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Banque : une conseillère de la MACIF obtient la résiliation judiciaire de son contrat de travail et des dommages intérêts pour violation de l’obligation de sécurité (CA Poitiers 10 nov. 2022)

Publié le 15/09/2023 Vu 2 594 fois 0
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Suivant CDI, la MACIF a embauché Mme S à compter du 16 octobre 2006, en qualité de conseillère vente au point d’accueil de Paris-Maraîchers dans le 20ème arrondissement.

Suivant CDI, la MACIF a embauché Mme S à compter du 16 octobre 2006, en qualité de conseillère vente au po

Banque : une conseillère de la MACIF obtient la résiliation judiciaire de son contrat de travail et des dommages intérêts pour violation de l’obligation de sécurité (CA Poitiers 10 nov. 2022)

1)      EXPOSÉ DU LITIGE :

 

 

Par avenant du 16 juin 2010, Mme S a été mutée à compter du 14 juin 2010 au sein de l’agence de Vernon dans l’Eure, au poste de conseillère vente au point d’accueil.

 

Par courrier du 10 septembre 2010, la Macif a mis fin à la période probatoire de Mme S et l’a informée du fait qu’elle était affectée au point d’accueil de Cergy à compter du 1er octobre 2010.

 

Par avenant signé le 5 octobre 2010, les parties ont convenu que Mme S exercerait ses fonctions au sein du point d’accueil de Cergy à compter du 1er octobre 2010.

 

Le 22 janvier 2018, Mme S a été placée en arrêt de travail pour cause de maladie jusqu’au 22 janvier 2019 et de nouveau à compter du 24 janvier 2019.

 

Par requête du 28 décembre 2018, Mme S a saisi le conseil de prud’hommes de Niort afin notamment de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur et obtenir le paiement de diverses indemnités.

 

Le 9 avril 2019, le médecin du travail a déclaré Mme S inapte définitivement à son poste de travail.

 

Mme S a été convoquée à un entretien préalable fixé au 12 août 2019 et s’est vue notifier son licenciement pour inaptitude non professionnelle et impossibilité de reclassement par lettre recommandée avec avis de réception du 19 août 2019.

 

Par requête du 2 octobre 2019, Mme S a de nouveau saisi le conseil de prud’hommes de Niort afin de voir dire que son inaptitude résultait du harcèlement moral dont elle se disait victime, de voir en conséquence son licenciement annulé et subsidiairement de le voir déclarer sans cause réelle et sérieuse.

 

Les 2 requêtes de Mme S ont été jointes et par jugement du

8 janvier 2021, le conseil de prud’hommes a :

- dit que le licenciement de Mme S pour inaptitude est justifié,

- condamné la Macif à payer à Mme S les sommes suivantes :

* 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

* 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation de prévention des risques d’atteinte à la santé mentale des travailleurs,

* 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

- débouté Mme S du surplus de ses demandes,

- débouté la Macif de l’intégralité de ses demandes,

- condamné la Macif aux dépens.

 

Le 1er février 2021, Mme S a interjeté appel, enregistré sous le numéro RG 21/00354, du jugement en ce qu’il a dit que son licenciement pour inaptitude était justifié, condamné la Macif à lui payer une somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et l’a déboutée du surplus de ses demandes.

 

Le 11 février 2021, la Macif a interjeté appel, enregistré sous le numéro RG 21/00466, du jugement en ce qu’il l’a déboutée de toutes ses demandes et condamnée aux dépens mais également en ce qu’il l’a condamnée à payer à Mme S les sommes de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral, 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation de prévention des risques et 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

 

Par arrêt du 31 mars 2022, la cour d’appel de Poitiers a :

 

- déclaré irrecevables les pièces n°117-1 et 117-2 (numérotées 117 dans le bordereau de communication de pièces) produites par Mme S,

- infirmé le jugement entrepris en ce qu’il a :

 

* dit que le licenciement de Mme S pour inaptitude est justifié,

* condamné la Macif à payer à Mme S la somme de 10.000 euros net à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral, statuant à nouveau,

 

- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme S aux torts de la Macif à effet au 19 août 2019,

 

- débouté Mme S de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

- sursis à statuer sur le surplus des demandes des parties,

- ordonné la réouverture des débats et renvoyé l’affaire et les parties à l’audience du mercredi 14 septembre 2022 à 9h15,

- invité les parties à présenter leurs observations sur le moyen relevé d’office par la cour tenant au fait que la résiliation judiciaire prononcée en raison d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité qui ne peut produire que les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- invité les parties à en tirer toutes les conséquences utiles quant aux prétentions à formuler dans le cadre de la résiliation judiciaire produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- réservé les dépens.

 

2)      Arrêt de la Cour d’appel de Poitiers du 10 novembre 2022

 

Dans son arrêt du 10 novembre 2022, la Cour d’appel de Poitiers a

 

- Déclaré irrecevables les pièces n°117-1 et 117-2 (numérotées 117 dans le bordereau de communication de pièces) produites par Mme S

- Infirmé le jugement entrepris en ce qu’il a :

* dit que le licenciement de Mme S pour inaptitude est justifié,

* condamné la Macif à payer à Mme S la somme de 10.000 euros net à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

 

- Statuant à nouveau,

 

. prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme S aux torts de la Macif à effet au 19 août 2019,

 

- Débouté Mme S de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

 

- Sursis à statuer sur le surplus des demandes des parties,

Infirme le jugement rendu le 8 janvier 2021 par le conseil de prud’hommes de

Niort en ce qu’il a :

 

- condamné la Macif à payer à Mme S la somme de

10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation de prévention des risques d’atteinte à la santé mentale des travailleurs,

 

- débouté Mme S de ses demandes d’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de délivrance des documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte,

Statuant à nouveau sur les chefs du jugement infirmé,

 

- dit que la résiliation du contrat de travail de Mme S produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

 

- condamne la Macif à payer à Mme S les sommes de :

 

* 5.889,10 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 588,91 euros brut au titre des congés payés afférents,

* 18.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 7.000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité,

- ordonne à la Macif de délivrer à Mme S un bulletin de salaire rectifié et les documents de fin de contrat rectifiés tenant compte du présent arrêt et de celui du 31 mars 2022,

- dit n’y avoir lieu à astreinte,

- condamne la Macif à rembourser les indemnités versées par Pôle Emploi au titre de l’article L.1235-4 du code de travail à hauteur de 6 mois d’indemnité de chômage,

- Dit que les dommages et intérêts alloués à Mme S sont assortis des intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

- Dit que les créances salariales allouées à Mme S sont assorties des intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la Macif de la convocation devant le bureau de conciliation

 

- Ordonne la capitalisation des intérêts dus pour une année entière,

 

Confirme le jugement rendu le 8 janvier 2021 en ce qu’il a condamné la Macif à payer à Mme S la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens,

 

Y ajoutant,

 

Condamne la Macif à payer à Mme S la somme de 2.000 euros supplémentaire en cause d’appel au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Macif aux dépens d’appel.

 

2.1) Sur les demandes indemnitaires au titre du licenciement sans cause réelle

et sérieuse

 

Il est constant, ainsi que les parties en conviennent dans le cadre de la réouverture des débats, que la résiliation judiciaire du contrat de travail prononcée aux torts de l’employeur pour manquement à l’une de ses obligations produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

 

En l’espèce, la cour a considéré dans son arrêt du 31 mars 2022 que la Macif

a manqué à son obligation de sécurité et que ce manquement était suffisamment grave pour justifier la résiliation du contrat de travail de Mme S aux torts de la Macif. Cette résiliation produit donc les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

 

Dès lors, Mme S est en droit de réclamer le paiement d’une indemnité compensatrice du préavis dont elle a été privée ainsi que les congés payés afférents. La Macif ne conteste ni le principe ni le montant des sommes réclamées de sorte qu’il convient de la condamner à payer à Mme S la somme de 5.889,10 euros brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis (2 mois de salaire brut) outre la somme de 588,91 euros brut au titre des congés payés afférents. Le jugement entrepris est en conséquence infirmé en ce qu’il a débouté Mme S de cette demande.

 

Selon l’article L.1235-3 du code du travail, si le licenciement d’un salarié ayant une ancienneté de 12 ans survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge lui octroie une indemnité comprise entre 3 et 11 mois de salaire. Il est constant que l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse mise à la charge de l'employeur ne peut excéder, au regard de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise et au montant de son salaire brut, le montant maximal fixé par ce texte exprimé en mois de salaire brut (Soc., 15 décembre 2021, pourvoi n° 20-18.782).

 

La cour observe tout d’abord que, dans le cadre de la réouverture des débats,

Mme S ne soutient plus que le barème de l’article L.1235-3 précité ne lui serait pas applicable de sorte que les moyens soutenus par la Macif à ce sujet sont sans objet.

  

Au regard de l’ancienneté de la salariée, de son âge au jour de son licenciement

(36 ans), du montant de son salaire brut mensuel (2.944,55 euros) et de sa capacité à retrouver un emploi (elle a retravaillé dans le cadre d’un CDD du 21 juillet 2020 au 19 juin 2021 avec un salaire brut mensuel de 2.450 euros et depuis le 1er mai 2022 pour un salaire de 2.560 euros brut mensuel en percevant entre temps l’allocation de retour à l’emploi), il est justifié de lui allouer une somme de 18.000 euros de nature à réparer le préjudice causé par la perte injustifiée de son emploi. La Macif est en conséquence condamnée à payer cette somme à titre de dommages et intérêts à Mme S, le jugement entrepris étant infirmé en ce qu’il a débouté Mme S de cette demande.

 

2.2) Sur la demande de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité

 

Dans son arrêt du 31 mars 2022, la cour a estimé que la Macif a commis un manquement à son obligation de sécurité en :

 

- ne mettant en place aucune mesure appropriée face aux dénonciations de Mme S et à la dégradation de l’état de santé moral de celle ci, en 2015 puis en 2018,

 

- ne prenant, postérieurement à l’entretien du 4 juillet 2018, aucune mesure de nature à permettre ou tenter de permettre le retour de la salariée dans l’entreprise, et en restant, à tort, dans l’attente que la salariée démontre le harcèlement dont elle se déclarait victime et fasse elle-même des propositions pour l’orientation de sa carrière.

 

Ce manquement a occasionné un préjudice moral à Mme S qu’il est justifié de réparer par l’octroi, à la charge de la Macif, d’une somme de 7.000 euros à titre de dommages et intérêts tenant compte du fait que l’employeur n’est pas resté totalement inactif pour préserver l’état de santé physique de sa salariée. Le jugement déféré est en conséquence infirmé en ce qu’il alloué à la salariée la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts.

 

 

2.3) Sur le remboursement des indemnités chômage par l’employeur

 

En application de l’article L.1235-4 du code du travail, le juge ordonne le remboursement par l'employeur ayant procédé à un licenciement sans cause réelle et sérieuse aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.

 

Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

 

En l’espèce, la résiliation judiciaire ayant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il convient de condamner la Macif à rembourser à Pôle Emploi les indemnités chômage versées à Mme S à hauteur de 6 mois d’indemnité.

 

Frédéric CHHUM avocat et ancien membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)

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A propos de l'auteur
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Maître Frédéric CHHUM est membre du conseil de l'ordre des avocats de Paris (2019-2021). Il possède un bureau secondaire à Nantes et à Lille.

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