Dans le cadre de la réforme de l’accès aux études de santé (loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 et décret n° 2019-1125 du 4 novembre 2019), dites désormais « MMOP » (médecine, maïeutique, odontologie et pharmacie) des dispositions transitoires ont été prévues pour permettre le passage de l’ancien au nouveau mode de sélection des étudiants.
Le contenu de la réforme
Jusqu’ici, la « première année commune aux études de santé » (ci-après : PACES) était la voie unique d’accès aux études de santé et les étudiants pouvaient se réinscrire, en cas d’échec, une seconde fois, voire une troisième fois sur dérogation (article 12 de l’arrêté du 28 octobre 2009 relatif à la PACES).
Le numerus clausus (capacités d’accueil en deuxième année d’études de santé) était alors fixé par l’Etat sur le fondement de l’article L. 631-1 ancien du code de l’éducation.
Toutefois, la préparation de cette année universitaire n’ouvrait droit et ne conduisait à l’obtention d’aucun crédit ECTS.
La réforme issue de la loi du 24 juillet 2019 a eu deux objectifs :
D’une part, diversifier le profil du recrutement des étudiants en santé.
D’autre part, limiter les échecs à long terme en ne permettant pas le redoublement et en créant des voies d’accès conduisant à l’obtention de crédits ECTS.
Dans le cadre de cette réforme, il a également été décidé que le numerus clausus, fixé au niveau national, serait remplacé par un numerus apertus, fixé par chaque université, en fonction de deux critères : les capacités de l’université et les besoins en santé du territoire (article L. 631-1 nouveau du code de l’éducation).
Aussi, deux voies d’accès parallèles ont été créées :
§ Le Parcours accès santé spécifique (ci-après : PASS) qui est une année axée sur les études de santé mais avec une option dans une autre discipline, et qui donne lieu à la validation d’ECTS ;
§ La Licence accès santé : (ci-après LAS), qui est une licence dans une autre discipline mais avec un parcours santé qui permet, en parallèle du cursus principal, de tenter un accès aux études de santé en première, deuxième ou troisième année.
Ces deux nouvelles voies d’accès aux études de santé donnent lieu à deux séries d’épreuves (prévues par l’article R. 631-1-2 nouveau du code de l’éducation) et organisées désormais par les universités :
§ Le premier groupe d’épreuves, qui est généralement écrit, ne peut en principe conduire à octroyer plus de la moitié des places disponibles dans chacune des filières de santé.
§ Le second groupe d’épreuves, qui est généralement oral, est ouvert aux étudiantes dont le classement est déterminé par le jury (autrement dit, il s’agit des élèves qui n’ont pas été acceptés au terme du premier groupe d’épreuves mais dont les notes sont supérieures à un seuil fixé par le jury ; les élèves dont les notes sont inférieures à ce seuil ne sont pas autorisés à se présenter).
Bien qu’il soit permis de douter de l’efficacité de ce système pour « diversifier » les profils des étudiants – puisque ce mécanisme donne un avantage certain aux étudiants issus de familles aisées et éduquées (lesquelles sont en mesure de leur fournir une préparation privée payante pour l’année unique de PASS) – il n’en demeure pas moins que, désormais, les études de santé sont organisées au sein de chaque université et non de manière commune à tous les étudiants sur l’ensemble du territoire.
L’année de transition
Au cours de l’année universitaire 2020-2021, le nouveau mécanisme n’était pas encore totalement mis en œuvre.
En effet, pour préserver la deuxième chance des élèves inscrits en 2019-2020 en PACES, des dispositions transitoires ont fait coexister les deux systèmes pour l’année 2020-2021.
Aussi, pour cette année spécifique, trois modes d’accès aux études de santé ont coexisté : d’une part, la PACES, réservées aux redoublants de la PACES de l’année précédente, d’autre part, les PASS et LAS évoquées ci-dessus.
Les modalités de fixation des capacités d’accueil en deuxième année d’études de santé (numerus clausus et numerus apertus) ont donc suivi un chemin spécifique pour l’année universitaire 2020-2021 (article 18 de l’arrêté du 4 novembre 2019).
Plus précisément, d’une part, l’Etat était supposé fixer le nombre d’étudiants autorisés à suivre une PACES et le nombre de places en deuxième année qui leur était réservé (numerus clausus). D’autre part, les universités, en tenant compte des objectifs pluriannuels d’évolution de nombre d’inscrits, devaient fixer le nombre d’élèves susceptibles d’être admis en deuxième année en provenance de PASS et de LAS (numerus apertus).
Ces capacités d’accueil en deuxième année devaient être fixées avant le 31 mars 2020 en vertu du III. de l’article 18 de l’arrêté du 4 novembre 2019.
Les "ratés" de la mise en oeuvre de la réforme
Toutefois, dans la pratique, la fixation de ces capacités d’accueil n’a absolument pas eu lieu dans ces conditions. En effet, au 31 mars 2020, ni les objectifs pluriannuels, ni le numerus clausus des élèves de PACES, ni le numerus apertus des élèves de PASS/LAS n’étaient fixés.
L’Etat n’a fixé le nombre d’étudiants de PACES autorisés à poursuivre leurs études que par arrêté du 25 janvier 2021.
Les universités, qui étaient dans l’attente de cette information, ainsi que des objectifs pluriannuels n’ont donc fixé le numerus apertus qu’après cela (en général au cours du mois de mars 2021).
Autrement dit, les élèves de PASS/LAS, qui devaient initialement connaître le numerus apertus avant même leur inscription via Parcoursup en juin 2020 n’ont eu d’informations claires sur ce numerus qu’après leur premier semestre de formation, en mars ou avril 2021.
De plus, postérieurement à la fixation du numerus clausus (PACES) et du numerus apertus (PASS), le Conseil d’Etat a suspendu l’exécution de l’arrêté du 25 janvier 2021 fixant le numerus clausus de la PACES.
En effet, le Conseil d’Etat a considéré que le ministre s’était fondé uniquement « sur des taux de réussite constatés par le passé », sans prendre en considération « les places disponibles en deuxième année » et « le sort des étudiants ayant suivi en 2020-2021 le nouveau parcours " accès santé " spécifique ou une année de licence avec une option " accès santé " » (CE. Ord. 28 avril 2021, n°451563) pour censurer cet arrêté.
Autrement dit, le Conseil d’Etat a estimé que le ministre avait fait abstraction des places laissées aux élèves de PASS/LAS pour fixer les places accordées aux PACES.
Le ministre a adopté un nouvel arrêté le 5 mai 2021 qui a cependant repris les mêmes numerus que ceux précédemment fixés pour chaque université.
A la suite de cette ordonnance du Conseil d’Etat, plusieurs juridictions du fond ont également suspendu les délibérations d’universités fixant leurs numerus apertus pour les étudiants de PASS/LAS (TA Marseille. Ord. 30 avril 2021, n°2103155 ; TA Montpellier. Ord. 4 mai 2021, n°2101792 ; TA Besançon. Ord. 27 mai 2021, n° 2100745 ; TA Nancy. Ord. 3 juin 2021, n° 2101459).
De la sorte, le premier groupe d’épreuve s’est déroulé en juin 2021, pour de nombreux élèves, sans qu’un numerus apertus ne soit fixé officiellement (alors qu’il devait être fixé depuis mars 2020).
Cette « saga » judiciaire n’est pas encore finie car le Conseil d’Etat est saisi, en cassation, d’un certain nombre d’ordonnances censurant ou refusant de censurer les numerus apertus fixés par les universités. Cela signifie donc qu’il ne sera possible de savoir si les épreuves ont été régulièrement organisées qu’après cette intervention de la Haute juridiction (qui devrait avoir lieu dans les jours à venir).
Le résultat est en tout cas un échec dans cette transition qui devait se faire en douceur et qui, en pratique, a conduit les étudiants à marcher à tâtons, en passant des épreuves sans même connaître le numerus qui leur serait appliqué in fine.
En ajoutant à cela les nombreux « ratés » de certaines universités dans l’application de leurs propres modalités de contrôle des connaissances qui s’appliquent désormais pour chaque université (ex : TA Nancy. Ord. 21 juin 2021, n° 2101740), les étudiants ont, comme souvent, été les victimes de cette réforme, mal préparée, qui aurait à l’évidence dû être repoussée d’une année eu égard aux difficultés apparemment rencontrées dans sa mise en œuvre.
Il est en tout cas certain que le contentieux risque de durer pour cette année charnière, et même pour les années suivantes, au cours desquelles les universités seront encore, en réalité, dans les tâtonnements inhérents aux réformes d’une telle ampleur.