La Cour administrative d’appel de Nantes dans un arrêt du 21 janvier 2016 (CAA de NANTES, 3ème chambre, 21/01/2016, 14NT02263, Inédit au recueil Lebon) estime que la révocation d’un agent public ayant publié un commentaire injurieux, sur la page Facebook de l’entreprise dirigée par le premier adjoint de la commune, est proportionnée. Il faut en déduire que le devoir de réserve d’un agent public, s’impose aussi sur les réseaux sociaux.
La décision soulève plusieurs points, mais le choix est fait ici de s’arrêter sur la valeur probante du constat d’huissier ayant conduit à la matérialité des faits.
Un bref rappel des faits s’impose.
Le 29 octobre 2013 en plein salon du chocolat, un agent public, éducateur des activités physiques et sportives, avait publié des propos particulièrement injurieux, sur la page Facebook de l’entreprise Mazet Confiseur.
A noter que cette entreprise était dirigée par le premier adjoint de la commune.
L’huissier intervenu avait constaté que 13.144 personnes avaient consulté cette page et avaient ainsi eu la possibilité de lire le commentaire litigieux.
Cependant, le cadre technique des constatations effectuées par un huissier de justice est repris dans la norme Afnor NF Z67-147 relative au « Mode opératoire de procès-verbal de constat sur Internet effectué par huissier de justice ».
De fait, la question de la validité de ce constat se pose, car le procès-verbal relate le déroulement des opérations de constat et indique que « l’informaticien de la société a accédé devant lui au site concerné ; que, dans la rubrique " Je n’aime plus. Commenter. Partager " un commentaire a été publié ; que les copies d’écran figurant en annexe du procès-verbal font apparaître des mentions injurieuses à l’égard tant des produits fabriqués par cette société que de l’honorabilité de M. D..., son dirigeant ».
Au regard de ce qui précède, il est patent que l’huissier n’a pas été en mesure d’accéder à Facebook par ses propres moyens, par le biais de son propre compte.
En effet, la juge judiciaire, plus souvent sollicité sur ces questions que son homologue administratif, a constamment réaffirmé la nécessité d’une stricte neutralité de l’huissier, lorsqu’il effectue son constat.
Aussi, le Tribunal de grande instance de Paris, dans son jugement du 21 janvier 2009 (3e ch. 3e section, Red Castle France, Jill M. / Aubert France, Sicatec), a estimé que les procès-verbaux établis par un huissier de justice ayant eu « une démarche active consistant à passer commande de produits après avoir créé un compte client sur le site marchand de la société », en cachant volontairement son identité, devaient être annulés.
Plus récemment, la Cour d’appel de Paris (7 octobre 2015), a estimé que « les preuves rapportées par un constat d’huissier doivent avoir été obtenues loyalement … ; qu’en utilisant les codes de connexion préalablement créés par la société X ainsi que le pseudo “Moipolo” également créé par sa cliente, donnant accès à un “espace perso” sur lequel dialoguent des membres du site Y, l’huissier a procédé à des constatations en dissimulant son identité et sa qualité, en violation du principe de la loyauté de la preuve ».
Dès lors, à défaut de respecter ces conditions, un constat d’huissier ne saurait être recevable.
En l’espèce, avec tous les réglages existants sur Facebook, il n’est pas possible de déterminer si, en se connectant par son propre compte (professionnel), l’huissier aurait pu voir ce commentaire, et le nombre de personnes ayant consulté cette page.
Le constat est clair, dorénavant, l’agent public est soumis à une obligation de réserve qui impose d’éviter, même sur les réseaux sociaux, toute manifestation d’opinion et les comportements de nature à porter atteinte à l’autorité territoriale.
Nb : les copies d'écrans sont généralement considérées comme dénuées de force probante, sauf à être corroborées par d’autres éléments, tel qu’un constat d’huissier recevable.