Aide aux aidants, accueil de jour… La difficulté pour les proches d’accompagner au quotidien une personne âgée dépendante ou en voie de dépendance a fait l’objet d’une prise de conscience bienvenue ces dernières années.
Mais, une fois que la famille s’est résolue à placer en EHPAD la personne âgée, quelle place lui est-elle réservée en Institution ?
L’analyse des dispositions textuelles est relativement rapide, ce qui en soi constitue une première indication.
Le Code de l’Action sociale et des familles énonce que la famille participe, si nécessaire, à l’élaboration du contrat de séjour (art D.311 du CASF).
Plusieurs guides de recommandations de bonnes pratiques de l’ANESM évoquent également la présence de la famille, notamment « Qualité de Vie en EHPAD volet 3 relatif à la vie sociale en EHPAD » ou le volet 4 relatif à « l’accompagnement personnalisé de la santé du résident ».
La Charte des droits et libertés de la personne accueillie en EHPAD consacre le point n°6 au « droit au respect des liens familiaux ».
Un proche peut également être désigné personne de confiance.
Enfin, le Conseil de Vie Sociale est le lieu désigné de l’expression des familles.
En réalité, l’analyse de ces dispositions démontre clairement que la famille demeure un tiers à l’exécution même du contrat de séjour, base juridique à partir de laquelle se conçoit le rapport entre le résident et l’EHPAD. En clair, juridiquement, la famille n’a pas vocation à intervenir de quelque manière dans la prise en charge de l’usager.
Cette position paraît brutale et très éloignée de la réalité quotidienne d’un EHPAD.
Elle est également source d’incompréhension pour les proches, qui ont souvent contribué au choix de l’institution, qui peuvent se rendre régulièrement dans l’EHPAD, qui peuvent contribuer financièrement au titre de l’obligation alimentaire. N’oublions pas en outre que «‘placer » un parent en EHPAD n’est un acte anodin pour personne. Du côté des professionnels, on peut constater des lacunes dans la formation aux relations familles / ehpad et à ce rapport triangulaire qui s’instaure.
Cette situation ambigüe ne peut contribuer à apaiser les tensions et conflits qui naissent immanquablement dans le creuset de tensions que constitue un EHPAD.. En outre, l’introduction du droit de la consommation dans le droit médico-social a contribué à mercantiliser les rapports.
En réalité, les conflits entre les soignants et la famille ont souvent attrait à l’exécution du contrat de séjour. Dans ce genre de situation, les proches agissent tels des « lanceurs d’alerte », mais, juridiquement, le conflit concerne l’EHPAD et le résident lui-même. Dans ces cas, les régimes de responsabilité sont relativement connus, notamment pour les chutes, fugues et agressions ou disparitions de bien (voir par ailleurs https://www.legavox.fr/blog/maitre-sylvain-bouchon/chute-fugue-agression-resident-responsabilite-21530.htm et https://www.legavox.fr/blog/maitre-sylvain-bouchon/objets-perdus-voles-ehpad-quelles-21876.htm)
Plus complexe est la situation dans laquelle un conflit oppose directement la famille ou les proches à l’EHPAD, -plus ou moins- indépendamment du résident.
Aucune règle juridique ne régit cette situation.
Ce défaut de régulation peut s’avérer source d’insécurité, pour les proches, pour les employés et le gestionnaire lui-même dans des situations de tensions importantes.
Ainsi, au vu du silence assourdissant de la loi et du règlement, l’EHPAD peut-il rompre le contrat de séjour du résident du fait de la famille ? La réponse à cette question dépend de la situation de l’usager.
Dès lors, faute de droit, la solution consiste peut-être à en fabriquer soi-même…
Maître Sylvain Bouchon
Avocat droit médico-social