« L’Etat d’urgence peut être déclaré sur tout ou partie du territoire métropolitain, des territoires d’outre-mer, des collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 de la constitution et en Nouvelle-Calédonie, soit en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public, soit en cas d’événements présentant par leur nature et leur gravité, le caractère de calamité publique » (article 1er de la loi 55-385 du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence).
La décision d’instaurer l’état d’urgence est prise en conseil des ministres, ce qui explique la réunion du conseil des ministres convoquée par François Hollande dans la nuit du vendredi 13 au samedi 14 novembre 2015 : elle a été publiée par décret au journal officiel du 14 novembre 2015. Dans l’histoire de notre pays, L’état d’urgence a été décrété en France pendant la guerre d’Algérie, lors des événements de Nouvelle Calédonie en septembre 1984 et, à l’occasion, des émeutes de banlieue en 2005.
Le décret qui est pris doit déterminer les zones où l’application de ce régime législatif de circonstances exceptionnelles doit s’appliquer.
En l’occurrence, le décret pris en conseil des ministres concerne l’ensemble du territoire national.
La loi du 3 avril 1955 fixe la durée d’application de l’état d’urgence à douze jours. Cette durée peut cependant être prorogée, à condition que la décision soit prise par la loi.
Manuel Valls a déjà indiqué qu’il estimait que le régime juridique de l’état d’urgence devrait sans doute être maintenu au-delà de la période de douze jours, compte tenu des opérations de police en cours sur le territoire national.
Le régime législatif de l’état d’urgence instaure un régime restrictif des libertés publiques et transfère des pouvoirs exceptionnels aux préfets et au ministre de l’intérieur.
Ainsi, le Préfet dispose du pouvoir de réglementer la circulation des personnes et des véhicules dans le département, de délimiter des zones de protection ou de sécurité où le séjour des personnes est réglementé, voire d’interdire le séjour de personnes susceptibles d’entraver l’action des pouvoirs publics.
Le ministre de l’intérieur dispose également du pouvoir d’assigner à résidence une personne dont l’activité se révèlerait dangereuse pour l’ordre public.
La loi organise un régime particulier de recours administratif et juridictionnel pour les personnes destinataires des décisions prises par le ministre de l’intérieur ou le préfet.
Les personnes concernées ont tout d’abord la possibilité de demander le retrait des mesures dont ils sont l’objet, à charge pour une commission consultative d’émettre un avis sur le bien fondé de la décision administrative contestée.
Les personnes destinataires d’une mesure de police prise dans le cadre de la mise en œuvre de l’état d’urgence ont également le droit de contester cette mesure devant le tribunal administratif territorialement compétent. Dans cette hypothèse, le tribunal dispose d’un délai d’un mois pour statuer, c’est-à-dire pour apprécier le bien fondé de la décision administrative.
Le Conseil d’Etat est juge d’appel et doit, lui aussi, se prononcer dans un délai restreint qui est de trois mois.
S’agissant des mesures concrètes qui peuvent limiter les libertés publiques, il convient de relever la possibilité pour les autorités administratives d’interdire des réunions publiques, de fermer des salles de spectacles et des débits de boisson.
Une disposition importante concerne le contrôle des armes.
L’article 6 de la loi permet au ministre de l’intérieur d’ordonner la remise des armes. Dans les circonstances où ont été perpétrés les attentats on comprend tout l’intérêt d’une telle mesure qui pourrait permettre d’assainir les trafics dans les zones sensibles qui sont susceptibles d’alimenter le commerce des armes de guerre.
D’autres mesures restrictives des libertés fondamentales peuvent être prises dans le cadre de la mise en œuvre de l’état d’urgence. Elles concernent notamment la possibilité pour les forces de police de procéder à des perquisitions à domicile de jour et de nuit, elles peuvent également comporter des atteintes portées à la liberté de la presse en censurant les journaux.
De telles mesures pour être légales doivent avoir fait l’objet de dispositions spécifiques dans le décret de déclaration de l’état d’urgence, ce qui est notamment le cas pour les perquisitions de jour et de nuit, autorisées en région parisienne dans le décret pris le 14 novembre 2015.
Il est cependant probable que, lors de la demande de prorogation de l’état d’urgence qui doit être autorisée par le Parlement lundi 16 novembre , des mesures complémentaires seront sollicitées par le chef de l’Etat.
Jean-Yves TRENNEC Avocat.