L’apparente simplicité du sujet de thèse intitulé le droit pénal et la réglementation des changes CEMAC dissimule en réalité une complexité. Celle-ci réside dans la délicate articulation entre deux matières juridiques : le droit pénal et le droit des changes CEMAC. En effet, l’interconnexion entre ces deux disciplines traduit un jeu d’influence. Cette influence s’exprime davantage par la mutation que connaissent certains principes de droit pénal lorsqu’ils sont soumis à l’épreuve des textes communautaires et nationaux relatifs aux opérations des changes. A l’analyse, la mutation de ces principes se dégage à travers une conceptualisation dérogatoire qui est ambivalente ou univoque selon qu’on les appréhende en droit pénal substantiel ou processuel.
La première partie de la thèse traite de la conceptualisation ambivalente des principes du droit pénal substantiel en matière de change. Dans ce cadre, il ressort que la politique criminelle dualiste découlant des textes CEMAC et nationaux entraîne des distorsions répressives, toute chose qui ne rend pas service à l’unicité du droit pénal et partant au principe de la légalité criminelle. Par ailleurs, la réglementation des changes CEMAC a entraîné la déconstruction du principe de nécessité. Cette déconstruction se vérifie dans la définition des incriminations à travers l’existence des textes multiples qui traitent des faits identiques, ce qui au demeurant, ne manque pas de compromettre l’appréhension de la norme pénale. La déconstruction du principe de nécessité s’exprime aussi dans la détermination des sanctions pénales applicables à travers notamment l’absence des mécanismes garantissant la proportionnalité de la peine et l’admission du cumul des sanctions de même nature.
La seconde partie de la thèse met en avant l’idée d’une conceptualisation univoque des principes du droit pénal processuel en matière de change. D’une part, une telle conceptualisation se traduit par la définition dérogatoire du principe de la séparation des fonctions de justice répressive. Cette atteinte à ce principe phare de procédure pénale s’explique par la mise en avant des autorités administratives dans l’orchestration de la sanction pénale, dessaisissant ainsi, l’autorité judiciaire de ce monopole. L’administration, à la fois juge et partie au procès manipule la mise en œuvre de la poursuite en décidant de l’initier au moyen d’une plainte ministérielle, ou d’y mettre fin par la procédure de la transaction au gré des intérêts économiques et financiers de la CEMAC et des États membres qu’elle défend. Dans le même sens, les autorités administratives, telles de véritables magistrats, sont investies d’importants pouvoirs dans l’application et l’exécution de certaines sanctions notamment pécuniaires et patrimoniales. D’autre part, la réglementation des changes admet des dérogations dans la définition d’autres principes du procès pénal. Il s’agit du principe de la présomption d’innocence. En effet, les dispositions qui organisent le contentieux répressif des changes consacrent la présomption de culpabilité. Celle-ci se manifeste par la présomption de commission de l’élément matériel et moral de l’infraction. La présomption de culpabilité débouche aussi sur un bouleversement des règles probatoires tant en ce qui concerne la charge de la preuve que les modes de preuves. Cet état de chose ne manque pas d’égratigner et de fragiliser substantiellement les droits de la défense. En outre, ce même contentieux admet le cumul des poursuites, ce qui manifestement viole la règle ne bis in idem, maxime latine érigée de nos jours en droit fondamental. Cette violation entraîne des conséquences qui contribuent à restreindre théoriquement l’autorité de la chose jugée et la sécurité juridique et judiciaire.
Cette étude a par ailleurs permis de déceler les incohérences et les défaillances de l’arsenal répressif des changes CEMAC. Voila pourquoi son auteur a parfois formulé le modeste vœu de voir le droit pénal des changes faire davantage sa mue afin qu’il garantisse une répression équilibrée et harmonieuse des infractions de change qui tient compte à la fois du souci de protection de la société et des droits des personnes poursuivies. Globalement, cette thèse a appréhendé les principes du droit pénal sous le prisme de la réglementation communautaire des changes et a ainsi participé de manière générale, à la conceptualisation d’un droit pénal spécial : le droit pénal des changes CEMAC.
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La thèse a été sanctionnée par la mention très honorable. Comme observations, l'impétrant a obtenu les félicitations du jury.