PREMIERES OBSERVATIONS SUR LA LOI CAMEROUNAISE RELATIVE A L'AFFACTURAGE

Publié le 30/06/2014 Vu 6 411 fois 16
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Suite à la publication sur ce blog de l'innovante loi camerounaise sur l'affacturage, nous vous proposons nos premières observations. Elles se veulent explicatives mais aussi critiques: ont été ainsi analysées, les règles relatives à la formation de la convention d'affacturage et celles qui touchent à son exécution, paisible ou problématique.

Suite à la publication sur ce blog de l'innovante loi camerounaise sur l'affacturage, nous vous proposons nos

PREMIERES OBSERVATIONS SUR LA LOI CAMEROUNAISE RELATIVE A L'AFFACTURAGE


La loi relative à l'affacturage est en vigueur depuis le 23 avril 2014. Elle vient donner une base légale à un mode de recouvrement rapide des créances des entreprises commerciales, par la subrogation de l'affactureur aux droits de l'adhérent. Exclusivement réservé aux établissements de crédit, l'affacturage élargit ainsi leur champ d'activités exclusives.

Selon la loi du 23 avril 2014, l’affacturage est une « opération par laquelle, l’adhérent transfère par une convention écrite, avec effet subrogatoire, ses créances à l’affactureur, qui, moyennant rémunération, lui règle par avance tout ou partie du montant des créances transférées, tout en supportant ou non, selon la convention des parties, les risques d’insolvabilité éventuelle sur les créances cédées ». Ainsi, simplement, le législateur vient d’accorder aux entreprises commerciales, le moyen de faire payer par un établissement de crédit, les créances qu’elles détiennent sur leurs débiteurs. L’établissement de crédit paie à la place du débiteur de l’entreprise, et se fait payer à son tour par celui-ci, une fois le terme survenu. L’établissement de crédit est l’affactureur, l’entreprise dont la créance sera recouvrée, l’adhérent, le débiteur étant celui qui s’est endetté vis-à-vis de l’adhérent. En tout état de cause, sont ainsi transmis à l’affactureur, la créance certes, mais aussi ses accessoires: garanties attachées à la dette et aussi les droits procéduraux y afférents.

On note, dans le mécanisme ainsi défini, qu’à l’affacturage a été attribuée une mission principale: le règlement rapide des dettes des entreprises commerciales. Par ricochet, il favorisera un recouvrement plus facilité des créances, l’établissement de crédit disposant de moyens plus engageants que les entreprises commerciales, spécialement les TPE et les PME. L’affacturage, à proprement parler, n’est pas un mécanisme juridique nouveau, car il s’appuie sur un mode classique de transmission des créances, la subrogation. Sa véritable innovation sera d’apporter aux entreprises, par l’octroi d’une forme de concours bancaire, un financement sans délai, lequel permet d’écarter au moins deux inconvénients : le terme des délais de paiement et les risques de non paiement. Par ce biais, les risques d’impayés peuvent désormais être transférés de l’entreprise adhérente vers l’établissement de crédit affactureur. Une telle option est laissée au choix des parties au contrat d’affacturage, selon qu’elles auront convenues de l’une des deux formes d’affacturage prévue aux articles 2 et 13 de la nouvelle loi: l’affacturage avec recours et l’affacturage sans recours.

L’affacturage avec recours est celui dans lequel «l’affactureur se réserve la faculté de se faire rembourser par l’adhérent, en cas d’insolvabilité du débiteur». Cette option peut permettre à l’établissement de crédit de se prémunir contre l’impossibilité du recouvrement, spécialement dès lors qu’aucune garantie n’a été apportée à la dette qu’il lui revient de payer par anticipation.

L’affacturage sans recours est présenté comme celui-ci dans lequel « l’adhérent n’octroie aucune garantie à l’affactureur contre l’insolvabilité du débiteur». Cette garantie ne sera pas nécessaire si la dette est déjà couverte. Par ailleurs, l’existence d’une relation d’affaire solide entre l’entreprise adhérente et l’établissement affactureur peut justifier la non exigence d’une forme de garantie, laquelle ne s’impose que si l’autre partie manque de « crédit ».

A la lecture de la loi du 23 avril 2014, on note que le mécanisme de l’affacturage a été voulu particulièrement formalisme: pour tendre vers l’exhaustivité, sa présentation doit adopter une méthode synoptique axée sur les points focaux du contrat qui le porte: les parties, l’objet, l’exécution du contrat et la résolution des contestations possibles.

I - LE CONTRAT D’AFFACTURAGE

Impliquant pourtant trois intervenants quant à son objet (B), le contrat d’affacturage n’est conclu qu’entre deux parties, qu’il importe dès lors de spécifier (A).

A - LES PARTIES AU CONTRAT D AFFACTURAGE

Partant de la définition légale du nouveau mécanisme, le contrat d’affacturage peut être appréhendé comme une convention entre deux parties, dont l’une, l’affactureur accepte de régler par avance tout ou partie du montant des créances transférées, par l’autre, l’adhérent, avec effet subrogatoire, moyennant rémunération. Ces parties conviennent d’inclure dans ce contrat, le transfert ou non des risques d’insolvabilité du débiteur à l’affactureur. Le contrat d’affacturage implique des personnes ayant le statut de commerçant, qu’il s’agisse de l’affactureur, de l’adhérent ou du débiteur. Les dettes civiles ont été exclus du champ d’application de la loi du 23 avril 2014: «le contrat d’affacturage concerne les créances commerciales certaines, liquides et exigibles. Toutefois, les créances émises sur les particuliers peuvent faire l’objet de contrat d’affacturage selon des modalités fixées par un texte particulier» (art. 3).

L’affactureur est un établissement de crédit. Pour exercer cette nouvelle activité, l’établissement doit obtenir un agrément délivré par l’autorité monétaire, le ministre en charge des finances. L’obtention de cet agrément est elle-même conditionnée par un avis conforme de la COBAC. Ainsi, si son avis était négatif, l’établissement de crédit se verrait refuser l’agrément d’exercer l’activité d’affacturage. Par ailleurs, de manière « informelle », certains établissements de crédit se livraient déjà à cette activité : ils disposent d’un délai de 2 ans pour obtenir cet agrément (art. 21).

Le contrat d’affacturage obéit à des conditions de forme et de fond. D’autres règles conditionnent la validité du contrat d’affacturage vis à vis des tiers.

Sur la forme : le contrat d’affacturage est une convention écrite. Il est conclu sous la forme d’acte sous seing privé ou sous la forme d’acte authentique (art. 5).

Sur le fond, le contrat d’affacturage doit contenir, à peine de nullité, 9 chapitres d’informations concrètes.

Les deux premiers permettent l’identification des parties, spécialement en leur qualité de commerçant : la dénomination ou la raison sociale de l’affactureur ; le nom ou la raison sociale de l’adhérent ; Le nom ou la raison sociale de l’adhérent.

Le troisième invite à porter sur l’instrumentum la dénomination effective du contrat en « contrat d’affacturage », afin de taire tout litige sur la qualification de la nature juridique de l’engagement.

Le quatrième chapitre permet l’identification de la créance : La désignation de la facture et du numéro du bordereau récapitulatif ou tout autre élément permettant d’identifier la créance.

Le cinquième est double. Il s’agit d’indiquer le coût du contrat d’affacturage et si possible, sa durée. Ce coût, c’est en somme la contre prestation attendue de l’adhérent, lequel est fluctuant selon que l’insolvabilité du débiteur est ou non garantie par l’adhérent : le montant ou l’encours maximum du contrat d’affacturage ; la mention « avec recours ou sans recours », selon le cas ; la durée du contrat ;

Le sixième chapitre d’informations porte la date de la prise d’effet du contrat d’affacturage.

Au septième, les parties sont invitées à apporter leur signature au bas du contrat. On rappellera que le formalisme même des signatures doit respecter celui prévu pour le type d’acte (sous seing privé ou authentique) choisie par les parties (les signatures de l’adhérent et de l’affactureur).

Le huitième chapitre cristallise le mécanisme juridique sur lequel l’affacturage s’appuie : il faut mentionner qu’il y a subrogation des droits de l’adhérent au bénéfice de l’affactureur;

Le neuvième et dernier chapitre des informations impose d’indiquer un mode de règlement. Ce mode, absolument par voie bancaire, laissera par conséquent trace écrite. Ainsi, les chèques, les virements, lettres de change seront privilégiés alors que les paiements en espèces (difficiles à envisager de la part d’un établissement de crédit...) ne seront possibles que si elles permettent d’inscrire un montant au crédit du compte de l’adhérent.

Il faut noter que le contrat d’affacturage, dès sa prise d’effet, est consolidé de trois documents : la liste des créances objet de différents contrats d’affacturage, car il faut conclure un contrat pour chaque créance ou groupe de créances sur le même débiteur), le document matérialisant le transfert d’une créance ou d’un groupe de créance objet de l’affacturage (un bordereau récapitulatif des créances à transférer à l’affactureur, bordereau à établir pour chaque débiteur individualisé) et enfin une quittance subrogatoire délivrée par l’adhérent à l’affactureur.

Relativement aux tiers, le contrat d’affacturage ne sera opposable que s’il fait l’objet d’une publication au registre du commerce et du crédit mobilier. Dans le groupe des tiers, il faut exclure le tiers débiteur car, personnage central du transfert de la créance, les modalités de son information sont réglementées. Il sera le destinataire, dans les 10 jours à compter de sa signature, de la quittance subrogative susmentionnée, dont le but est précisément de l’informer sur l’existence d’un contrat d’affacturage entre son créancier et tel établissement de crédit relativement à telle dette précise. Pour ce, la quittance subrogatoire est accompagnée de pièces permettant l’identification de la dette, et partant du débiteur.

B - L’OBJET DU CONTRAT D’AFFACTURAGE : LE TRANSFERT DE CREANCE

Le contrat d’affacturage porte sur une créance. Il s’agit d’une créance de l’adhérent sur un débiteur, lequel aura, dans le cadre d’un contrat, acquis de la marchandise ou bénéficié d’une prestation de service en en différant le paiement. Est ainsi né une créance à terme. Le contrat d’affacturage intervient pour éviter au commerçant vendeur ou prestataire de service, l’attente de l’écoulement d’un délai avant de se voir payé. Il transfert de ce fait sa créance à un affactureur. En exécution du contrat d’affacturage, l’affactureur, qui ne peut avoir de défaut de trésorerie puisqu’il s’agit d’un établissement de crédit, procède au paiement en lieu et place du co contractant du vendeur, pour se présenter ultérieurement au paiement, le terme échu. Toute créance ne peut faire l’objet d’un contrat d’affacturage. Des conditions précises ont été édictées sur ce point, qu’il s’agisse de la créance elle-même ou des conditions de son transfert.

La créance : La créance à soumettre à l’affacturage doit être d’un montant minimal de 200 000 F CFA, qu’elle résulte d’une seule facture ou du cumul de plus d’une facture. Les seules créances pouvant faire l’objet d’affacturage sont les créances certaines, liquides et exigibles, au sens de l’article 3 de la loi du 23 avril 2014. Le critère de l’exigibilité laisse interrogateur, car, justement, l’affacturage a comme intérêt principal de permettre à l’adhérent de ne pas attendre le terme de la dette pour en obtenir un paiement. Sont rattachés à la créance objet de l’affacturage toutes les éléments juridiques qui ont entouré sa création, qu’ils soient de droit ou de convention, entre le vendeur ou le prestataire de service et son cocontractant, y compris donc les actions en justice et les sûretés.

Le législateur a évoqué les hypothèses dans lesquelles la créance serait possiblement litigieuse ou le serait devenue en cours d’exécution du contrat liant l’adhérent à son débiteur. Parce qu’il n’est pas partie au contrat qui a vu naître la dette, l’affactureur est protégé contre les défaillances d’exécution contractuelle de son adhérent spécialement en cas de fraude ou de mauvaise exécution contractuelle. D’ailleurs, l’article 11 oblige l’adhérent à joindre aux factures source de la créance «les pièces attestant que la marchandise a été livrée ou que la prestation de service a été effectuée ». Ainsi, les différentes contestations d’ordre professionnel ou technique qui mineraient la créance doivent être garanties par l’adhérent (articles 6 (5) et 7).

Le transfert de la créance : La créance sus présentée est l’objet d’un contrat d’affacturage en vue de son transfert du vendeur ou prestataire de service (futur adhérent dans la relation d’affacturage) vers l’établissement de crédit (futur affactureur). Il existe plusieurs modes de transfert des créances dans le droit des obligations (novation, délégation etc); celui qui est au cœur de l’opération d’affacturage, c’est la subrogation, laquelle s’opère techniquement par le remplacement d’une personne par une autre, qui exécutera ses obligations en ses lieu et place. Parce qu’elle est l’essence même de l’opération d’affacturage, la subrogation doit être expressément mentionnée au contrat d’affacturage, même si elle fait par ailleurs l’objet d’une formalisme particulier indiqué à l’article 6 (3) dont l’acte final est appelé « quittance subrogatoire ». Dans la mise en place du contrat d’affacturage, ce document joue le rôle juridique de document d’information du tiers débiteur. Au vu de ce document, celui-ci est rassuré de payer en de bonnes mains, celles en l’occurrence de l’établissement de crédit affactureur.

II - L’EXECUTION DU CONTRAT D’AFFACTURAGE

L’exécution du contrat d’affacturage est particulièrement simplifiée, la prestation de chaque intervenant étant spécifiée (A). Mais, le réalisme du législateur l’a conduit à anticiper sur les difficultés possibles d’exécution (B).

A - LA PRESTATION DE CHAQUE INTERVENANT

Le contrat d’affacturage étant conclu uniquement par l’affactureur et l’adhérent, son exécution est étudiée relativement à ces deux parties. Seulement, dans la mesure où il implique un tiers débiteur, il faut spécifier les aspects de l’exécution de ce contrat le concernant.

L’affactureur : dès la prise d’effet du contrat d’affacturage, l’affactureur doit exécuter sa prestation selon les modalités convenues. Globalement, sa prestation revient à « régler par avance tout ou partie du montant des créances transférées ». Afin qu’il s’exécute sans écart ni critique, il aura reçu, pendant la formation du contrat, différents documents, dont un principal, l’informant sur les créances de chaque client: c’est le bordereau récapitulatif des factures. Ce document aura fait l’objet d’une concertation entre l’adhérent et l’affactureur : il est prévu qu’il soit validé d’accord partie (art. 6 (3)), bien qu’il ne sera signé que de l’adhérent (art. 9). Un fois qu’il aura procédé au règlement des factures comme convenu, il pourra dès lors, le terme de la dette arrivé, faire valoir la quittance subrogatoire notifiée au débiteur pour obtenir le paiement de la créance par anticipation réglée auprès de l’adhérent.

L’adhérent : L’affacturage fait désormais partie des activités exclusives des établissements de crédit. Il constitue donc une prestation de service dont la contrepartie est le versement de commissions. Ce versement de commissions doit être analysée comme étant la contre-prestation de l’adhérent, qu’il doit exécuter de bonne fo ; La somme des commissions doit être considérée comme le coût de l’affacturage, et, de ce fait, indiqué dans le contrat d’affacturage. L’évaluation de ces commissions s’avère délicate. En effet, elles sont de deux formes cumulatives, dont l’une est fixe et l’autre variable.

Il y a, d’abord, une commission de service correspondant à la rémunération de la prestation d’affacturage. Logiquement, ce montant doit être fixe : le législateur a indexé les modalités de sa détermination au « règlement en vigueur » (art. 15).

Il y a, ensuite une seconde commission, dite financière, laquelle rémunère le concours financier (avance de trésorerie) accordé par la banque. Cette seconde commission sera variable, premièrement et certainement, en proportion du montant des paiements effectués par avance. Ils apportent ainsi au débiteur un financement pratiquement en temps réel, qu’il aurait perçu ultérieurement, et encore, au gré des affaires de son co contractant désormais subrogé. Un autre élément pourrait secondairement déterminer de manière considérable le montant de cette commission financière : selon que l’affacturage aura été convenu avec ou sans recours, pour encadrer l’insolvabilité du débiteur une fois la date de paiement arrivée. Avec recours, l’affactureur pourrait alors se faire rembourser par son adhérent: le risque d’insolvabilité est dès lors immédiatement couvert par l’adhérent lui-même et ne devrait pas être pris en compte dans la fixation de la commission financière. Par contre, si l’affacturage est accordé sans recours, le montant de la commission financière tiendra certainement compte de ce risque, diminué s’il existe une sûreté. En amont, certainement pour éviter ce surenchérissement des frais, le législateur a prévu une retenue de garantie, qui s’opère sur le montant à verser à l’adhérent: (art. 16) doit être mentionnée: sans faire partie du coût de l’affacturage, il renchérit tout de même la prestation de l’adhérent, en diminuant le paiement qu’il escompte. Heureusement, si la créance est recouvrée, cette retenue lui sera restituée. Il faut noter que si une sûreté existe, en toute logique, la retenue de garantie ci-haut évoquée ne se justifie plus, sauf en considération des limites intrinsèques de cette sûreté.

En cas d’insolvabilité, l’établissement de crédit, qui ne peut plus se retourner contre son adhérent, doit d’abord mettre en œuvre la sûreté, le cas échéant. Sinon, il devra mettre en mouvement les actions possibles en vue du recouvrement de cette créance devenue douteuse, actions qui lui auront été transférées au moment de la cession subrogatoire. La retenue de garantie devrait alors servir à faire face aux frais de procédure. L’article 16 alinéa 3 prévoit que « les modalités de constitution et de remboursement de la retenue de garantie sont fixées par voie réglementaire ». Le texte attendu devra alors indiquer les modalités d’évaluation de cette retenue. A notre sens, cette évaluation ne doit être indexée que sur les frais de procédure de recouvrement. Seule une telle analyse devrait être privilégiée, afin que le montant retenu soit évalué de manière à ne pas compromettre le gain financier qu’attend l’adhérent de la convention d’affacturage, même, si une restitution est prévue. Sinon, la prestation de l’affacturage sans recours pourrait se réduire à un paiement partiel, amoindrissant ipso facto, l’utilité créditrice de ce mode de financement. Il faut, dans ce sens rappeler cette autre seconde retenue, obligatoire, faite sur chaque facture, qui contribuera à constituer le fonds de garantie dont la création est envisagée à l’article 17 de la loi AFFACTURAGE...

Par ailleurs, la détermination de la commission financière pourrait également être influencée par l’existence ou non d’une sûreté garantissant la créance, et le cas échéant, par les privilèges attachés à cette sûreté et, certainement, ses facilités de réalisation. Il est donc à préconiser que les parties au contrat d’affacturage y prévoient des clauses potestatives pour éviter une amplification contre-productive des bases de calculs de la commission financière, car, on peut avoir découvert-là le talon d’Achille de ce nouvel instrument juridique. A moins que la créance ne bénéficie d’une sûreté facile à réaliser et difficile à déclasser, on recommandera fortement, à l’attention des TPE et de PME, l’affacturage avec recours.

Le tiers débiteur: En réalité, la situation du tiers débiteur n’est guère modifiée par le contrat d’affacturage. Le contrat qu’il aura conclu avec le vendeur ou le prestataire de service doit être exécuté comme convenu. Le seul élément qui change, de son côté, c’est le bénéficiaire du paiement. Informé de l’existence d’un contrat d’affacturage par la quittance subrogatoire, il est, par la même occasion, informé quant à l’identité de ce nouveau bénéficiaire: «La quittance visée à l’alinéa 3 ci-dessus est notifiée au débiteur cédé dans un délai de dix (10) jours à compter de sa signature au débiteur cédé, en vue de l’informer de l’existence d’un contrat d’affacturage entre son créancier et l’affactureur. » (art. 6 (4)). Cette notification, qui établit en même temps qu’une de ses obligations a déjà été exécutée par un autre, l’engage, le terme survenu, à procéder au paiement entre les mains de son subrogeant, celui qui a déjà payé à sa place, l’établissement de crédit. Normalement, il ne peut payer plus que ce qui a été convenu entre le subrogataire et lui en leur temps, à moins que des conventions particulières aient été stipulées.

En effet, si l’affacturage a vocation à favoriser un recouvrement rapide des créances, c’est dans le but d’intensifier les relations d’affaires, certes de l’adhérent mais aussi, possiblement, de ses partenaires commerciaux. En effet, si deux parties conviennent de partager les coûts de l’opération d’affacturage, le débiteur pourrait négocier plus de marchandises ou de prestations de service s’il peut obtenir plus de délais de paiement, le vendeur ou le prestataire de service étant assuré qu’il bénéficiera, via l’affacturage, d’un paiement anticipé.

En tout état de cause, le tiers débiteur ne sera inquiété que si, le terme arrivé, il oppose à l’affactureur des exceptions de nature à rendre le paiement soit difficile, ou pire, impossible.

B - LES DIFFICULTES D’EXECUTION DU CONTRAT D’AFFACTURAGE

Le législateur a anticipé sur plusieurs formes de difficultés pouvant affecter l’exécution du contrat d’affacturage. Les premières touchent au contrat d’affacturage lui-même, qui ne connaît pas une exécution prospère. Les autres sont fondées sur l’extinction de la créance affacturée, rendant soit difficile, soit impossible le remboursement de l’établissement de crédit.

Exécuté paisiblement, le contrat d’affacturage prend fin avec l’arrivée du terme de la créance. A cette date en effet, l’affactureur doit recevoir le payement attendu du débiteur. La dette étant quérable et non portable, il devrait l’être à première demande.

La dénonciation du contrat d’affacturage : Il peut arriver que l’exécution du contrat d’affacturage soit troublée, suffisamment pour que l’une des parties souhaite y mettre un terme en cours d’exécution. Cette hypothèse est prévue par l’article 13 (1) de la loi. La dénonciation du contrat est possible, dès lors qu’une inexécution rend impossible la poursuite de la relation contractuelle. Du côté de l’affactureur, la dénonciation peut être motivée par la détérioration des relations contractuelles entre l’adhérent et le débiteur, du fait notamment des contestations professionnelles, ou d’agissements frauduleux, à l’exemple des fausses factures, comme envisagé à l’article 7. Du côté de l’adhérent, la dénonciation du contrat d’affacturage peut être fondée sur le non paiement ou le paiement partiel des sommes convenues, le non respect de la date de ces paiements, ou des mésententes dans le calcul des commissions par l’affactureur.

La multiplicité des modes de transfert des créances a été relevée, il faut ici compléter cette information en ajoutant que toutes aboutissent à l’extinction de la dette. Si une cause d’extinction de la créance peut opposée par le débiteur à l’affactureur, alors qu’un contrat d’affacturage est en cours d’exécution, il s’agit-là d’un argument de nature à compromettre l’utilité de toute la convention. Il est donc salutaire que le législateur ait anticipé les solutions juridiques relativement à différentes hypothèses certaines normales et d’autres, plutôt problématiques susceptibles de présenter de tels effets.

Au cours de l’exécution du contrat d’affacturage, la créance peut se trouver éteinte, par le dynamisme positif de mécanismes juridiques totalement légaux: l’exécution du contrat d’affacturage se trouve pertubée. Les solutions à apporter dans ces hypothèses dépendent de la preuve de l’extinction de la créance. Seule cette preuve peut justifier une remise en question du contrat d’affacturage (art. 14(1)). On peut évoquer ici la réalisation d’un condition suspensive prévue au contrat liant l’adhérent au débiteur ...

L’intervention d’un paiement indu: considéré comme le premier mécanisme juridique d’extinction des obligations, le paiement n’aura pas toujours un effet libératoire en cas d’existence d’un contrat d’affacturage. Il ne le sera que s’il est effectué par le débiteur entre les mains de l’affactureur, et ce dès lors que la quittance subrogatoire a été notifiée. Il faut donc comprendre ici qu’à compter de la notification de cette quittance au débiteur, tout paiement effectué entre les mains de l’adhérent sera considéré comme non advenu et le débiteur non libéré de sa dette (art.14 (3)). Considérant que « qui paye mal, paye deux fois », sa responsabilité au demeurant sera engagée, et les voies de droit mises en œuvre, si, arrivée la date de paiement, il se refuse à payer entre les mains de l’affactureur, en arguant de l’extinction de la créance. On doit voir dans cette prescription, une mesure destinée à préserver toute l’utilité juridique d’une opération d’affacturage régulièrement organisée. On sanctionne ainsi le débiteur qui aura choisi d’ignorer ce contrat dont il aura pourtant été régulièrement informé sur l’essentiel du contenu le concernant.

L’évocation d’une compensation : Avec le paiement, la compensation a été citée par le législateur comme un mode d’extinction des créances dont la vocation extinctive ne sera pas expresse dès lors qu’on contrat d’affacturage existe. On conçoit aisément la possibilité d’une compensation de dette entre l’adhérent et son débiteur, certainement en relation d’affaire de longue date. Cependant, selon l’article 14 (4), l’argument de la compensation ne sera recevable que si la créance ayant prétendument permis la compensation existait avant la publicité faite du contrat d’affacturage au RCCM. Cette prescription semble logique, mais elle n’est acceptable au regard d’une bonne administration du droit de l’affacturage, que si cette créance, cette fois du débiteur contre l’adhérent, n’a pas été portée à la connaissance de l’affactureur. Du fait des délais de paiement souvent longs, on peut concevoir qu’un adhérent se lie dans un contrat d’affacturage alors qu’au regard de l’état de ses relations avec son débiteur, une compensation peut intervenir entre leurs dettes réciproques. Mais, il faut dire également que cette compensation être invoquée uniquement sur une partie de la créance affacturée.

Le fonds de garantie: Les difficultés qui pourraient générer une impossibilité de paiement de l’affactureur seront couvertes par un fonds de garantie dont la constitution est imposée par l’article 17 de la loi sur l’affacturage. Parce qu’il s’agit d’une activité lucrative, le législateur oblige les établissements de crédit à organiser eux-mêmes les moyens de leur garantie contre les risques d’insolvabilité de leurs clients. Ainsi, ils sont appelés, au sens de l’article 17, à constituer ce fonds, selon les modalités qu’un texte réglementaire définira. En tout état de cause, on peut apprécier la préoccupation constante du législateur de rendre prospère cette nouvelle institution dans la vie des affaires au Cameroun.

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1 Publié par MUANDA NKOLE wa YAHVE
23/04/2015 10:43

Content que les cogitations sur les questions aussi complexes soient réalisées en vue d'éclairer les juristes ainsi que toutes personnes désireuses ou en prise avec un litige en rapport avec la question traitée.

Votre article m'a intéressé au plus haut point et me permet de dire que "ensemble et unis" nous atteindrons le but ultime de la philosophie du savoir, notamment répandre la connaissance gratuitement à tous les africains sur les thèmes les plus complexes.

Mes félicitations cher collègue professeur !
Don José MUANDA
Professeur de Droit des Affaires

2 Publié par Dr KAMWE
24/04/2015 11:55

Cher collègue,

Vos compliments me vont droit au cœur. Je vous en remercie. Je profite moi aussi des articles de droit africain publiés par les autres juribloggers présents sur legavox.fr.
Nous sommes effectivement "ensemble"!
N'hésitez pas à donner votre avis sur les articles que je publie ou à solliciter d'autres services juridiques.


Bon week end!

3 Publié par Visiteur
03/08/2015 18:17

bjr dr KAMWE,est-il possible pour un particulier de creer une societe d'affacturage?car c'est mon projet et jaimerai en savoir d'avantage,je travaille avec certains facicules pouvez vous m en proposer d autres.

4 Publié par Dr KAMWE
07/08/2015 20:07

Très cher

Une société d'affacturage est un établissement de crédit. Donc elle doit respecter les textes communautaires y relatifs. Or le droit bancaire camerounais et le communautaire CEMAC imposent la forme SA ou la forme coopérative pour les établissements de crédit dans notre sous-région, dans le strict respect du droit des sociétés OHADA. Pour la documentation, vous devez déjà vous procurer les textes de droit bancaire du pays dans lequel vous souhaitez investir, et ensuite, selon que vous soyez en Afrique de l'Ouest ou en Afrique Centrale, vous devez absolument étudier les textes UEMOA OU CEMAC adoptés en cette matière. il me semble que c'est votre première base documentaire. Merci de nous tenir au courant.

Bonne suite!

5 Publié par Visiteur
29/06/2016 12:43

Merci Dr les developpements sont tres pertinents et comprehensibles.Mais nous avons appris que c'est un produit qui est en perspective d'harmonisation en droit Ohada. Et on a l'habitude de dire que le droit des affaires requiert un droit mou pour laisser aux parties une certaine marge de manoeuvre.Des lors ne peut on pas envisager le debut de son declin dans cet espace si l'on sait par ailleurs que les banques n'y songent vraiment?

6 Publié par Dr KAMWE
29/06/2016 19:43

L'OHADA est en perspective sur de nombreux sujets. Mais cet argument ne doit pas empécher le législateur camerounais d'innover. Mais c'est aussi à nous, juriste, de vendre ce nouveau produit bancaire aux banques de la sous région Non? Le déclin? Un droit ne s'use que lorsqu'on ne s'en sert pas.

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