Le jeudi 19 décembre 2013, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a rendu son arrêt concernant l’affaire Vent de Colère et a.(C-262/12). Dans cette décision, elle remet en cause le mécanisme de soutien actuel de la France à la production d'électricité d'origine éolienne.
Pour mémoire, le Conseil d’État, saisi en 2008 par le collectif anti-éolien Vent de Colère d’une demande d’annulation du texte fixant les conditions d’achat de l’électricité éolienne a demandé, l’avis de la CJUE, le 15 mai 2012. Il s’agissait pour la Cour de Luxembourg de déterminer si l’arrêté tarifaire en cause (l'arrêté tarifaire du 17 novembre 2008) était constitutif d’une aide d’État et donc s’il aurait dû être notifié à la Commission européenne.
Ce qu’elle a fait au regard notamment de sa jurisprudence en la matière, qu’elle prend soin de citer dans sa décision.
En l’espèce, elle a répondu à cette question par l’affirmative.
Elle l’a fait d’autant plus que la question préjudicielle posée par le Conseil d’État, concernait l’interprétation d’un seul des critères constitutifs de la notion d’aide d’État, à savoir la notion d’intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, et ce dans le contexte du marché intérieur de l’électricité.
En effet, la haute juridiction administrative avait au préalable estimée que les trois autres conditions étaient remplies (une intervention étatique susceptible d'affecter les échanges entre les Etats membres, une mesure qui confère un avantage au bénéficiaire de l'aide et qui a un effet de distorsion sur la concurrence).
Les contrats d’achats en cours sont sur la sellette du fait de l’absence de notification du tarif à la Commission européenne.
La Cour de Luxembourg rejette la demande subsidiaire du gouvernement, de limiter les effets dans le temps de son arrêt. Elle suit les conclusions de l’avocat général qui rappelle que "les juridictions nationales veillent à la sauvegarde des droits des justiciables en cas de violation de l’obligation de notification préalable des aides d’État à la Commission prévue à l’article 108, paragraphe 3, TFUE (§ 63)".
Ce tarif aurait dû être au préalable notifié à la Commission européenne. Cette formalité ne peut s’effectuer après-coup, ce qui remet en cause les récentes déclarations du ministre de l’écologie, lequel indique qu’une "procédure de notification formelle du dispositif de soutien à l'éolien terrestre a été lancée en octobre 2013".
A la suite de cette interprétation de la Cour, le conseil d’Etat devra donc ordonner à l’Etat français le remboursement de ces aides, charge à lui d’en obtenir le reversement par tous les producteurs qui ont bénéficié de ce régime de soutien. Aussi, il y a peu d’espoir d’espérer que le Conseil mette en œuvre son pouvoir de modulation des effets dans le temps de l’annulation prochaine de cet arrêté du 17 novembre 2008.
Il est en effet de jurisprudence constante pour la Cour, que la règle ainsi interprétée peut et doit être appliquée par le juge, même à des rapports juridiques nés et constitués avant l’arrêt statuant sur la demande d’interprétation si, par ailleurs, les conditions permettant de porter devant les juridictions compétentes un litige relatif à l’application de ladite règle se trouvent réunies(CJCE 3 octobre 2002, Barreira Pérez (C‑347/00, Rec. p. I‑8191, point 44); du 17 février 2005, Linneweber et Akritidis (C‑453/02 et C‑462/02, Rec. p. I‑1131, point 41), ainsi que 6 mars 2007, Meilicke e.a. (C‑292/04, Rec. p. I‑1835, point 34). Ce qui semble être le cas pour ce tarif d’achat.
Dès lors, ce n’est qu’à titre tout à fait exceptionnel que la Cour peut, par application d’un principe général de sécurité juridique inhérent à l’ordre juridique de l’Union, être amenée à limiter la possibilité pour tout intéressé d’invoquer une disposition qu’elle a interprétée en vue de mettre en cause des relations juridiques établies de bonne foi. Pour qu’une telle limitation puisse être décidée, il est nécessaire que deux critères essentiels soient réunis, à savoir la bonne foi des milieux intéressés et le risque de troubles graves (§69 des conclusions de l’avocat général). Ce qui est loin d’être le cas en l’espèce.
Ce qui est principalement en cause ce n’est pas le niveau du tarif, mais l’absence de notification de cette aide à la Commission européenne.
Il convient alors de rappeler qu’une notification, entraine un droit de regard de la Commission européenne sur la politique énergétique de l’Etat membre qui la met en œuvre. On peut considérer que le gouvernement d’alors, n’avait pas souhaité subir un tel contrôle de la part de Bruxelles. Cependant, les conséquences de cette erreur de procédure vont a priori s’avérer néfastes sur le point financier, pour les professionnels du secteur, et ainsi entamer de manière considérable leur compétitivité.
In fine, il faut noter que les juridictions nationales sont soumise au principe de sécurité juridique au sein de l’Union, et donc de loyauté envers la CJUE.
Calvin JOB