Après 23 ans de CDDU, l’intermittent du spectacle est intégré au sein de France Télévisions.
Ce jugement est définitif.
1) PROCEDURE :
Saisine du Conseil le 04 septembre 2020.
En application de l’article L.1245-2 du code du travail, les parties ont été convoquées directement devant le bureau de jugement du 20 janvier 2021. La partie demanderesse a été convoquée par lettre simple. La partie défenderesse a été convoquée par lettre recommandée dont l’accusé de réception a été retourné au greffe avec signature en date du 16 septembre 2020.
Débats à l’audience de jugement du 20 janvier 2021.
Les parties ont été avisées de la date et des modalités du prononcé.
Les conseils des parties ont déposé des conclusions.
2) LES FAITS :
Le 03/02/1997 Monsieur X est engagé par FRANCE TELEVISISONS en qualité de Monteur. Il sera ensuite employé dans le cadre de nombreux contrats à durée déterminés successifs, de manière ininterrompue sous CDD de remplacement de Chefs de Monteurs permanents, absents ou dont le contrat de travail est suspendu, et sous CDD d’usage pour le montage des journaux télévisés, principalement au sein de France 3 Nantes.
En 2020, FRANCE TELEVISIONS lui indique que les embauches n’étaient plus d’actualité.
Le 03/09/2020, Monsieur X saisit le Conseil de Prud’hommes de Paris.
3) JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES DE PARIS DU 20 JANVIER 2021 :
Le Conseil statuant publiquement, par jugement contradictoire en premier ressort ;
Requalifie la relation de travail entre les parties de contrat à durée indéterminée à mi-temps.
Fixe le salaire de Monsieur X à 1.775.15€ bruts mensuels.
Condamne la société France TELEVISIONS à payer Monsieur X, les sommes suivantes :
- 8646,13€ bruts à titre de rappel de salaire
- 864,61€ bruts au titre des congés payés afférents
- 7326,58€ bruts à titre de rappel de prime d’ancienneté
- 7732,65€ au titre de congés payés afférents
- 1775,15€ à titre d’indemnité de requalification
avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception pour la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de jugement et jusqu’au jour du paiement.
Rappelle qu’en vertu de l’article R.1454-28 du Code du travail, ces condamnations sont exécutoires de droit à titre provisoire, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire.
- 1000€ à titre de dommages et intérêts pour non-respect du repos hebdomadaire
avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement.
- 1200€ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile
Ordonne à la société FRANCE TELEVISIONS de délivrer les documents conformes au jugement.
Déboute Monsieur X du surplus de ses demandes.
Déboute la société FRANCE TELEVISIONS de sa demande reconventionnelle.
Condamne la partie défenderesse au paiement des entiers dépens.
3.1) Sur la requalification
Attendu qu’en application de l’article L.1242-1 du Code du travail « un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut pas avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise ».
Attendu que certes, comme l’indique fort justement la partie défenderesse, il existe au sein de FRANCE TELEVISIONS un accord d’entreprise rédigé comme suit (article 4.1) :
« Les fonctions pour lesquelles il est possible de recourir au CDD d’usage dans la branche de la télédiffusion sont répertoriés sur 2 listes :
Les fonctions de la liste 1 sont réparties en neuf filières et répertoriées à l’annexe 1 :
……………
I Montage, post-production, graphisme »
Attendu que certes l’annexe 1 vise expressément les fonctions de Monteur et Chef Monteur (exercées par Monsieur X) ;
Attendu qu’il convient de noter que selon l’article précité il est « possible » et en aucun cas obligatoire de recourir auxdits CDD ;
Attendu et surtout que la détermination, par accord collectif, d’une telle liste ne dispense pas le juge, en cas de litige, de vérifier concrètement l’existence de raisons objectives établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi concerné (monteur ou chef monteur) ;
Attendu que Monsieur X a occupé, dans le cadre de chacun des contrats à durée déterminée signés par lui avec FRANCE TELEVISIONS, des fonctions à caractère avant tout technique, fonctions indispensables pour la réalisation de toute production audiovisuelle de quelque nature que ce soit ;
Attendu donc que l’intéressé occupe, depuis 23 ans, un emploi permanent correspondant à l’activité normale de l’entreprise et répondant à un besoin structurel de celle-ci, aucun caractère par nature temporaire dudit emploi n’étant démontré par l’employeur ;
Attendu au surplus, s’il en était besoin, que Monsieur X, durant toute cette période, a signé avec FRANCE TELEVISIONS environ 1000 contrats à durée déterminée ;
Attendu en résumé que la succession de ces contrats étant destinée à pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de FRANCE TELEVISIONS, Monsieur X aurait dû, dès l’origine, être embauché en contrat de travail à durée indéterminée, les effets de la requalification remontant à la date du premier contrat à durée déterminée irrégulier soit, dans le cas d’espèce, au 3 février 1997.
Attendu donc qu’il sera fait droit à cette demande de requalification.
3.2) Sur la nature de l’emploi exercée
Attendu que, depuis sn embauche, Monsieur X a été embauché comme suit.
Février 1997 : Monteur Chef Monteur
Janvier 2006 : Chef Monteur
Octobre 2010 : Monteur Chef Monteur
Octobre 2015 : Monteur
Attendu toutefois qu’il remplace, dans le cadre de ses CDD, des Chefs Monteurs permanents embauchés selon la classification de « Chef Monteur ».
Attendu en conséquence qu’il sied de dire et juger que l’intéressé occupe un emploi de Chef monteur, statut cadre, niveau de qualification 6, positionnement 14, au sein de FRANCE TELEVISIONS.
3.3) Sur la durée mensuelle du travail effectué
Attendu qu’il apparaît que l’intéressé ait travaillé 97 jours en 2018 et 90 jours en 2019, ce qui correspond à un mi-temps ;
3.4) Sur le salaire de référence
Attendu que la qualification de Chef monteur statut cadre, niveau de qualification 6, positionnement 14 ayant été retenue par le Conseil, le salaire brut mensuel à retenir s’élève, pour un travail à mi-temps, à 1775,15€ (hors prime d’ancienneté, prime de toute nature).
3.5) Sur le rappel de salaires pour les périodes intercalaires entre le 1er septembre 2017 et le 31 décembre 2020 du fait de la requalification
Attendu que, du fait de la requalification, Monsieur X est en droit de percevoir à un tel rappel de salaire, calculé sur la base d’un mi-temps et d’un salaire brut mensuel à hauteur de 1775,15€ ;
3.6) Sur le rappel de la prime d’ancienneté
Attendu que c’est fort justement que Monsieur X demande l’application de l’accord d’entreprise du 28 mai 2013, lequel prévoit une telle prime pour les salariés sous contrat à durée indéterminée
Attendu que ce rappel sera calculé sur la base d’un mi-temps et d’un salaire brut mensuel à hauteur de 1775,15€.
3.7) Sur l’indemnité de requalification
Attendu qu’en application de l’article L.1245-2 du Code du travail, une telle indemnité ne saurait être inférieure à un mois de salaire ;
Attendu donc qu’il sied de faire droit à ce chef de demande à hauteur de 1775,15€ ;
3.8) Sur le rappel au titre du supplément familial
Attendu que FRANCE TELEVISIONS verse un supplément familial de 40 points par mois pour chacun des 2 premiers enfants à charge.
Attendu toutefois que l’intéressé ayant 1 seul enfant à charge, il ne saurait percevoir une telle prime.
3.9) Sur les dommages et intérêts pour non-respect des dispositions relatives au repos hebdomadaire
Attendu que Monsieur X démontre avoir travaillé, en mai et juin 2018, et ce à plusieurs reprises, sept jours consécutifs, ceci constituant manifestement un non-respect du repos hebdomadaire ;
Attendu donc qu’il sera fait droit à cette demande, à hauteur de 1000€.
3.10) Sur le rappel de majoration pour le jour férié du 15 août 2020
Attendu que le 15 août 2020 était un samedi ;
Attendu qu’en application de l’accord de branche FRANCE TELEVISIONS a logiquement majoré la paie de l’intéressé à hauteur de 70€ ;
Attendu donc qu’il ne sera pas fait droit à ce chef de demande.
3.11) Sur l’article 700 du CODE DE PROCEDURE CIVILE
Attendu qu’il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur X non seulement l’intégralité des frais irrépétibles exposés par lui et ne serait-ce qu’une partie de ceux exposés par la société FRANCE TELEVISIONS.
Frédéric CHHUM avocat et ancien membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)
CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille)
e-mail: chhum@chhum-avocats.com
https://www.instagram.com/fredericchhum/?hl=fr
.Paris: 34 rue Petrelle 75009 Paris tel: 0142560300
.Nantes: 41, Quai de la Fosse 44000 Nantes tel: 0228442644
.Lille: : 45, Rue Saint Etienne 59000 Lille – Ligne directe +(33) 03.20.57.53.24