Le principe de la notation pour les agents publics est prévu par le statut général des fonctionnaires. En effet, l’article 17 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 indique : « Les notes et appréciations générales attribuées aux fonctionnaires et exprimant leur valeur professionnelle leur sont communiquées. Les statuts particuliers peuvent ne pas prévoir de système de notation ».
Toutefois, depuis la fin des années 2000, la notation a peu à peu été remplacée par l’évaluation professionnelle, d’abord à titre expérimental, puis, pour certaines fonctions publiques, de manière définitive.
Ainsi, désormais, l’article 55 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 (fonction publique de l’Etat) et l’article 76 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 (fonction publique territoriale) prévoient que l’appréciation passe par un entretien professionnel annuel donnant lieu à l’établissement d’un compte-rendu.
En revanche, l’article 65-1 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 (relative à la fonction publique hospitalière) prévoit toujours la notation des fonctionnaires, avec une simple expérimentation de l’entretien professionnel au titre des années 2011 à 2013. De même, les articles 41 de l’arrêté n° 1065 du 22 août 1953 et 61 de la délibération n° 486 du 10 août 1994 (relatifs aux fonctions publiques de Nouvelle-Calédonie) maintiennent le principe de la notation par une cote chiffrée.
Dans ces conditions, à l’heure actuelle, la notation et l’évaluation par un entretien professionnel coexistent encore.
Bien que ces deux types d’évaluation (notation / entretien) aient une philosophie différente, elles disposent d’un tronc commun important, leur objet étant exactement le même.
Aussi, la contestation des notations et des évaluations professionnelles suit les mêmes règles.
Dans ces deux hypothèses, il est possible de former un recours administratif devant les commissions administratives paritaires (I.) et un recours contentieux devant le tribunal administratif (II.).
I. Le recours administratif devant les commissions administratives paritaires
Lors de l’introduction de l’entretien professionnel (à titre expérimental ou définitif), trois décrets ont été adoptés pour prévoir des modalités de recours administratif spécifiques.
Ce recours suit des règles relativement précises qui doivent être respectées :
1° Dans les 15 jours de la notification du compte rendu de l’entretien à l’agent, celui-ci doit adresser une « demande de révision » à l’autorité responsable de l’entretien.
2° L’autorité hiérarchique doit répondre à la demande de révision dans un délai de 15 jours.
3° Une fois que l’autorité hiérarchique a rendu sa décision, l’agent dispose d’un délai d’un mois pour saisir la commission administrative paritaire afin que celle-ci propose la révision à l’autorité hiérarchique.
Si toutefois, la commission administrative paritaire refuse de demander la révision de la notation, ou si, malgré cette proposition, l’autorité hiérarchique refuse de réviser la notation, il est possible de former un recours contentieux devant le tribunal administratif.
Ce recours devra être exercé dans un délai de deux mois à compter du refus de la commission de demander la révision ou du refus de l’autorité hiérarchique de procéder à cette révision.
Il convient néanmoins de préciser à ce stade que la procédure de saisine de la commission administrative paritaire n’existe selon les règles précises indiquée ci-dessus que dans la fonction publique d’Etat et la fonction publique territoriale.
En effet, pour la fonction publique hospitalière et les fonctions publiques néo-calédoniennes, il est seulement prévu que les commissions administratives paritaires sont saisies des demandes de révision par les agents (article 65 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 et article 15 de la délibération n° 135 du 21 août 1990 pour les fonctions publiques de Nouvelle-Calédonie).
S’agissant de la fonction publique hospitalière, le décret n° 2010-888 du 28 juillet 2010 prévoyait une procédure identique à celle prévue pour la fonction publique de l’Etat et la fonction publique territoriale. Néanmoins, ce décret attachait la procédure à l’évaluation professionnelle, utilisée à titre expérimentale de 2011 à 2013. L’évaluation professionnelle ayant disparu, l’on doit en déduire que la procédure prévue à l’article 6 du décret n° 2010-1153 du 29 septembre 2010 a également disparu.
Par conséquent, dans la fonction publique hospitalière et la fonction publique de Nouvelle-Calédonie, il ne paraît pas nécessaire de saisir l’autorité hiérarchique avant de former un recours devant la commission administrative paritaire.
De plus, les délais précis prévus pour saisir la commission administrative paritaire dans la fonction publique d’Etat et la fonction publique territoriale ne paraissent pas s’appliquer.
Néanmoins, par sécurité, le délai de 15 jours devra être respecté pour éviter toute discussion ultérieure sur ce point.
II. Le recours devant le juge
Il est également possible de former un recours contentieux contre la notation attribuée à un fonctionnaire.
En effet, l’agent a le choix entre le recours administratif et le recours contentieux. Contrairement à ce que l’on peut lire parfois, le recours gracieux devant la commission administrative paritaire n’est pas obligatoire (CE. SSJS. 6 mai 2015, n° 386907, mentionnée aux tables).
Il convient donc de se pencher sur les moyens qui peuvent être avancés devant le juge en cas de recours contre une notation ou une évaluation.
Au préalable, il doit néanmoins être rappelé qu’un recours formé par un fonctionnaire contre ses notations est recevable.
- La recevabilité du recours
Le juge administratif considérait initialement qu’un agent public ne pouvait pas contester sa notation.
Néanmoins, il est revenu il a désormais longtemps sur cette position et juge que les notations et appréciations sont des décisions susceptibles de recours (CE 22 novembre 1963, Vanesse, n° 58201, publiée au Recueil p. 577).
Cependant, cette recevabilité ne concerne ni toutes les appréciations, ni tous les requérants :
• Tout d’abord, seul l’agent noté a intérêt à agir contre la décision de notation. Aussi, un autre fonctionnaire (CE. SSR. 7 juillet 1995, Mme Werl, n° 119112, publiée au Recueil p. 291) ou un syndicat (CE. Sect. 30 novembre 1979, Martin et Syndicat autonome de l’équipement de l’Aube, n°s 12323-12324, publiée au Recueil) n’a pas intérêt à contester une notation.
• Ensuite, le recours n’est recevable que contre la notation ou l’évaluation définitive.
En effet, il n’est pas possible de former de recours contre une proposition de notation, par exemple par le supérieur hiérarchique (CE. SSR. 16 juin 1982, Epoux Chereul, n° 23277, mentionnée aux tables).
Seule la notation ou l’évaluation effectivement adoptée par l’autorité compétente peut être contestée.
• Enfin, s’agissant des notations, celles-ci comprennent en principe une note chiffrée et une appréciation littérale.
Or, la note chiffrée et l’appréciation constituent un tout indivisible de sorte qu’un recours formé uniquement contre la note chiffrée ou l’appréciation est irrecevable (CE. SSR. 29 juillet 1994, Mme Litovsky, n° 89011, mentionnée aux tables p. 999).
Il convient donc de bien contester les deux composantes de la notation.
- Le contrôle exercé par le juge
Le juge administratif exerce, au fond, un contrôle restreint sur les notations attribuées au fonctionnaire et les comptes rendus d’évaluation.
Cela signifie que l’administration conserve, malgré le contrôle, un large pouvoir pour apprécier la valeur professionnelle de son agent.
Aussi, il contrôle :
• L’absence d’erreur manifeste d’appréciation (voir en ce sens : CE. Sect. 26 octobre 1979, M. Leca, n° 04983, publiée au Recueil ; CE. SSJS. 30 septembre 2015, n° 373355).
Il vérifie donc que les appréciations et notations retenus sur l’agent ne sont manifestement erronées par rapport à sa manière de servir réelle.
• L’absence de détournement de pouvoir (CE. Sect. 26 octobre 1979, M. Leca, n° 04983, publiée au Recueil).
Sont ainsi contrôlées les motivations de l’administration. Si elle n’a pas agi pour un motif légitime d’intérêt général en fixant la notation, alors la notation est annulée.
• L’absence d’erreur de droit. Le juge vérifie que l’administration a correctement appliqué les textes relatifs à la notation.
Ainsi, à titre d’exemple, il censurera la prise en compte d’éléments étrangers à la valeur professionnelle de l’agent, comme son ancienneté (CE. SSR. 16 mai 2007, Hospices civils de Lyon, n° 284549, mentionnée aux tables).
De même, il condamnera l’application d’une échelle de notation différente de celle prévue par les textes, à savoir de 0 à 20 en métropole (CE. SSR. 26 janvier 2007, M. Casalegno, n° 266332).
• L’exactitude matérielle de faits (ex : CE. SSJS. 15 mai 2014, n° 374725).
Le juge vérifie ainsi que les événements relatés dans les appréciations établies par l’administration sont vrais.
• En pratique, l’essentiel du débat devant le juge porte sur la valeur professionnelle de l’agent.
C’est ce que contestent généralement les requérants et, surtout, la valeur professionnelle est l’objet même de la notation.
Aussi, la jurisprudence est abondante sur les éléments qui doivent, peuvent ou ne doivent pas être pris en compte.
Ainsi, il appartient à l’autorité hiérarchique de porter une appréciation individuelle sur la manière de servir de chaque agent et de proportionner cette appréciation à la notation. Dès lors, une notation qui est attribuée collectivement, par grade, est illégale (CE. SSR. 24 novembre 1989, Garde des Sceaux c. Hernandez, n° 72615, mentionnée aux tables).
De plus, l’administration ne peut tenir compte que de la valeur professionnelle de l’agent, ce qui exclut la possibilité de tenir compte son ancienneté dans le grade (CE. SSR. 16 mai 2007, Hospices civils de Lyon, n° 284549, mentionnée aux tables).
En revanche, outre la qualité du travail de l’agent et son comportement, la valeur professionnelle recouvre :
- L’appréciation comparée des mérites de l’agent et de ses collègues. Ce qui signifie que les mérites des autres collègues peuvent intervenir dans l’appréciation (CE. SSR. 24 juin 1992, Mme Guillemot, n° 99180, mentionnée aux tables).
- Les manquements à la discipline, sans que cela constitue une sanction (CE 23 février 2000, Ministre de l’éducation nationale c. Mlle Collombat, n° 185134). Par conséquent, une notation peut difficilement être requalifiée en sanction déguisée. En effet, dans la mesure où il est possible de tenir compte de manquements à la discipline (même non-sanctionnés) pour fixer une notation, l'on ne voit pas dans quelles hypothèses une notation pourrait être requalifiée.
- Les éventuelles difficultés relationnelles rencontrées par l’agent (CE. SSR. 28 juillet 1995, Ministre des affaires sociales c. M. Richaud, n° 133568).
C’est donc selon ces principes que le juge contrôle la notation (cote numérique et appréciation littérale) qui lui est soumise.
Bruno Roze
Avocat au Barreau de Paris
5, rue Cambon 75001 Paris
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