Il convient de rappeler qu’une collectivité territoriale peut, pour la gestion de ses services publics, recourir à la gestion déléguée dans le cadre notamment de contrats de DSP tels que prévus aux articles L 1411-1 à L 1413-1 CGCT.
Dans ce cas, elle confie la gestion du service à un organisme qui est en général une entreprise à laquelle elle est juste liée par un contrat. Pour autant, elle ne cesse pas d’être responsable du service public, le cocontractant assure simplement la gestion quotidienne du service.
Attention tout de même, car la gestion déléguée peut aussi exister dans un marché public, mais ça c’est un point dont le développement est sans intérêt en l’espèce.
Ainsi, la collectivité dispose d’un pouvoir de résiliation unilatérale pour faute grave du cocontractant. C’est le type même de clause exorbitante de droit commun qu’elle insère généralement dans les contrats.
Dès lors, que deviennent les engagements pris par le délégataire vis-à-vis des usagers et autres tiers durant la période pendant laquelle il assurait la gestion du service public ?
La section du contentieux du Conseil d'Etat est venue préciser, dans sa décision n°368294 du 19 décembre 2014, le sort des engagements contractuels pris par un délégataire précédemment à la résiliation du contrat qui le liait à la personne publique responsable du service.
Dans cette affaire, la commune de Propriano a, le 5 mars 2003, conclu avec la société Yacht club international du Valinco une délégation de service public par laquelle elle lui confie la construction et l'exploitation de son port de plaisance. En 2007, elle résilie cette convention, en raison des fautes commises par le délégataire. Un usager du port saisi le tribunal administratif de Bastia d'une requête tendant à la condamnation de la commune à l'indemniser du préjudice né de l'inexécution du contrat de garantie d'usage d'un poste d'amarrage de longue durée qu'il avait conclu avec l'ancien délégataire. Après un refus du juge de première instance, il obtient gain de cause en appel, ce qui conduit la commune de Propriano à se pourvoir en cassation devant le Conseil d'Etat.
S’agissant de la recevabilité de la demande, le Conseil estime que « sans préjudice des dispositions législatives applicables notamment en matière de transfert de contrat de travail, qu'en cas de résiliation d'un contrat portant exécution d'un service public, quel qu'en soit le motif, la personne publique, à laquelle il appartient de garantir la continuité du service public et son bon fonctionnement, se substitue de plein droit à son ancien cocontractant pour l'exécution des contrats conclus avec les usagers ou avec d'autres tiers pour l'exécution même du service ; qu'il n'en va toutefois ainsi que si les contrats en cause ne comportent pas d'engagements anormalement pris, c'est-à-dire des engagements qu'une interprétation raisonnable du contrat relatif à l'exécution d'un service public ne permettait pas de prendre au regard notamment de leur objet, de leurs conditions d'exécution ou de leur durée, à moins que, dans ce cas, la personne publique n'ait donné, dans le respect de la réglementation applicable, son accord à leur conclusion ; que, pour l'application de ces règles, la substitution de la personne publique n'emporte pas le transfert des dettes et créances nées de l'exécution antérieure des contrats conclus par l'ancien cocontractant de la personne publique, qu'il s'agisse des contrats conclus avec les usagers du service public ou de ceux conclus avec les autres tiers ; ». Dès lors, il estime que la commune de Propriano est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué.
Dans le cadre de l’examen au fond de l’affaire, le Conseil fait le constat selon lequel « en application de l'article 30-2 la convention de délégation de service public conclue entre la commune de Propriano et la société Yacht club international du Valinco, la garantie d'usage de postes d'amarrage ou de mouillage accordée à une personne physique ou morale est donnée pour le seul accès à un poste dans une zone déterminée du port sans pouvoir permettre l'affectation privative d'un ou plusieurs postes déterminés ». Ce qui exclut de facto le contrat conclu entre la société et l'usager, lequel avait pour objet l'affectation privative d'un poste d'amarrage précisément localisé.
Le Conseil fait droit à la requête de la commune en estimant que ce contrat entre le délégataire et l’usager n’était pas de ceux que le délégataire pouvait normalement prendre.
Il convient désormais, avant de s’engager dans une relation contractuelle avec une entreprise délégataire, de consulter le contenu de la DSP qui la lie à la collectivité. Ce contrat étant un document administratif, il est aisé d’y avoir accès.
En matière de convention de DSP, l'on ne peut contracter que sur ce qui est contenu dans le strict champ de la délégation.