Virage domiciliaire ou chicane administrative ? Après le premier volet de la réforme du financement des services à domicile se traduisant notamment par un tarif plancher national de 23 euros, vient l’heure de la restructuration des services d’aide à domicile. Exit les SAAD (services d’aide et d’accompagnement à domicile), les SSIAD (services de soins infirmiers à domicile) et les SPASAD (services polyvalents d’aide et de soins à domicile), tous remplacés par une catégorie unique de service, le SAD (Service d’Aide à Domicile). Le but : garantir davantage de simplicité pour l’usager, objectif qu’il serait malvenu de remettre en cause, tant le maelstrom de l’offre de prestation en matière sociale et médico-social s’avère incompréhensible pour le commun des mortels.
Simplicité pour l’usager, certes, mais pas pour les parties prenantes, confrontées à une réforme aux contours abrupts, à savoir les ARS, les Départements et, bien entendu, les gestionnaires eux-mêmes, tous contraints, telle l’Intendance, de suivre la mise en œuvre de la réforme à marche forcée.
I- Ce qui est sûr (et encore à peu près simple)
A le lecture superficielle de la réforme, tout a l’air fort simple : il n’existe que deux catégories de SAD, les SAD aide et les SAD soins.
Les SAD aide sont autorisés par le seul Président du Département, les SAD soins par le PCD et le Directeur Général de l’ARS, pour les activités de soin. Rien que de très normal jusqu’ici.
Un ancien SAAD devenu SAD qui n’a pas l’intention de s’adjoindre une activité de soin est automatiquement autorisé en tant que SAD pour la durée restante de son autorisation.
Il doit simplement se conformer au nouveau cahier des charges des SAD, et dispose jusqu’au 30 juin 2025 pour se mettre en conformité. Les anciens SAAD devenus SAAD aide voient donc le vent de la réforme passer largement au large.
S’ils souhaitent intégrer une activité de soins, ils doivent donc déposer une demande d’autorisation auprès de l’ARS.
Première complexité : autorisation certes, mais sous quel régime ?? Faut-il en passer par un appel à projet, ou par une autorisation simple ? Si la demande porte sur la même catégorie de bénéficiaires, il s’agit d’une simple transformation, non soumise à appel à projet. En revanche, s’il y a changement de la catégorie de bénéficiaires, le SAD devra conclure un CPOM avec le Département et l’ARS. A défaut de CPOM, un appel à projet est nécessaire (point 8 de la FAQ).
Pour les SPASAD, c’est très simple, pour le coup : précurseurs des SAD mixtes, les voilà automatiquement autorisés SAD mixtes. Eux aussi ont deux ans pour se mettre en conformité avec le cahier des charges.
Enfin, les SSIAD doivent impérativement s’adapter en s’adjoignant une activité aide, ou se regrouper avec un ou plusieurs SAD avant le 30 juin 2025. L’autorisation délivrée aux SSIAD en qualité de SAD mixte est dispensée d’appel à projet.
Autre solution qui laisse un peu de répit, les SSIAD peuvent, avant le 30 juin 2025, solliciter l’autorisation de constituer un SAD selon des modalités prévues par une convention avec un ou plusieurs SAD autorisés dans la perspective de la construction d’un SAD doté d’une entité juridique unique à cette période. Cette convention peut avoir une durée maximale de trois ans. Les SSIAD qui choisiraient cette voie d’adaptation ont donc potentiellement cinq années devant eux.
Au final, les SAD aide et les SPASAD n’ont pas grand-chose à faire à part se mettre en conformité avec le cahier des charges, au contraire des SSIAD et des SAD mixtes, qui doivent inventer un nouveau système. Et c’est là que la situation juridique se complique légèrement. Il va donc falloir constituer des SAD mixtes, ce qui est nettement plus facile à dire qu’à faire.
II- Nettement plus compliqué : la gestion du SAD mixte par une entité juridique unique
Le régime des SAD reprend un principe intangible du droit médico-social : un gestionnaire gère une autorisation.
En application de ce principe, le gestionnaire du SAD est autorisé et il n’y a qu’un gestionnaire par SAD.
Sauf que précisément, les SSIAD sont contraints de se marier avec un SAD, ce qui par définition concerne deux gestionnaires, dont l’union doit déboucher sur le fait qu’il n’y en ait plus qu’un seul.
Rien de simple à l’horizon, donc.
Passons sur le cas heureux où un gestionnaire de SSIAD gère justement dans la même zone géographique un SAD : il n’a qu’à fusionner les autorisations en vertu du paragraphe 4 de l’article L.312-7 du CASF.
Hormis ce cas de coïncidence qui tombe à pic, il va donc falloir unir deux structures indépendantes.
- Ø Soit l’une absorbe l’autre, avec un point de vigilance à conserver à l’esprit en terme de cession d’autorisation, soumise à approbation
- Ø Soit les deux structures fusionnent en créant cette fameuse nouvelle entité juridique
- Ø Soit les deux ne fusionnent pas, mais créent une troisième structure (à tout hasard un GCSMS), à laquelle elles cèderont soit l’exploitation de leur autorisation, soit leurs autorisations tout court selon le degré d’intégration.
Autant dire que ces situations sont extrêmement lourdes à mettre en pratique et soumises à l’aléa de l’acceptation de la cession d’autorisation par le département et l’ARS.
Sans parler de la gestion RH lorsqu’il faut unir des personnes morales différentes, ou des salariés et des fonctionnaires, par exemple, qu’ils soient mis à disposition, détachés ou intégrés directement…
Ces regroupements s’avèrent donc extrêmement complexes sur tous les plans.
Au final, le plus simple pour un SSIAD consiste peut-être à créer une activité aide, hypothèse que la notice explicative du décret n°2023-608 du 13 juillet 2023 invite à accueillir « avec bienveillance », ce qui est toujours très facile à dire et surtout dépourvu d'une quelconque opposabilité juridique.
Cette création n’est pas soumise à appel à projets.
Attention quand même à la question du changement de la catégorie du public accompagné : sans changement, il n’y a pas d’appel à projet, avec changement, il convient de conclure un CPOM avec le Département, et sans CPOM, on en revient à la procédure d’appel à projet.
III- Un pas de plus dans la complexité : la question de la zone d’intervention
Détail supplémentaire : la zone d’intervention du SAD est unique, c’est-à-dire qu’il intervient dans la même zone pour l’activité aide et pour l’activité soins, afin de simplifier la prise en charge de l’usager.
Le problème vient du fait que justement, les activités SAAD et SSIAD n’avaient pas le même zonage, la plupart du temps, et ne partageaient d’ailleurs pas la même logique de zonage.
La capacité d’accueil des SAAD était exprimée en zone d’intervention géographique, tandis que rien de tel n’existait pour les SSIAD.
Il va donc falloir harmoniser les zones d’intervention.
Là encore, cela engendre plusieurs schémas possibles de solution
- Ø Réduire le territoire d’intervention du SAD aide pour l’adapter à celui du SSIAD
- Ø Réduire le territoire d’intervention du SSIAD pour l’adapter à celui du SAD
- Ø Augmenter le territoire d’intervention du SAD aide pour l’adapter à celui du SSIAD
- Ø Augmenter le territoire d’intervention du SSIAD pour l’adapter à celui du SAD
- Ø Scinder les autorisations en deux ou plus
Inutile de préciser que l’ensemble de ces opérations nécessite de prendre ses précautions en terme de sécurité juridique.
Il n'y a plus qu'à...
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Me Sylvain BOUCHON
Avocat au Barreau de Bordeaux
Droit des SAAD