Petite lettre à nos Chers Confrères misogynes.
Mes Très Chers Confrères Misogynes,
Vous avez appris tout comme moi la teneur des tristes chiffres de cette année et vous avez pleuré, je le sais :
En France, il y a 42 609 avocats.
Les femmes représentent 44,8 % des inscrits et 60,6 % des avocats stagiaires.
(extraits des éléments statistiques du CNB)
Bien loin le temps béni du dix neuvième siècle qui ne connaissait aucune femme avocate.
Mais, hélas la Belle Epoque s'est terminée en 1900 avec Jeanne Chauvin qui fut la première femme avocate.
Heureusement, le Conseil d'Etat et la Cour de cassation ont été vos dignes serviteurs et n'ont admis la première femme avocate auprès de leur juridiction qu'en 1976...
Et vous avez été mécontents, mes Chers Confrères misogynes, mécontents de devoir partager ce métier, cette passion avec les femmes...
Et vous avez exprimé votre mécontentement, par des caricatures grotesques représentant les femmes avocates plaidant avec leur progéniture dans les bras (voir pièces 1 et 2 suivant bordereau)
Vous avez donc définitivement perdu votre virilité et une grande partie de votre pouvoir en laissant les femmes entrer dans votre fief bien gardé ...
Et aujourd'hui que vous reste-il comme combat, la femme ayant acquis sa place dans votre profession ?
Il vous reste le titre, votre titre sacré : AVOCAT...
Interdiction de le modifier, notre règlement intérieur ne reconnaît qu'un seul titre celui d'avocat...
Et AVOCATE ?
Non, grand Dieu, le mot avocat est un titre qui ne peut pas être féminin...
Femmes tu resteras et demeureras avocat, tu as voulu exercer une profession d'homme, tu en subis les conséquences : aucune différence, aucune distinction avec tes Confrères hommes...
Femme tu es et homme tu deviendras car devenir avocat ne s'improvise pas...
On ne naît pas avocate, on ne le devient pas non plus, selon vous.
Et pourtant, les femmes sont de plus en plus nombreuses et seront majoritaires dans quelques années et vous serez contraints d'abandonner ce titre...
En effet, mes Chers Confrères misogynes, sauf le respect que je ne vous dois pas, je souhaiterais vous faire réfléchir (si c'est possible et j'en doute...) :
Vous Confrères misogynes qui êtes de vrais spécialistes du droit français et du droit comparé, je ne vais pas vous apprendre que dans beaucoup de pays européens et notamment l'Allemagne, notre fameux titre est féminisé...
Je vous entends : LA LANGUE FRANCAISE, LA BEAUTE DES MOTS....
Je vous réponds, mes Chers Confrères misogynes que non seulement vous détestez les femmes mais aussi vous savez être hypocrites...
Cela ne vous dérange pas de féminiser des fonctions telles que mécanicien ou éboueur...
Pour finir, votre argumentation est inopérante, il suffit pour vous de jeter un œil dans un dictionnaire, au hasard le petit Robert (qui j'espère deviendra un jour la Petite Roberte) , ce dernier admet le féminin d'avocat...
Quoi d'autre à m'opposer ?
Le Règlement Intérieur ?
Puis-je vous faire remarquer en avocate irrespectueuse que je suis que si le Règlement intérieur ne fait aucune mention du titre d'avocate, il n'interdit pas non plus de l'utiliser...
Et souvenez-vous de vos très chers cours de Libertés Publiques : ce qui n'est pas interdit est permis...
Alors laissez nous la liberté de choix, mes très Chers Confrères misogynes, liberté de choisir le titre d'avocat ou celui d'avocate... c'est la seule chose que je revendique...
Si ce titre est honorifique, pourquoi ne pas le féminiser, n'est-ce pas un honneur d'être avocat et femme...
Rappelez qu'autrefois et même encore aujourd'hui, il existait des Princesses à la Cour ...
Enfin....je n'ai pas grand espoir de vous changer, mes Chers Confrères misogynes, et mes oreilles sifflent déjà et je devine vos ricanements et vos moqueries sur ma lettre que vous qualifierez de féministe...
L'argument est bien facile et pauvre et je n'y répondrai pas.
Il me reste à vous prier de me croire,
Votre Bien Dévoué Confrère.
Michèle BAUER, avocate à la Cour Messaouda GACEM, avocate à la Cour
P.S : vous l'aurez corrigé, mon secrétaire a fait une faute de frappe : il fallait lire, Votre Bien Dévouée Consoeur.