1) FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La S.A.S Neova était spécialisée dans l’entretien de locaux à usage professionnel ainsi que dans la remise en état de locaux.
Elle a engagé Mme X suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 6 janvier 2004, en qualité de chef d’équipe, échelon 3. Elle était affectée sur le site des Studios de France à La Plaine Saint Denis.
La convention collective applicable est celle des entreprises de propreté.
Au cours de la relation contractuelle, Mme X a bénéficié de plusieurs mandats de représentant du personnel et, depuis le 19 avril 2019, elle est membre du CSE.
Par jugement du 15 avril 2020, le tribunal de commerce de Créteil a prononcé la liquidation judiciaire de la société Neova, et désigné la SELARL S21Yen qualité de mandataire liquidateur.
Par ordonnance du 29 avril 2020, le juge commissaire a autorisé la cession partielle du fonds de commerce de la société Neova au profit du groupe Marras holding, avec reprise de l’ensemble des éléments d’actifs. Le contrat de travail de Mme X lui a été transféré suite à l’autorisation de l’inspection de travail en date du 7 mai 2020.
Mme X a été informée du transfert de son contrat à compter du 9 mai 2020.
Par requête parvenue au greffe le 4 mai 2020, Mme X a saisi le conseil de prud’hommes de Créteil aux fins, notamment, de voir fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Neova la somme de 18 356,63 euros à titre d’indemnité de repos compensateur légal, outre celle de 1835,66 euros au titre des congés payés afférents et une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement en date du 6 septembre 2021, le conseil de prud’hommes de Créteil a :
- dit que Mme X est recevable en ses demandes,
- débouté Mme X de l’intégralité de ces demandes,
- débouté la SELARL S21Y es qualité de mandataire liquidateur de la S.A.S. Neova de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme X aux entiers dépens.
Par déclaration au greffe en date du 30 septembre 2021, Mme X a régulièrement interjeté appel de la décision.
2) MOTIFS DE LA DECISION
La cour d’appel de Paris :
. INFIRME le jugement déféré sauf en ce qui concerne l’article 700 du code de procédure
civile,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
. FIXE au passif de la liquidation judiciaire de la société NEOVA les créances de Mme
X comme suit :
-9211, 38 euros au titre du repos compensateur ;
-921, 13 euros au titre des congés payés afférents,
. RAPPELLE que l'ouverture de la procédure collective a interrompu le cours des intérêts,
. ORDONNE à la SELARL S21Y prise en la personne de Maître Sophie Tcherniavsky,
agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société Neova de remettre à Mme
X un bulletin de salaire récapitulatif par année civile conforme au présent
arrêt dans un délai d’un mois à compter de sa signification,
. DIT que la garantie de l'AGS CGEA d'Île de France Est devenue l’AGS s’applique pour
les créances précitées dans les conditions et limites légales et réglementaires,
. DÉBOUTE Mme X de sa demande au titre de l'article 700 du code de
procédure civile,
. MET les dépens de première instance et d'appel à la charge de la société en liquidation
judiciaire.
Le greffier La présidente de chambre
2.1) Sur la demande au titre du repos compensateur
La salariée expose qu’elle a effectué de nombreuses heures supplémentaires au delà du contingent annuel, fixé à 190 heures par la convention collective applicable, sans bénéficier de repos compensateur. Elle en demande à ce titre le paiement, dans la limite de la prescription triennale une somme de 18 356,63 euros, outre les congés payés afférents.
Le liquidateur fait valoir que si les heures de délégations peuvent être prises en dehors de l’horaire normal de travail, et en plus du temps de travail effectif, encore faut-il que les nécessités du mandat le justifient.
Il rappelle qu’il appartient au salarié d’apporter cette preuve.
Le liquidateur indique que la salariée, compte tenu de ses divers mandats, bénéficiait de nombreuses heures de délégation, et que la société Noeva, dans un souci de dialogue social constructif, a toujours payé à Mme X ses heures de délégation réalisées en dehors du temps de travail, qu’elle effectuait quand elle le souhaitait, avec la majoration applicable aux heures supplémentaires.
Le liquidateur indique que c’est la raison pour laquelle la société NEOVA a toujours refusé de régler à Mme X ses repos compensateurs.
Il souligne que durant la relation de travail la salariée n’a pas demandé à bénéficier de ses repos compensateurs, sachant que son employeur, en ne sollicitant aucun justificatif pour les heures supplémentaires, était loyal. Il en déduit qu’il existait un accord implicite entre les parties. Il sollicite en conséquence le rejet de la demande de Mme X, celle-ci ne justifiant pas de la nécessité de réaliser des heures de délégation en dehors de ses horaires de travail.
La cour constate que la société n’a jamais, durant la relation contractuelle, contesté les heures supplémentaires déclarées par Mme X, que la société lui a d’ailleurs payé les sommes correspondantes, dont elle ne demande pas la répétition, son argumentation sur l’existence d’un accord tacite n’étant étayée par aucune pièce.
Dès lors, la société ne peut utilement contester le droit de Mme X a bénéficier du repos compensateur prévu à l’article L 3121-30 du code du travail.
La salariée verse aux débats l’ensemble de ses bulletins de paie pour la période concernée.
Compte tenu de la prescription triennale, il est retenu pour l’année 2017 94 heures supplémentaires au delà du contingent annuel de 190 heures. Pour les années 2018 et 2019,à défaut de correspondance entre les heures supplémentaires affichées par la salariée et les mentions apposées sur les bulletins de salaire, il sera retenu 400 heures supplémentaires au delà du contingent annuel pour 2018 et 194,75 heures pour 2019.
La somme de 9211, 38 euros au titre du repos compensateur et celle de 921,13 euros au titre des congés payés afférents seront fixées au passif de la liquidation de la société Neova.
2.2) Sur la garantie des AGS
Le présent arrêt est opposable à AGS CGEA IDF Est, devenue l’AGS.
Sa garantie interviendra dans les termes et conditions des articles L. 3253-17 et L. 3253-19 du code du travail.
2.3) Sur la remise des bulletins de paie rectifiés
Il convient d'ordonner la remise d’un bulletin de paie récapitulatif par année civile conformes à la présente décision, celle-ci étant de droit, sans qu’une astreinte ne soit prononcée.
2.4) Sur les intérêts
La société a fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire le 15 avril 2020. Mme X a saisi le conseil de prud’hommes le 4 mai 2020.
Il résulte des articles L622-3 et L621-48 du code du commerce que le jugement de liquidation judiciaire arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels.
Il n’y a en conséquence pas lieu à intérêts.
2.5) Sur les demandes accessoires
Le jugement est infirmé sur les dépens et confirmé sur l'article 700 du code de procédure civile.
Les dépens seront mis à la charge de la société en liquidation judiciaire.
L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Mme X.
Frédéric CHHUM avocat et ancien membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)
CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille)
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