J'ai regardé l'émission ENVOYE SPECIAL jeudi dernier.
Cette émission était consacrée à plusieurs thèmes dont un particulièrement intéressant pour les avocats : les désillusions du divorce rapide.
Au début du reportage, il s'agissait de décrire les divorces proposés par certains confrères et certaines consoeurs et par internet (dont une de nos blogueuses sur avocats.fr, Carole GHIBAUDO).
Divorces sans rendez-vous mais avec un soutien, une consultation juridique et une relation avec le client par mail.
En outre, ENVOYE SPECIAL a également filmé un juriste qui sentant sans doute le bon filon a créé un site internet : « divorce.fr ».
Ce juriste prépare avec une autre collègue juriste les divorces par consentement mutuel et les envoie à des avocats correspondants qui sont chargés d'assurer l'audience.
Lorsque ENVOYE SPECIAL a demandé à ce juriste si tout cela était bien légal, ce dernier a botté en touche et a précisé qu'en tout état de cause il ne délivrait aucune consultation juridique.
Cette réponse démontre qu'il se sait parfaitement dans l'illégalité.
Il connaît la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques et tout particulièrement son article 54 qui dispose :
« Nul ne peut, directement ou par personne interposée, à titre habituel et rémunéré, donner des consultations juridiques ou rédiger des actes sous seing privés, pour autrui :
1- s'il n'est titulaire d'une licence en droit ou s'il ne justifie, à défaut d'une compétence juridique appropriée à la consultation et à la rédaction d'actes en matière juridique qu'il est autorisé à pratiquer conformément aux articles 56 à 66.
Les personnes mentionnées aux articles 56, 57 et 58 sont réputées posséder cette compétence juridique.
Pour les personnes exerçant une activité professionnelle réglementée mentionnée à l'article 59, elles résultent des textes les régissant.
(...)
De même, l'article 55 précise :
« Toute personne autorisée par le présent chapitre à donner des consultations juridiques ou à rédiger des actes sous seing privés, pour autrui, de manière habituelle et rémunérée, doit être couverte par une assurance souscrite personnellement ou collectivement et garantissant les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile professionnelle qu'elle peut encourir au titre de ses activités. Elle doit également justifier d'une garantie financière, qui ne peut résulter que d'un engagement de caution pris par une entreprise d'assurance régi par le code des assurances ou par un établissement de crédit habilité à cet effet, spécialement affecté au remboursement des fonds, effets ou valeurs reçus à ces occasions. En outre, elle doit respecter le secret professionnel conformément aux dispositions des articles 226-13 et 226-14 du code pénal et s'interdire d'intervenir si elle a un intérêt direct ou indirect à l'objet de la prestation fournie. Les obligations prévues à l'alinéa précédent sont également applicables à toute personne qui à titre habituel et gratuit donne des consultations juridiques ou rédige des actes sous seing privés. »
L'article 56 précise que les avocats, les avoués, les notaires, les huissiers de justice, commissaires priseurs, les administrateurs judiciaires et les mandataires liquidateurs disposent du droit de donner des consultations juridiques et de rédiger des actes sous seing privés pour autrui.
D'autres précisions sont mentionnées à l'article 58 de la loi et l'article 59.
L'article 58 précise le statut du juriste d'entreprise qui peut rédiger des actes juridiques dans le cadre de ses fonctions et au profit exclusif de l'entreprise qui l'emploie.
De même, l'article 59 dispose que les personnes exerçant une activité professionnelle réglementée peuvent dans les limites autorisées par la réglementation qui leur est applicable, de donner des consultations juridiques relevant de leur activité principale et rédiger des actes sous seing privés qui constituent l'accessoire direct de la prestation fournie.
L'article 66-2 de la loi de 1971 prévoit les peines encourues :
« Sera puni des peines prévues à l'article 72 quiconque aura en violation des dispositions du présent chapitre, donné des consultations rédigées pour autrui et des actes sous seing privés en matière juridique. La peine encourue est une amende de 4.500 euros et en cas de récidive de 9.000 euros et un emprisonnement de 6 mois ou l'une des deux peines seulement. »
Or, il me semble que ce fameux juriste et sa collègue de divorce.fr tombent sous le coup de cette loi.
Ce sont des braconniers du droit qui exercent notre profession sans donner les garanties aux justiciables.
Divorcer par l'intermédiaire de ce site est un danger.
En effet, le justiciable n'a aucune garantie.
Les juristes travaillant au sein de cette entreprise ne sont pas soumis au serment que nous prêtons qui exige que nous exercions notre profession avec dignité probité, indépendance, conscience et humanité.
Nous sommes soumis au secret professionnel et nous sommes sanctionnés pénalement si nous ne respectons pas ce secret professionnel.
En outre, tous les avocats sont assurés contre les sinistres.
Or, je ne pense pas que divorce.fr offre toutes ces garanties aux justiciables, loin de là.
En tout état de cause, si vous souhaitez divorcer et que comme le précise le titre de cette émission d'ENVOYE SPECIAL vous ne souhaitez pas être plein de désillusions après ce divorce, il est primordial de rencontrer un avocat et de monter le dossier avec lui.
L'avocat vous conseille sur la forme de divorce qui est adaptée pour vous.
Pour moi , il est inconcevable qu'une requête ou une convention de divorce par consentement mutuel puisse être rédigée sans le moindre conseil.
C'est un acte qui a des conséquences à la fois patrimoniales mais aussi des conséquences affectives (modalités droit de visite des enfants ou fixation de la résidence habituelle des enfants...).
ENVOYE SPECIAL a précisé que l'Ordre de PARIS et le CNB n'auraient pas réagi.
Je n'en suis pas si certaine.
En tout état de cause, pour ma part, je ne manquerai pas de signaler ce site et ces braconniers du droit au Président du CNB, s'il me lit...
Il faut réagir dans l'intérêt du justiciable.
Contact: cabinet@michelebaueravocate.com 33 Cours Pasteur- 33 000 BORDEAUX tél 05 47 74 51 50