A titre liminaire, gardons à l’esprit deux choses :
- le titre, valant Alerte, de l’article publié par le quotidien économique La Tribune, le 27 aout 2010 : « Alerte aux faux avis de consommateur en pleine essor sur Internet » ;
- l’augmentation des procédures judiciaires relatives aux atteintes à la réputation sur Internet (personnes morales et physiques).
Le droit de critique dont chacun dispose découle de la liberté d'expression posée par :
- l'article 4 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, adopté par l'Assemblée générale des Nations unies, le 16 décembre 1966, rédigé de manière avandgardiste, qui dispose que la liberté d'expression comprend « la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce sans considération de frontière ».
- l'article 10-1° de la Convention européenne des droits de l'homme qui dispose que : « Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière... »
Pour mémoire, ces textes internationaux ont, en France, une valeur supérieure aux lois.
En pratique, s’agissant des actions judiciaires relatives à la réputation des entreprises sur Internet, les juges déterminent l'équilibre entre les droits de ceux qui s'expriment à propos de l'entreprise concernée et les atteintes à la réputation de l'entreprise sur le fondement :
- du dénigrement ;
- de la diffamation ;
- de l’injure.
Or, il convient de rappeler que l'article 10-2° de la Convention européenne des droits de l'homme précité pose notamment comme limite à la liberté d’expression « la protection de la réputation ».
Ce dernier texte n'est d’ailleurs que trop rarement invoqué devant les juridictions par les plaignants.
S’agissant de l’Internet, le Président du tribunal de grande instance de Lyon a rendu, le 4 juillet 2005, une Ordonnance de référé aux termes de laquelle il rappelle la force de la liberté d’expression et consacre de manière explicite le droit à la critique sur la toile :
« La société Foncia Groupe ne démontre pas que les critiques émises sont dénuées de fondement. Les "abus" publiés sur le site internet sont le reflet des questions, situations ou observations faites par les [Internautes] … En les suscitant, les commentant de manière détaillée et étayée, les publiant et les diffusant, [ils] exercent leur liberté d’expression et leur droit à la critique qui porte sur des pratiques qui peuvent parfois apparaître préjudiciables pour certains ...
Aucun abus n’ayant été commis et relevé la demande présentée par la société Foncia Groupe sera rejetée en l’absence de trouble manifestement illicite. »
Plus récemment, par jugement du 13 septembre 2010, le Tribunal de Grande Instance de Paris a tranché de manière intéressante la délicate question du « droit de libre expression » à l’égard des entreprises sur internet.
La société Prestige Rénovation invoquait le caractère dénigrant de propos, sur un blog créé pour permettre à des personnes d’être informées de l’évolution d’un chantier, en ce qu’ils constituaient “une critique systématique, sans mesure ni retenue de ses produits et services.”
Ces propos faisaient état de retards et d’abandons de chantiers, de dépassement de budget, d’absence de communication de documents ainsi que des actions judiciaires diligentées à l’encontre de la société Prestige Rénovation.
Sur le fondement du principe de la responsabilité civile posé par l’article 1382 du code civil, le tribunal a jugé que:
« il appartient à la société Prestige Rénovation qui invoque un abus fautif, par M. A., créateur du blog contenant les propos incriminés, de son droit de libre expression, de démontrer que ce dernier a commis une faute, un lien de causalité et du dommage en résultant. »
Or les actions judiciaires étaient ni contestées ni contestables et le tribunal rappel que « le fait de mentionner des procédures judiciaires publiques ne constituent pas en soi une faute ».
De plus, la société Prestige Rénovation n’a versé aucun document relatif au chantier litigieux, ni sur l’état d’avancement du chantier ni de document comptable.
Ainsi, le tribunal a débouté la société de toutes ses demandes en jugeant que celle-ci « ne démontre pas que les propos sont soit mensongers, soit excessifs, soit disproportionnés, de sorte que la faute invoquée n’est pas caractérisée. »
Il ressort de ce qui précède que tout commentaire publié sur Internet, bien que portant atteinte à la réputation d’une entreprise, n’est pas en soi constitutif d’une faute susceptible de mettre en jeu la responsabilité de son auteur.
Certaines grandes entreprises l’ont d’ailleurs bien compris et embauchent des personnes en interne spécialement dédiées au référencement positif de leurs produits ou de leurs services et aux faux avis et commentaires.
Les juges rappelent implicitement que seuls les propos injurieux, diffamants et dénigrants sont constitutifs d'une faute et peuvent faire l'objet d'actions aux fins de retrait, sanctions et indemnisation.
A la lumière du jugement du 13 septembre 2010, les actions en justice pour atteinte à la réputation doivent être réfléchies et préparées s’agissant du choix du fondement juridique de l’action à engager et de la preuve de la faute de l’auteur des propos litigieux au risque de ne pas obtenir gain de cause.
Je me tiens à votre disposition pour toute information complémentaire et, le cas échéant, envisager l’opportunité d’une action.
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Anthony Bem
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