Maître Frédéric CHHUM est l’avocat de la salariée, première habilleuse, du LIDO.
1) Faits
A compter du 1er octobre 1987, Madame X. a été engagée par contrat à durée indéterminée en qualité d’habilleuse remplaçante.
Depuis le 1er novembre 1991, elle est devenue première habilleuse dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée à temps partiel de six jours par semaine et à raison de cinq heures par jour, soit 30 heures par semaine.
Ses horaires étaient :
-jusqu’en 2002 : de 21h30 à 2h30 du matin ;
-à compter de 2003 : de 21 heures à 2 heures du matin ;
- à compter du 1er avril 2013 : de 20h30 à 1h30 du matin ;
Madame X. a saisi le Conseil de prud’hommes de Paris le 18 mars 2013, notamment, des demandes suivantes :
- qu’il soit jugé que la société SEGSMHI aurait dû appliquer les dispositions de la Convention Collective des Théâtres Privés relatives aux horaires de nuit ;
-que les dispositions de de la Convention Collective Nationale des Théâtres Privés se substituent aux dispositions moins favorables aux salariés de l’accord d’entreprise du LIDO du 30 janvier 2007 en application de l’article 7 de ladite convention ;
-rappel de salaires du fait de la majoration des horaires de nuit en application de la convention collective nationale des théâtres privés ;
Au soutien de ses demandes, Madame X, par le biais de son avocat, fait valoir que la convention collective applicable est celle des théâtres privés ; elle fonde ensuite sa demande de rappel de salaires du fait de la majoration de ses heures de nuit ; elle sollicite enfin l’annulation d’un avertissement.
2) Jugement du Conseil de prud’hommes de Paris du 27 juin 2016 (Activités Diverses - départage)
Le Conseil de Prud’hommes condamne la société SEGSMHI (Le Lido) à verser à la salariée, première habilleuse, les sommes suivantes :
- 2.733 euros à titre de rappel de salaires ;
- 273 euros à titre de congés payés afférents;
- 716 euros au titre des congés payés afférents ;
- 1.200 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Au total, la salariée obtient 4.922 euros bruts.
Par ailleurs, le Conseil de prud’hommes juge que :
- « Un accord collectif d’entreprise, même conclu postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 4 mai 2004, ne peut déroger par des clauses moins favorables à une convention collective de niveau supérieur conclue antérieurement à cette date à moins que les signataires de cette convention n’en aient disposé autrement » ;
- « La convention Collective applicable à la situation de Madame X. était la Convention Collective Nationale des théâtres privés, jusqu’au 1er juillet 2013, date d’entrée en vigueur de la Convention Collective Nationale des entreprises du secteur privé du spectacle vivant ».
2.1) L’application de la Convention Collective Nationale des théâtres privés
Dans cette affaire, le débat porte précisément sur le point de savoir si l’accord d’entreprise du 30 janvier 2007, postérieur à l’entrée en vigueur de la loi du 4 mai 2004, peut déroger à une convention collective antérieure à cette entrée en vigueur.
En premier lieu, le Conseil de prud’hommes rappelle que l’article 7 de la Convention Collective Nationale des théâtres privés, prévoit que « les clauses de la présente conventions remplaceront les clauses des contrats de individuels ou collectifs existants, y compris les contrats de durée déterminée, lorsque les clauses de ces contrats sont moins avantageuses pour les salariés ;
Les règlements d’entreprise contenant des clauses contraires ou moins avantageuses sont également caducs » ;
Par ailleurs, le Conseil rappelle que l’article 45 de la loi 2004-391 du 4 mai 2004 dispose que « la valeur hiérarchique accordée par leurs signataires aux conventions et accords conclus avant l’entrée en vigueur de la présente loi demeure opposable aux accords de niveaux inférieurs ».
Le juge départiteur en déduit alors que :
« Il en résulte qu’un accord d’entreprise, même conclu postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 4 mai 2004, ne peut déroger par des clauses moins favorables à une convention collective de niveau supérieur conclue antérieurement à cette date à moins que les signataires de cette convention n’en aient disposé autrement » ;
« Il n’est pas contesté que l’article 7 de l’annexe « Habilleuse et couturières » qui prévoit des majorations de salaires pour les services de nuit, est plus favorable que les dispositions de l’accord d’entreprise du 30 janvier 2007, lequel prévoit uniquement deux jours de repos compensateur pour les travailleurs de nuit» ;
« Il convient en conséquence de dire que la convention collective applicable à la situation de Madame X. était la Convention Collective Nationale des théâtres privés, jusqu’au 1er juillet 2013, date d’entrée en vigueur de la Convention Collective Nationale des entreprises du secteur privé du spectacle vivant ».
Après avoir jugé que la convention collective applicable à la salariée était la Convention Collective des théâtres privés, le juge fait un examen de l’article 7 de l’annexe « Habilleuse et couturière », afin de déterminer si la majoration des horaires de nuit est applicable à la salarié.
2.2) La majoration des horaires de nuit prévue par l’article 7 de l’annexe « Habilleuses et couturières »
L’article 7, relatif à la majoration des horaires de nuit est applicable à la situation de la salariée, première habilleuse ?
A compter de 2003, les horaires de Madame X. étaient de 21 heures à 2 heures du matin, puis depuis le 1er avril 2013, de 20h30 à 1 heure 30 du matin.
A ce titre, la salariée, fait valoir qu’elle a toujours travaillé au-delà de 0h40 de sorte que la nuit lui est entièrement due.
Tout d’abord, le Conseil de prud’hommes rappelle que l’article 7 de l’annexe « Habilleuses et couturières », prévoit que :
« Les services de nuit comptent de 0 heure jusqu’à 8 heures » ;
« Si par suite de la prolongation d’un service, d’une représentation ou d’une répétition, le travail se poursuit entre 0 heure et 0h15, il sera alloué une heure supplémentaire au tarif en vigueur majorée de 100% » ;
« Après 0h15 et jusqu’à 0h40, en plus de cette heure majorée de 100%, le transport devra être assuré par la direction et à ses frais. Passé 0h40, la nuit est due entièrement, soit 8 heures au tarif en vigueur majorées de 100% ».
Le juge départiteur indique qu’ «il doit cependant être constaté que Madame X. fait précisément état de ses horaires de travail tels que résultant de son contrat de travail, lesquels horaires prévoyaient une fin de travail soit à 2 heures du matin, soit à 1h30 » ;
Le juge poursuit que «la stipulation relative au service de nuit précitée en l’article 7 de l’annexe applicable vise expressément la prolongation d’un service, d’une représentation ou d’une répétition ; tel n’était pas la situation de Madame X, dont le travail ne se terminait pas au-delà de 0h40 du fait d’une prolongation, mais en raison des horaires contractuels de travail ».
En conséquence, le Conseil de prud’hommes considère que la salariée ne « doit dès lors être déboutée de ses demandes formées au titre du rappel de salaire pour majoration des horaires de nuit ».
2.3) Le Lido doit payer un rappel de salaires
La salariée a exposé l’existence de nombreuses irrégularités affectant ses bulletins de paie, en particulier s’agissant des modalités d’indemnisation des périodes d’accident du travail et d’arrêts maladie ; elle réclame également le paiement de «services non rémunérés».
Concernant la demande de rappel de salaires le juge départiteur considère que « les explications apportés en défense sur les indemnisations des périodes d’accident du travail ou d’arrêts maladie apparaissent insuffisantes ; elles se contentent en effet pour l’essentiel de rappeler les règles applicables, sans se prononcer sur les différentes périodes relevées par la salariée, et sans répondre aux absences de paiement qui apparaissent pourtant sur les bulletins de paie produits » ;
« Il sera dès lors fait droit aux demandes de Madame X. à hauteur de 2.733 euros, outre les congés payés afférents ».
Par ailleurs le Conseil de prud’hommes, en application de l’article 700 du Code de procédure civile, a condamné la société à payer à Madame X. la somme de 1.200 euros afin de couvrir les frais qu’elle a dû engager pour assurer la défense de ses intérêts.
La salariée, première habilleuse, a interjeté appel du jugement.
Frédéric CHHUM, Avocats à la Cour (Paris et Nantes)
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