Le délai et les conditions d’application de la prescription acquisitive immobilière trentenaire

Publié le 03/11/2014 Vu 468 626 fois 504
Légavox

9 rue Léopold Sédar Senghor

14460 Colombelles

02.61.53.08.01

Le délai de la prescription acquisitive immobilière est en principe trentenaire, c'est-à-dire de 30 ans.

Le délai de la prescription acquisitive immobilière est en principe trentenaire, c'est-à-dire de 30 ans.

Le délai et les conditions d’application de la prescription acquisitive immobilière trentenaire

L’usucapion ou prescription acquisitive est le fait pour le possesseur d’un bien immobilier (appartement, maison, terrain, immeuble, etc …) d'acquérir juridiquement un droit réel (droit de propriété) sur ce bien, après l'écoulement d'un certain délai durant lequel il s’est comporté comme le propriétaire, sans en avoir le titre.

A cet égard, l’article 2272 du Code civil dispose :

« Le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans. Toutefois, celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble en prescrit la propriété par dix ans. »

Ce délai de trente ans de la prescription acquisitive immobilière s’applique lorsque deux séries de conditions sont réunies :

- la possession du bien doit être caractérisée (I)

- et le possesseur doit être de mauvaise foi (II)

I. Une possession caractérisée du bien immobilier

La prescription acquisitive trentenaire est caractérisée lorsqu’elle répond à un certain nombre de conditions tenant à la possession de l’immeuble.

En effet, l’article 2261 du Code civil dispose que :

« pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire ».

A cet égard, la Cour de cassation a jugé que :

« la prescription acquisitive n’a ni pour objet ni pour effet de priver une personne de son droit de propriété ou d’en limiter l’exercice mais confère au possesseur, sous certaines conditions, et par l’écoulement du temps, un titre de propriété correspondant à la situation de fait qui n’a pas été contestée dans un certain délai ; que cette institution répond à un motif d’intérêt général de sécurité juridique en faisant correspondre le droit de propriété à une situation de fait durable, caractérisée par une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire. » (Cass. civ. III, 12 octobre 2011, n° 11-40.055)

Par conséquent, pour pouvoir prescrire, la possession doit donc être :

- continue : c’est-à-dire être « exercée dans toutes les occasions comme à tous les moments où elle devait l’être après la nature de la chose possédée, sans intervalles anormaux assez prolongés [pas plus de 1 an ] pour constituer des lacunes et rendre la possession discontinue. » (Cass., 11 janvier 1950)

- paisible : autrement dit, le possesseur ne doit pas appréhender le bien immobilier par la force, la violence ou encore par une voie de fait. Ainsi, l’article 2263 du code civil prévoit que « Les actes de violence ne peuvent fonder non plus une possession capable d’opérer la prescription. La possession utile ne commence que lorsque la violence a cessé.»

- publique : elle doit être connue de tous et ne doit pas être dissimulée.

- non équivoque : le possesseur doit manifester sans ambiguïté son intention de se comporter comme le propriétaire.

- exercée à titre de propriétaire : les locataires, dépositaires, usufruitiers et toutes autres personnes qui détiendraient précairement le bien ou le terrain sont juridiquement dans l’impossibilité de se prévaloir valablement d’une quelque prétention sur le fondement de la prescription acquisitive.

Enfin, il convient de relever que la bonne foi du possesseur n’est pas une condition pour acquérir au bout de 30 ans.

La cour de cassation définit la bonne foi  comme étant la croyance de l’acquéreur du bien, au moment de l’acquisition, de tenir la chose du véritable propriétaire. (Cass. Civ. III, 18 janvier 1972)

La bonne foi permet simplement de gagner du temps sur la prescription acquisitive du bien immobilier et de permettre au possesseur de n’attendre qu’un délai de 10 ans au lieu de 30 ans pour acquérir ledit bien.

II. Un possesseur de mauvaise foi

La prescription trentenaire ne s’applique que lorsque le possesseur est de mauvaise foi.

Or, si la bonne foi est présumée, le possesseur est considéré comme étant de mauvaise foi dès lors qu’il occupe les lieux en sachant qu’il n’est pas le titulaire du droit qu’il exerce.

Cette situation se présente notamment lorsque le possesseur ne bénéficie d’aucun titre de propriété ou lorsque son titre n’est pas considéré comme régulier.

Dés lors que le possesseur est de mauvaise foi, il se voit alors appliquer le délai de prescription de droit commun (30 ans).

Toutefois, pour mémoire, le fait d’être de mauvaise foi n’a aucune incidence sur la prescription acquisitive et ne pourrait venir remettre en cause la possibilité pour le possesseur de prescrire.

En ce sens, les règles de la prescription acquisitive en matière immobilière dérogent aux règles en matière de droit contractuel.

En effet, la particularité du mécanisme de la prescription acquisitive en matière immobilière réside dans le fait que même en étant de mauvaise foi, il n’est nullement interdit au possesseur de devenir propriétaire de l’immeuble par usucapion.

Surtout, l’article 2258 du Code civil prévoit qu’on ne peut opposer à celui qui invoque le bénéfice de l’usucapion « l’exception déduite de la mauvaise foi ».

Par conséquent, une personne qui, sans disposer d’un quelconque titre de propriété, a occupé pendant au moins une durée de trente ans un bien immobilier ou un terrain, en sachant qu’elle n’en était pas propriétaire, peut, au terme de ce délai, en devenir le propriétaire par la voie de l’usucapion et au détriment du propriétaire légitime du bien.

Pour ce faire, le possesseur du bien immobilier en question devra faire reconnaître son droit de propriété par voie judiciaire.

En effet, la prescription acquisitive sur un bien immobilier ne s’applique pas automatiquement.

La revendication par le possesseur d’un droit de propriété sur un bien immobilier par la voie de l’usucapion  pourra se faire de deux manières :

- soit en engageant une action judiciaire pour faire constater que le bien immobilier lui est acquis,

- soit en opposant à l’action en revendication engagée contre lui par le véritable propriétaire du bien immobilier, une fin de non-recevoir tirée de la prescription acquisitive.

À cet effet, le possesseur devra être en mesure de prouver qu’il a parfaitement rempli toutes les conditions visées précédemment et ce pendant toute la période où il a « possédé » le bien immobilier.

La preuve de la possession du bien immobilier peut être faite par tous moyens et notamment par témoignages et attestations.

La prescription acquise a un effet rétroactif de sorte que le possesseur est considéré comme propriétaire du bien immobilier rétroactivement depuis le jour où il a occupé ledit bien.

Je suis à votre disposition pour toute action ou information (en cliquant ici).

PS : Pour une recherche facile et rapide des articles rédigés sur ces thèmes, vous pouvez taper vos "mots clés" dans la barre de recherche du blog en haut à droite, au dessus de la photographie.

Anthony Bem
Avocat à la Cour
27 bd Malesherbes - 75008 Paris

01 40 26 25 01
abem@cabinetbem.com

www.cabinetbem.com

Vous avez une question ?
Blog de Anthony BEM

Anthony BEM

249 € TTC

1428 évaluations positives

Note : (5/5)

Posez gratuitement toutes vos questions sur notre forum juridique. Nos bénévoles vous répondent directement en ligne.

1 Publié par Visiteur
03/11/2015 08:13

Bonjour Maître
Je pense que je me suis mal exprimé et mal fait comprendre pouvez vous s'il vous plaît me répondre a nouveau je suis désolée
Je vous ai écris deux messages le premier n'apparaissait pas
Cordialement
Julia

2 Publié par Visiteur
03/11/2015 18:20

Bonjour Maitre,
en cours d'acquisition d'un terrain à bâtir, je viens d'apprendre que le voisin empiète de 2,00m depuis 1981 sur ma future parcelle pourtant bornée en 1979.
J'ai réalisé un permis de construire et positionné ma construction à 3,50m de la limite de bornage (PLU>3,00m). Du coup, je suis à 1,50 m de sa cloture. Je suppose, au vu de votre article, qu'il a la possibilité de régulariser la situation. Cependant, après avoir discuté avec lui, il ne souhaite pas rentrer dans une procédure judiciaire. Du coup, est ce que je prend un risque à me tenir uniquement à 1,50 de la clôture (PLU > 3,00m) et pourrait on imaginer une destruction de ma construction si il décide un jour de régulariser la situation.
Cordialement,
david

3 Publié par Maitre Anthony Bem
03/11/2015 21:31

Bonjour Julia,

Je vous remercie de bien vouloir me consulter en privé afin de me permettre de disposer de toutes les informations utiles et de vous répondre en toute connaissance de cause.

Vous pouvez prendre connaissance de mes différentes modalités de consultation proposées en haut de page dans la rubrique "services".

Cordialement.

4 Publié par Maitre Anthony Bem
03/11/2015 21:32

Bonjour David,

Je vous confirme que vous prenez un risque.

Mais ce risque est théorique compte tenu de l'ancienneté de la construction litigieuse.

Cordialement.

5 Publié par Visiteur
04/11/2015 08:43

Bonjour, merci de votre réponse.
Par contre, je ne comprends pas trop votre réponse, je n'ai pas encore construis sur ce terrain, nous avons juste réalisé un compromis de vente qui est assujetti à l'obtention d'un permis de construire. A l'heure actuelle, il n'y a aucune construction sur la parcelle que j'achète. J'ai donc réalisé un permis de construire mais la future construction sera implantée sur les limites de bornages de 1979. Cordialement,

6 Publié par Maitre Anthony Bem
04/11/2015 09:23

Bonjour David,

Le risque n'est donc pas que théorique.

Cordialement.

7 Publié par Visiteur
04/11/2015 11:01

Cette situation est très paradoxale puisque d'un point de vue administratif le permis est accepté.Le voisin ne souhaite pas lancer de procédure pour valider son droit. Du coup, je ne sais plus trop quoi faire.
cordialement

8 Publié par Visiteur
07/11/2015 00:26

Bonjour Maitre,
mon père détient de son père une propriété sur laquelle il a construit sa maison et y a vecu pendant 23 ans avec femme et enfants puis , il a ensuite acheté une autre propriété (titre bleu) et y a demenagé. il a quand-même enregistré la première propriété chez le notaire en 2006 (titre arabe, avec deux témoins) par précaution et a fait une demande de permis de délimitation (bornage ) à la mairie. il est malheureusement décédé en 2007, 5 mois après avoir fait son bornage. en avril 2014, un cousin nous demande de lui vendre une parcelle (45m2) de la propriété et malgré notre refus, décide d'enlever le bornage et d'occuper cette parcelle et d'y construire sans permis de construire. nous avons pris un avocat et déposé, nous avons plusieurs témoins qui confirme que ce terrain nous appartient.dans la prodécure, notre avocate s'est déjà présenté à deux audiences et la confrontation est à chaque fois décalée car le cousin ne réceptionne pas sa convocation (papier rose qui doit être signé et renvoyé au tribunal).nous sommes en novembre 2015 et j'ai peur de ne pas en voir le bout. de plus notre cousin a d'après ce que j'ai compris un ami haut placé dans la police ce qui fait nos procédures ont été bloqué ( huissiers, plainte pour la construction).
je voudrai savoir comment contraindre notre cousin à répondre de ces actes devant la justice et recuperer notre parcelle de terrain

merci par avance pour votre aide

9 Publié par Maitre Anthony Bem
07/11/2015 07:25

Bonjour oryelis,

Il me manque des précisions pour vous aider.

Afin de me permettre de prendre connaissance de votre situation personnelle, je vous suggère de me contacter en privé si vous souhaitez me consulter.

A cet égard, je vous invite à prendre connaissance des modalités de consultation proposées dans la rubrique "services" en haut de page.

Cordialement.

10 Publié par Visiteur
07/11/2015 09:22

Bonjour Maître,

J'ai cru un instant que vous pourriez m'aider en raison des différents commentaires lus mais je me rends compte que comme la propriété est en Tunisie vous n'y pourrez pas grand chose.

merci de m'avoir lu et répondu

Cordialement

Publier un commentaire
Votre commentaire :
Inscription express :

Le présent formulaire d’inscription vous permet de vous inscrire sur le site. La base légale de ce traitement est l’exécution d’une relation contractuelle (article 6.1.b du RGPD). Les destinataires des données sont le responsable de traitement, le service client et le service technique en charge de l’administration du service, le sous-traitant Scalingo gérant le serveur web, ainsi que toute personne légalement autorisée. Le formulaire d’inscription est hébergé sur un serveur hébergé par Scalingo, basé en France et offrant des clauses de protection conformes au RGPD. Les données collectées sont conservées jusqu’à ce que l’Internaute en sollicite la suppression, étant entendu que vous pouvez demander la suppression de vos données et retirer votre consentement à tout moment. Vous disposez également d’un droit d’accès, de rectification ou de limitation du traitement relatif à vos données à caractère personnel, ainsi que d’un droit à la portabilité de vos données. Vous pouvez exercer ces droits auprès du délégué à la protection des données de LÉGAVOX qui exerce au siège social de LÉGAVOX et est joignable à l’adresse mail suivante : donneespersonnelles@legavox.fr. Le responsable de traitement est la société LÉGAVOX, sis 9 rue Léopold Sédar Senghor, joignable à l’adresse mail : responsabledetraitement@legavox.fr. Vous avez également le droit d’introduire une réclamation auprès d’une autorité de contrôle.

Rechercher
A propos de l'auteur
Blog de Anthony BEM

Avocat contentieux et enseignant, ce blog comprend plus de 3.000 articles juridiques afin de partager mes connaissances et ma passion du droit.

Je peux vous conseiller et vous représenter devant toutes les juridictions, ainsi qu'en outre mer ou de recours devant la CEDH.

+ 1400 avis clients positifs

Tel: 01.40.26.25.01 

En cas d'urgence: 06.14.15.24.59 

Email : abem@cabinetbem.com

Consultation en ligne
Image consultation en ligne

Posez vos questions juridiques en ligne

Prix

249 € Ttc

Rép : 24h max.

1428 évaluations positives

Note : (5/5)
Retrouvez-nous sur les réseaux sociaux et sur nos applications mobiles