Cour administrative d'appel de Paris, 29 Décembre 1994
N° 94PA00328
M. Courtin, président
Mme Corouge, rapporteur
M. Paitre, commissaire du gouvernement
Lecture du 29 Décembre 1994
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
VU la requête, enregistrée au greffe de la cour le 28 mars 1994, présentée pour M. Z... demeurant ... représenté par Me TRENNEC, avocat ; M. Z... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 28 décembre 1993 par lequel le tribunal administratif de Versailles, d'une part, a rejeté sa demande, présentée conjointement avec M. X..., tendant à l'annulation pour excès de pouvoir d'un arrêté en date du 23 février 1993 par lequel le maire de la commune de Saint-Mard a accordé un permis de construire à la société SAB construction en vue de l'édification de deux immeubles de 28 logements à usage d'habitation et, d'autre part, a condamné MM. X... et Z... à verser à cette société la somme de 30.000 F au titre des frais irrépétibles ;
2°) d'annuler l'arrêté en date du 23 février 1993 ;
3°) de condamner la commune de Saint-Mard et la société SAB construction à verser au requérant la somme de 10.000 F par application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU les autres pièces du dossier ;
VU le code de l'urbanisme ;
VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
VU la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 décembre 1994 :
- le rapport de Mme COROUGE, conseiller,
- les observations de Me TRENNEC, avocat, pour M. Z... et celles de Me Y..., avocat, substituant la SCP RICARD, PAGE, DEMEURE, avocat, pour la société SAB construction,
- et les conclusions de M. PAITRE, commissaire du Gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article L.421-2-5 du code de l'urbanisme : "Si le maire ... est intéressé à la délivrance du permis de construire, soit en son nom personnel, soit comme mandataire, le conseil municipal de la commune ... désigne un autre de ses membres pour délivrer le permis de construire" ;
Considérant que, par l'arrêté attaqué du 23 février 1993, le maire de Saint-Mard a rapporté un permis de construire qu'il avait accordé le 2 juin 1992 à la société SAB construction et a délivré à cette société un nouveau permis pour la construction de deux immeubles comprenant vingt-huit logements ; qu'il possédait avec son épouse, qui en était la gérante, la moitié des parts d'une entreprise de plomberie-sanitaire, constituée sous forme de société à responsabilité limitée, qui a participé à la construction litigieuse pour un montant de travaux représentant 17 % de son chiffre d'affaires annuel ;
que, dans ces conditions, le maire devait être regardé comme intéressé, en son nom personnel, à la délivrance du permis de construire au sens des dispositions précitées de l'article L.421-2-5 du code de l'urbanisme , alors même que son entreprise ne serait intervenue sur le chantier qu'à partir du 17 septembre 1992 pour remplacer une autre entreprise défaillante et que la demande de la société pétitionnaire aurait été entièrement instruite par les services de l'Etat ; que le conseil municipal aurait dû, par suite, désigner un autre de ses membres pour délivrer le permis sollicité par la société SAB construction ; qu'il suit de là que le permis accordé à cette société le 23 février 1993 a été délivré par une autorité incompétente et que M. Z... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation dudit permis de construire ;
Sur les frais non compris dans les dépens :
Considérant que la commune de Saint-Mard et la société SAB construction succombent dans la présente instance ; que leurs conclusions tendant à l'appli-cation de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ne peuvent qu'être rejetées ; qu'il y a lieu, en revanche, sur le fondement de ces dispositions, de condamner la commune de Saint-Mard et la société SAB construction à verser, chacune, une somme de 2.500 F à M. Z... au titre des sommes exposées par lui et non comprises dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 28 décembre 1993 et l'arrêté du maire de Saint-Mard en date du 23 février 1993, en tant qu'il accorde un permis de construire à la société SAB construction sont annulés.
Article 2 : La commune de Saint-Mard et la société SAB construction verseront, chacune, à M. Z..., une somme de 2.500 F au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. Z... est rejeté.
Abstrats : 68-03-02-03 URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - PERMIS DE CONSTRUIRE - PROCEDURE D'ATTRIBUTION - AUTORITE COMPETENTE POUR STATUER SUR LA DEMANDE -Maire - Maire intéressé à la délivrance du permis de construire (article L.421-2-5 du code de l'urbanisme ) - Notion - Existence - Maire propriétaire de l'une des entreprises devant construire les bâtiments objet du permis.
Résumé : 68-03-02-03 Maire possédant, à la date de délivrance du permis de construire contesté, avec son épouse, qui en est la gérante, la moitié des parts d'une entreprise de plomberie-sanitaire constituée sous forme de société à responsabilité limitée et qui participe à la construction objet du permis pour un montant de travaux représentant 17 % de son chiffre d'affaires annuel. Il doit, de ce fait, être regardé comme intéressé, en son nom personnel, à la délivrance du permis de constuire, au sens des dispositions de l'article L. 421-2-5 du code de l'urbanisme , alors même que son entreprise serait intervenue sur le chantier pour remplacer une entreprise défaillante et que la demande de permis aurait été entièrement instruite par les services de l'Etat. Par suite, ce permis, délivré par le maire, l'a été par une autorité incompétente.
Textes appliqués :
Code de l'urbanisme L421-2-5
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1