Le manque de sommeil est aussi délétère pour la santé que l’abus d’alcool, surtout lorsque l’abus d’alcool des uns prive de sommeil les autres. Pourtant, il n’est pas si simple de concilier le droit de dormir la nuit avec la liberté du commerce et la sauvegarde d’un lieu de socialisation.
Il existe un régime précis de fermeture administrative des débits de boisson, dans lequel les riverains ont tout leur rôle à jouer en alertant les autorités (la police ou la gendarmerie, en clair).
La constatation d’infractions à la législation des débits de boisson et d’infractions tout court commises dans ou aux abords des établissements peuvent conduire à une fermeture administrative voire une annulation du permis d’exploitation.
L’autorité compétente est essentiellement la Préfecture, la mairie conservant une simple compétence pour imposer la modification des horaires, mais pas la fermeture du bar ou de l’établissement (Par exemple, Tribunal Administratif de Nantes, 3/11/2023, n°2007545).
Certes, mais que se passe-t-il si les forces de l’ordre ne se déplacent pas ou si la Préfecture ou la Mairie ne prend pas de mesure ?
Dans cette situation, aucune sanction administrative ne sera prise.
Les riverains peuvent alors tenter d’engager la responsabilité de la Préfecture ou de la mairie pour carence fautive.
Mais c’est là que cela se complique : encore faut-il monter un dossier costaud devant le Juge administratif, notamment en matière de preuve, comme le montre un arrêt rendu par la Cour Administrative d’Appel de Toulouse le 21 février 2023 confirmant un jugement du Tribunal administratif de Montpellier.
Dans ce dossier, le requérant recherchait la responsabilité pour carence fautive d’un Préfet alors qu’il indiquait avoir subi d’importantes nuisances sonores et sollicitait une indemnisation en réparation de ces préjudices.
La Cour administrative d’appel rappelle les règles issues des articles R.1336-5 et suivants du Code de la Santé publique : « aucun bruit ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l’homme, dans un lieu public ou privé, qu’une personne en soit elle-même à l’origine ou que ce soit par l’intermédiaire d’une personne, d’une chose dont elle a la garde ou d’un animal placé sous sa responsabilité ».
Voilà pour la théorie.
Reste à savoir en pratique à partir de quand un bruit est considéré comme impactant pour la tranquillité ou à la santé.
Selon les articles précités, l’atteinte à la tranquillité du voisinage est constituée lorsque l’émergence globale ou l’émergence spectrale, dans le cas d’un bruit provenant d’activité professionnelle, est supérieure à des seuils fixés aux articles R.1336-7 et R.1336-8 du Code de la Santé Publique.
Or, l’émergence globale comme l’émergence spectrale ne mesure pas le niveau du bruit incriminé, mais la différence entre le niveau de bruit ambiant intégrant le bruit particulier et le bruit résiduel excluant ce bruit particulier, la valeur déterminée étant ensuite soumise à des correctifs.
En l’espèce, les riverains s’étaient contentés de mesurer le bruit globalement, sans mesurer la différence entre le bruit ambiant intégrant le bruit particulier et le bruit résiduel excluant ce bruit particulier, si tant est d’ailleurs que cela soit possible.
La Cour administrative d’appel les a donc déboutés de leurs demandes.
Par cette décision, elle laisse néanmoins la porte ouverte à d’autres recours ultérieurs et donne la méthodologie : il convient de mesurer la différence entre le bruit ambiant intégrant le bruit particulier et le bruit résiduel excluant ce bruit particulier.
Plus facile à dire qu’à faire, certes : mais au moins la voie est-elle indiquée.
Mon cabinet se tient à votre disposition pour toute précision ou action.
Me Sylvain Bouchon
Avocat au Barreau de Bordeaux
bouchonavocat@gmail.com