Nul ne peut exercer un métier de la sécurité privée sans avoir la carte professionnelle délivrée par le Conseil National des Activités Privées de Sécurité (CNAPS), et nul ne peut avoir la carte professionnelle s’il ne remplit pas les conditions de formation et de diplôme.
Mais la formation et le diplôme ne suffisent pas pour obtenir le précieux sésame d’une durée de cinq ans, ou son renouvellement : il faut aussi ne pas avoir commis d’acte incompatible avec l’exercice d’une activité privée de sécurité.
Qu’est-ce qu’un acte incompatible avec l’activité d’agent privé de sécurité ?
Tout d’abord, le Code de la Sécurité Intérieure précise que nul ne peut être employé si le bulletin numéro 2 de son casier judiciaire n'est pas vierge
Toutefois, un casier vierge ne suffit pas : encore faut-il que l’enquête administrative (en clair le fichier du traitement des antécédents judiciaires consulté pendant l’instruction de la demande) ne révèle pas de comportement ou d’agissement contraire à l’honneur, à la probité, aux bonnes mœurs ou qui ait été de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, à la sécurité publique, ou à la sûreté de l’Etat.
Concrètement, cette énumération vise des cas dans lesquels des infractions ont pu être commises antérieurement, lesquelles n’ont pas donné lieu à une condamnation par un tribunal correctionnel ou de police, mais qui ont néanmoins donné lieu à des alternatives aux poursuites : médiation pénale, composition rappel à la Loi, avertissement pénal probatoire, stage de citoyenneté par exemple.
Concernant le rappel à la Loi, il a été jugé que même s’il ne vaut pas reconnaissance des faits, le simple fait qu’il figure au fichier TAJ justifie le refus de carte professionnelle, peu important que le requérant conteste les faits (Tribunal Administratif de Montreuil, 30 avril 2024).
L’un des autres cas visés est une condamnation par un Tribunal de police ou correctionnel, mais pour lequel le tribunal aurait prononcé l’absence d’inscription au bulletin n°2 du casier judiciaire.
Enfin, une personne peut avoir écopé d’une condamnation, inscrite au casier judiciaire, mais avoir ensuite obtenu l’effacement du bulletin n°2 suite à une requête en effacement du B2.
Dans tous ces cas, le casier est vierge, soit que le Parquet ait décidé d’une mesure alternative aux poursuites, soit que le Tribunal ait fait bénéficier le condamné d’une absence de B2, soit que le B2 ait été effacé ultérieurement.
Ces actes ne sont pas présents sur le casier judiciaire, mais ils sont bien inscrits sur le fichier TAJ, et le CNAPS peut se fonder sur ces faits pour estimer qu’ils constituent un comportement incompatible avec l’exercice du métier d’agent de sécurité privée. Le CNAPS se fonde alors sur cet antécédent judiciaire n’ayant pas abouti à une condamnation pour refuser l’attribution de la carte professionnelle.
Il est toujours possible pour le demandeur d’une carte de contester la décision de refus de délivrance de la carte professionnelle devant le tribunal administratif, éventuellement en référé si l’urgence le justifie.
Or, une question se pose régulièrement dans un cas particulier – mais assez fréquent.
Quid si le fichier TAJ comporte une seule mention, concernant un acte ancien et d’une gravité modérée, et n’ayant, par définition, soit donné lieu à aucune condamnation pénale devant un Tribunal, soit ayant donné lieu à une mesure favorable consistant à effacer la mention du casier ou à ne même pas l’inscrire au B2 ?
Quel équilibre trouver entre l’exigence de moralité et de compatibilité avec l’exercice de la profession, élément incontournable au vu de l’activité de sécurité, et l’amendement par le temps qui passe d’une personne qui n’a commis qu’un acte répréhensible d’une gravité moyenne dans sa vie ?
L’équilibre n’est pas si simple à trouver.
Tout est question de casuistique propre à chaque situation.
Toujours est-il que plusieurs tribunaux administratifs ont tranché dans un sens favorable au requérant et ont annulé le refus de délivrance de carte professionnelle du CNAPS.
Dans un jugement du 15 mai 2023, le tribunal administratif de Lille a annulé un refus de délivrance de carte professionnelle.
Dans cette affaire, le requérant avait été condamné une seule fois pour port d’arme à un mois d’emprisonnement avec sursis, outre une interdiction de port d’arme pendant trois ans.
Le Tribunal avait jugé que la condamnation ne serait pas inscrite au bulletin n°2 du casier judiciaire.
Ces faits avaient été commis trois ans avant la demande de renouvellement, sachant que le requérant exerçait l’activité d’agent privé de sécurité depuis dix ans.
Il n’avait commis aucun autre acte repréhensible.
Le Tribunal administratif de Lille a donc considéré que cet acte isolé, ancien et d’une gravité modérée ne pouvait justifier de refus de carte professionnelle.
Dans un jugement du 12 juin 2023, le tribunal administratif de Toulouse a même été encore plus loin en annulant un refus de carte professionnelle alors que la condamnation était encore inscrite au bulletin n°2.
Le demandeur avait été condamné à plusieurs peines concernant des faits d’usage de stupéfiants (amende, stage ).
Les faits dataient de quatre ans avant la demande de carte professionnelle. Celle-ci avait donc été refusée par le CNAPS.
Le Tribunal a fait preuve de clémence, en raison du caractère ancien et isolé, mais également de la situation personnelle du défendeur, malade au moment des faits et ayant fait face à des difficultés personnelles. Cette personne avait néanmoins continué à travailler dans la sécurité.
Contester la décision de refus du CNAPS peut parfois être une riche idée…
Mon cabinet demeure à votre disposition pour toute précision et intervient dans toute la France devant les juridictions administratives.
Me Sylvain Bouchon
Avocat au Barreau de Bordeaux
bouchonavocat@gmail.com
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