des faits, le cas échéant.

 

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Me Sylvain Bouchon

Avocat au Barreau de Bordeaux

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