La décision est malheureusement très peu motivée.
Par ailleurs, étonnamment le montant des dommages intérêts est dans le barème puisqu’elle octroie 13500 euros pour un salaire de référence de 2950 euros avec 5 ans d’ancienneté (avec reprise d’ancienneté du contrat de professionnalisation).
1) Rappel des faits et de la procédure
Une salariée avait été engagée en contrat de professionnalisation à compter du 5 septembre 2012 au 31 décembre 2013.
A compter du 1er janvier 2014, elle est embauchée ensuite en CDI à temps complet en qualité de Gestionnaire Ressources Humaines.
Elle a été licenciée le 2 octobre 2017 pour insuffisance professionnelle.
Son salaire de référence était de 2950 euros bruts.
2) Jugement du conseil de prud’hommes de Paris
Le Conseil de prud’hommes dit que le jugement est sans cause réelle et sérieuse et condamne la société à lui payer 13.500 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse « au visa des articles 24 de la charte sociale européenne et des articles 4 et 10 de de la convention 158 de l’OIT ».
3) Analyse : 4.6 mois de salaire pour 5 ans d’ancienneté : c’est dans le barème Macron ?
L’argumentaire sur l’inconventionnalité du barème est résumé dans notre article intitulé Barème Macron aux prud’hommes : comment échapper au plafonnement des indemnités de licenciement ?
3.1) Une motivation insuffisante
Le jugement du conseil de prud’hommes est très peu motivé.
Il vise uniquement les articles 24 de la charte sociale européenne et des articles 4 et 10 de la convention 158 de l’OIT.
Il ne mentionne pas l’inconventionnalité du barème Macron en elle-même.
3.2) Un montant des dommages intérêts dans le barème Macron ?
La salariée avait 5 ans d’ancienneté en reprenant l’ancienneté du contrat de professionnalisation qui avait débuté au 5 septembre 2012.
Avec le barème Macron de l’article L. 1235-3 du code du travail, l’indemnité pour licenciement sans cause est entre 3 et 6 mois de salaire. https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006072050&idArticle=LEGIARTI000006901142
La salariée se voit accorder l’équivalent de 4.6 mois (13.500 euros) de salaire à titre d’indemnité pour licenciement sans cause, ce qui est dans le barème Macron qui prévoit un plancher de 3 mois et un plafond de 6 mois.
Peut être que dans son raisonnement, le conseil de prud’hommes n’a pris en compte qu’une ancienneté au 1er janvier 2014 (sans reprendre l’ancienneté du contrat pro), dans ce cas, l’ancienneté de la salariée est de 3 ans et 9 mois ; dans ce cas, le plafond serait de 4 mois et la salariée a obtenu un peu plus que le barème.
4) Le Conseil de prud’hommes de Paris a-t-il souhaité, dans cette décision, déclarer inconventionnel le barème Macron qui plafonne les indemnités pour licenciement sans cause ?
Dans un article publié dans Le Monde le 15 mars 2019, il est indiqué que la conseillère prud’homale qui a rédigé le jugement aurait mentionné de sa propre initiative la convention de l’OIT et la Charte sociale européenne dans la motivation du jugement (cf Barème prud’homal : la polémique rebondit à Paris https://www.lemonde.fr/politique/article/2019/03/15/bareme-prud-homal-la-polemique-rebondit-a-paris_5436657_823448.html )
5) L’inconventionnalité du barème sera plaidée devant la Cour d’appel de Paris le 23 mai 2019 en présence du Parquet Général !
Parallèlement, le 23 mai 2019, la Cour d’appel de Paris sera saisie de cette question le 23 mai 2019. A cet égard, la Cour d’appel a demandé que le Parquet Général soit présent lors de cette audience pour qu’il donne son avis. (cf Dalloz actualité « Barème Macron » : la cour d’appel de Paris demande l’avis du parquet général https://www.dalloz-actualite.fr/flash/bareme-macron-cour-d-appel-de-paris-demande-l-avis-du-parquet-general#.XItqFLjjKUm ).
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Pour lire le jugement du conseil de prud’hommes de Paris (RG 18/00964), cliquez sur le pdf ci-dessous.
Frédéric CHHUM, Avocats à la Cour (Paris, Nantes, Lille)
Membre du Conseil de l’ordre des avocats de Paris
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