Cet acte a pour objet de transférer la responsabilité pénale par rapport aux missions confiées au délégataire.
La délégation de pouvoirs n'est régi par aucun texte. Il s'agit d'une construction purement jurisprudentielle.
Voici en 5 points clés ce qu'il faut connaître concernant la délégation de pouvoirs :
1) Les intérêts de la délégation de pouvoirs
Par le biais de la délégation, le délégataire pourra représenter la société et conclure par exemple des contrats au nom de la société.
La délégation de pouvoirs est souvent nécessaire dans les grandes structures. En effet, elle permet une gestion pleine et entière de la société et plus particulièrement lorsque celle-ci est de taille importante ou d'une dimension internationale.
2) Les conditions de validité de la délégation de pouvoirs
2.1) Conditions tenant au délégant
Seul le dirigeant qui est le représentant de la société est admis à consentir une délégation de pouvoirs au profit d'un salarié de l'entreprise.
Le délégant ne peut déléguer que les pouvoirs qu'il détient. La délégation ne peut être que partielle. En effet, le délégant ne peut pas se substituer de l'intégralité de ses pouvoirs.
Le délégant doit cesser toutes les prérogatives qu'il a délégué au délégataire. Ainsi, toute immixtion du délégant dans les domaine qu'il a délégué conduit à rendre la délégation de pouvoirs purement fictive (Cass. Soc. 21 novembre 2000, n°98-45.420).
2.2) Conditions tenant au délégataire
Le délégataire doit nécessairement appartenir à l'entreprise ou le cas échéant au groupe de sociétés auquel appartient le délégant. Il doit être un préposé, soumis à l'autorité hiérarchique du chef d'entreprise et non un tiers.
Pour pouvoir bénéficier de la délégation de pouvoirs, le délégataire doit être placé dans une situation de subordination juridique vis-à-vis du chef d'entreprise.
Le délégant ne peut pas être une personne extérieure à l'entreprise. Ainsi, l'employeur ne peut pas déléguer à son expert-comptable la conduite d'une procédure de licenciement (Cass. Soc. 7 décembre 2011, n°11-30.222).
Le délégataire doit avoir reçu et être doté :
- des compétences nécessaires à l'exercice des prérogatives qui lui sont confiées,
- de l'autorité, (le délégataire doit disposer d'un pouvoir de commandement suffisant pour pouvoir donner des directives aux salariés placés sous son autorité) ;
- des moyens nécessaires pour exercer les missions qui lui sont confiées (Cass. crim. 8 décembre 2009, n°09-82.183).
Ces trois conditions sont cumulatives.
Le délégataire doit disposer d'un vrai pouvoir de décision, et ce dans le cadre des conditions de travail, en matière d'hygiène et de sécurité au travail, pouvoir disciplinaire.
3) Les conditions tenant à la délégation elle-même
La délégation doit être précise et sans aucune ambiguïté quant à l'existence de la délégation de pouvoirs entre les deux protagonistes.
La délégation doit indiquer avec précision l'objet et la nature de la délégation. Celle-ci ne peut pas être générale mais doit être spécifique (Cass. crim. 21 octobre 1975, n°75-90.427).
La Cour de cassation a tout de même reconnu une délégation implicite, sous réserve qu'elle vise un cadre dirigeant de l'entreprise (Cass. crim. 2 octobre 2001, n°00-87.075).
Quant aux conditions de forme, la délégation de pouvoirs ne doit pas remplir de formalisme particulier. La délégation de pouvoirs peut être écrite ou verbale. En l'absence d'écrit, il appartient à la personne qui se prévaut de la délégation de pouvoirs d'en démontrer l'existence, et ce par tout moyen.
Toutefois, nous conseillons de régulariser une délégation de pouvoirs écrite.
4) L'effet de la délégation de pouvoirs : le transfert de la responsabilité pénale sur la tête du délégataire
La délégation de pouvoirs a pour objet de transférer la responsabilité pénale par rapport aux missions confiées au délégataire. Le délégataire sera donc responsable en lieu et place du délégant ; pour autant, elle n'exonère pas totalement le délégant car celui-ci pourra être poursuivi pour une faute personnelle distincte de celle commise par le délégataire.
En revanche, la responsabilité civile ne se transmet pas par le jeu de la délégation de pouvoirs. En sa qualité de commettant, le chef d'entreprise reste responsable sur le fondement de l'article 1384 alinéa 5 du Code civil.
5) La particularité de la délégation de pouvoirs au sein d'une SAS
Dans le cadre des SAS, se posait la question si la délégation de pouvoirs était possible. En effet, l'article L.225-6 du Code de commerce prévoyait que la société était représentée par un président.
La loi n°2003-706 du 1er août 2013 a étendu cette liste au directeur général ou au directeur général délégué. Seules ces trois personnes pouvaient donc licencier un salarié de la société.
La position de la chambre sociale a assoupli ce système en sécurisant les délégations de pouvoirs au sein d'une SAS.
En effet, la Cour de cassation a reconnu au Directeur des Ressources Humaines, compte tenu de ses fonctions, le pouvoir d'engager une procédure et de prononcer une sanction disciplinaire (Cass. Soc. 15 décembre 2010, Cass. Soc. 6 mars 2012, n°10-24.367).
Frédéric CHHUM Avocat à la Cour
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