On a failli ne pas le voir tellement cet amendement a voulu se faire discret, je l’ai repéré grâce à deux petits tweets, le divorce sans juge est de retour, sans juge mais avec avocat et notaire.
L’amendement du 30 avril 2016 déposé par le gouvernement propose une modification de l’article 229 du Code civil:
Les époux peuvent consentir mutuellement à leur divorce par acte sous signature privée contresigné par avocats, déposé au rang des minutes d’un notaire.
Un divorce sans juge est donc proposé ou devrais-je écrire encore une fois proposé car ce n’est pas la première fois que le législateur essaie de faire passer cette dé-judiciarisation. Il n’y a pas si longtemps, une proposition avait fait grand bruit , le divorce devait être homologué par un greffier et sans avocat. Il y a un peu plus longtemps, il était question du divorce chez le notaire sans les avocats.
Afin de ménager les susceptibilités et surtout pour éviter une mobilisation des avocats, cet amendement propose ce divorce sans juge mais avec les avocats qui contresigneront un acte déposé au rang des minutes d’un notaire.
Ce divorce serait une autre catégorie de divorce qui a vocation à s’ajouter aux autres mais qui a vocation surtout à se substituer à la majorité des cas de divorce par consentement mutuel.
Cet amendement est critiquable et nous, avocats nous devons être très méfiants face à ces bonnes intentions affichées par le législateur.
On nous intègre à la procédure en précisant dans l’exposé sommaire que nous serons chargé du contrôle de l’équilibre des intérêts en présence et que nous n’avons pas à nous inquiéter ce ne sera pas le notaire qui aura en charge cette mission !
Cependant, ce que nous critiquions dans le divorce sans juge et effectué par un greffier ou par le notaire c’est l’absence du juge !
En effet, un divorce par consentement mutuel n’est pas aussi simple que l’on peut le penser surtout en présence d’enfants ou de patrimoine.
Le rôle du juge est essentiel:
- il contrôle le consentement des parties au divorce.
- Il s’assure de l’intérêt de l’enfant dans la mise en oeuvre des modalités de résidence, dans le montant de la pension alimentaire.
- Il vérifiera qu’un époux n’exerce pas de pression sur l’autre pour qu’il ne demande pas de prestation compensatoire.
L’avocat n’a pas pour rôle de contrôler l’équilibre des intérêts en présence.
- il a un rôle essentiel de conseil
- il conseillera les époux pour un équilibre des intérêts en présence
Cependant, ce sont les époux qui auront le dernier mot. L’avocat aura mandat de rédiger la convention de divorce selon les souhaits des époux qui se diront d’accord sur tous les points.
Aussi, une convention déséquilibrée pourrait être présentée au notaire pour homologation, l’avocat ayant conseillé les époux, parfois essayé de leur faire changer d’avis, sans succès.
Seul un juge qui est neutre, mandaté par aucune des partie pourra vérifier le consentement des époux au divorce et aux dispositions prévues dans leur convention de divorce.
Cette proposition de divorce sous seing privé déposé auprès d’un notaire n’est pas satisfaisante et elle est dangereuse pour les époux même s’ils disposent d’un délai de réflexion.
En outre, il n’est pas question dans cet amendement du coût du divorce pour les époux.
Combien leur coûtera un tel divorce ? Aux honoraires d’avocat s’ajouteront les émoluments du notaire.
Aujourd’hui, les époux ne paient pas le juge qui les divorce. Ce divorce dé-judiciarisé coûtera plus cher aux époux que le divorce par consentement mutuel homologué par le juge.
En conclusion, il ne faut pas se leurrer, ce nouveau divorce que le législateur essaie de faire passer en catimini a pour seul et unique but d’économiser: économiser les salaires des juges aux affaires familiales.
En effet, si les JAF n’ont plus à prononcer les divorces par consentement mutuel, ils se consacreront aux autres divorces et aux liquidations de régime matrimoniaux.
Une grande part de leur travail leur sera retiré et le nombre de juge aux affaires familiales pourra être diminué et par conséquent l’Etat aura moins de salaires à payer.
L’Etat pense qu’il économisera, mais tel ne sera pas le cas, bien au contraire, il est à parier que ces divorces dont l’équilibre n’a pas été contrôlé par le juge referont surface devant le juge aux affaires familiales: les époux saisiront le juge pour un changement de résidence habituelle ou encore une modification du montant de la pension alimentaire.
Je devine que la profession sera sans doute moins mobilisée sur ce nouveau divorce par consentement mutuel car « elle en est ».
Oui, nous en sommes mais pour combien de temps, je crains que cet amendement ne soit qu’une étape et que dans quelques années un nouvel amendement propose de laisser ce divorce au notaire, un peu comme le changement de régime matrimonial qui pour partie nous a échappé.
Sous ses airs innocents cet amendement est à mon sens contraire aux intérêts de nos clients et également aux intérêts de la profession !