Le manque de moyens est de plus en plus important, les greffiers sont en colère, ils n’ont ni les moyens humains ni les moyens matériels de travailler correctement ( vous pouvez lire des témoignages de greffiers sur le site d’Eolas, témoignages révélateurs du mal être de ces fonctionnaires et de la justice qui est plongée dans un profond coma.
Les juges sont peu nombreux pour rendre la justice:
- les tribunaux correctionnels siègent jusque tard dans la nuit et être attentifs jusqu’à minuit ou une heure du matin relève de l’exploit impossible
- les juges aux affaires familiales qui se prononcent sur des dossiers importants dans lesquels les intérêts des enfants sont en jeu fixent des audiences qui doivent durer 15-20 minutes maximum, 15-20 minutes pour statuer sur des dossiers délicats, pour statuer sur le procès d’une vie de justiciables médusés. Nos clients sont très souvent sidérés du peu de temps qui leur est accordé, ils ne comprennent pas
- les Conseils de Prud’hommes et les Cours d’appel Chambre sociale qui règlent les litiges entre salariés et employeurs n’offrent que très peu de temps de parole aux avocats, aux justiciables, les audiences étant surchargées et même si la procédure est orale, elle sera expéditive
- Il en est de même des autres juridictions, aucune n’échappe à cette règle: rendre la justice avec les moyens que l’on a, les moyens que le Ministère ( du budget et pas de la justice…) donne aux juges, c’est-à-dire pas grand chose, le budget consacré à la justice est dérisoire, il représente 7,7 milliards d’euros soit 4,1% du budget de l’Etat ( voir les chiffres clefs du budget)
Mais la justice souffre aussi d’un manque d’égalité… Tous les justiciables ne bénéficient pas de la même chance d’accéder à la justice, d’accéder au juge !
L’aide juridictionnelle qui est destinée à permettre à tous, et aux plus démunis d’accéder à la justice, au juge est à bout de souffle… les avocats qui défendent les plus démunis sont à bout de souffle également, épuisés par les luttes, les réflexions qu’ils ont fournies sur un plateau aux différents Ministres de la Justice de gauche comme de droite pour trouver des nouveaux moyens de financement de cette aide juridictionnelle.
Le constat est alarmant, au fil des années, l’Etat français se désintéresse de plus en plus de l’accès à la justice des plus démunis, des pauvres car ils le sont dans tous les sens du terme.
Une seule constante: trouver un moyen pour enfin arrêter de financer l’aide juridictionnelle, se débarrasser de ce petit poids tout petit que représente le budget de l’aide juridictionnelle ( 280 millions d’euros, ce qui est peu par rapport au budget de la justice qui est de 7,7 milliards)… il faut bien faire des économies.
Les moyens pour aboutir à terme à ne plus financer l’aide juridictionnelle sont doucement mis en place:
- Tout d’abord, il faut décourager les candidats à l’aide juridictionnelle en demandant de plus en plus de pièces pour constituer un dossier d’aide juridictionnelle et en étant de plus en plus exigeants sur les dossiers incomplets. Il manque la copie de la carte d’identité alors qu’un extrait d’acte de naissance est fourni: rejet… il manque le relevé du compte livret A d’un justiciable au RSA rejet, car c’est bien connu celui qui perçoit le RSA peut économiser et il bénéficie de plusieurs milliers d’euros de côté: rejet… le dernier vaccin contre la bêtise n’est pas fourni au dossier … rejet (oups, pardon je m’égare, ce n’est pas une pièce obligatoire pour le dossier d’AJ).
- Puis, *décourager les avocats d’accepter les dossiers d’aide juridictionnelle: en ne respectant pas le protocole signé en 2000 qui prévoyait une revalorisation de l’indemnisation de l’avocat intervenant au titre de l’aide juridictionnelle…
Depuis 2000, les avocats sont payés au même prix (quel est le salarié qui au bout de 14 ans accepterait d’être payé au même salaire sans augmentation et donc sans aucune reconnaissance du travail accompli ?).
*Décourager les avocats aussi en refusant d’accorder l’aide juridictionnelle dans le cadre des procédures d’urgence, des procédures en matière de droit des étrangers: les avocats ont travaillés mais ne seront pas payés, certains arrêtent de défendre ces justiciables par peur de ne pas être payés pour un travail pourtant bien effectué… il faut savoir que lorsqu’un avocat plaide un dossier d’aide juridictionnelle, il est payé à la fin de la procédure et seulement si le sésame lui a été délivré ( la décision d’aide juridictionnelle) avec l’attestation de fin de mission qui est transmise par le greffe quelques fois très longtemps après l’audience ( cf plus haut le problème de moyens de la justice et des greffes).
- Et enfin, ne jamais aborder le vrai problème qui est le financement de l’aide juridictionnelle, l’aborder intelligemment et sincèrement… au contraire, il est préférable de saborder tout le travail de recherche qui a été effectué pour trouver des solutions de financements complémentaires !
La profession d’avocat a proposé des pistes de financements complémentaires et notamment:
*la taxation des actes juridiques qui constitue une solution empreinte d’une certaine solidarité: les plus riches financeraient les plus pauvres. Cette solution n’a pas été retenue.
*La taxation des assurances protection juridique qui ne sont pas à plaindre a été proposée également, cette solution n’a pas retenue l’attention non plus.
*Le seul financement retenu et qui n’a jamais été proposé par notre profession: la taxation du chiffre d’affaires des avocats, c’est logique on demande aux avocats de financer leur travail ( il ne viendrait jamais à l’idée des employeurs de demander aux salariés de leur rétrocéder 10% de leur salaire par mois en guise de remerciement car en cette période de crise ils ont été les heureux élus à un poste de travail. De même, il ne viendrait pas à l’idée de l’Etat de demander aux médecins de financer la SECU !) Mais j’oubliais, il existe cette légende urbaine, ce mythe: l’avocat est riche.. ce mythe, cette légende qui a la vie dure… cette légende du XIXème siècle, siècle prospère pour les avocats qui étaient peu nombreux et qui vivaient tous bien, mais nous sommes au XXIème siècle alors avançons !
La conclusion est bien triste: la justice est en souffrance, l’aide juridictionnelle en péril et les avocats aussi démunis que les justiciables les plus démunis qu’ils défendent face au dédain, au mépris à la condescendance des gouvernements qui se succèdent et se ressemblent.
La justice est pauvre et elle ne sera bientôt réservée qu’aux riches (si ce n’est déjà pas le cas).
Mobilisons nous le 5 juin 2014, le Barreau de Bordeaux a voté la grève des audiences le 5 juin et une prolongation des hostilités du 6 au 13 juin 2014, et ce n’est que le début car il est vital de soulager la justice de ses souffrances et de sauver l’aide juridictionnelle !