Le conseil de prud’hommes requalifie les 28 ans de CDDU en CDI. Il est intégré en CDI.
Le présentateur est débouté de sa demande de reconnaissance de journaliste professionnel.
Le présentateur a fait appel du jugement du conseil de prud’hommes de Paris.
l - RAPPEL DES FAITS
Monsieur X a été engagé à compter du 4 novembre 1996 en qualité de Présentateur, sous CDD d'usage à FRANCE TELEVISIONS.
FRANCE TÉLÉVISIONS fabrique, diffuse et vend des émissions de télévision et contrôle notamment FRANCE 2, FRANCE 3, FRANCE 4, FRANCE 5, FRANCE O et le réseau Outre-Mer 1er.
FRANCE TÉLÉVISIONS emploie 10.673 salariés.
Elle applique la Convention collective de l'audiovisuel public ainsi que l'accord d'entreprise France Télévisions du 28 mai 2013.
Le 11 mars 2024, Monsieur X demande son intégration en CDI au sein de FRANCE 3 Provence-Alpes-Côte d'Azur, après avoir appris le départ en retraite de l'une des deux Présentatrices du service Météo.
Le 18 juin 2024, Monsieur X, n'ayant pas obtenu de réponse de FRANCE TÉLÉVISIONS, saisit le Conseil de Prud'hommes de Paris.
Le 24 juillet 2024, Monsieur X met en demeure FRANCE TÉLÉVISIONS de lui fournir du travail. Suite à cette mise en demeure, FRANCE TELEVISIONS a continué à employer Monsieur X.
II. Motivation du jugement du conseil de prud’hommes de Paris du 7 janvier 2025
Le Conseil après en avoir délibéré statuant publiquement, par jugement contradictoire en premier ressort :
Requalifie la succession de CDD en CDI.
Juge que la requalification des CDD en CDI se fait sur la base d'un temps partiel à hauteur de 40%.
Juge que les fonctions de M. X ne relèvent pas du statut de journaliste.
Ordonne que le salaire soit fixé selon la classification du poste actuel requalifié en CDI.
Condamne la SA FRANCE TÉLÉVISIONS à payer à M. X les sommes suivantes :
-10 000,00 € à titre d'indemnité de requalification
-13 882,24 € à titre de rappel de prime d'ancienneté
-1 388,22 € à titre de congés payés afférents
-2 000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
II.1) Concernant la demande de Monsieur X d'attribution du statut de Journaliste
a) En droit
L'article L. 7111-3 du Code du travail prévoit que : «Est journaliste professionnel toute personne qui a pour activité principale, régulière et rétribuée, l'exercice de sa profession dans une ou plusieurs entreprises ale presse, publications quotidiennes et périodiques ou agence de presse et qui en tire le principal de ses ressources.»
En vertu des articles L.7111-3 alinéa 2, L.7111-4 et L.7111.-5 sont précisées les professions assimilées aux journalistes professionnels.
La Cour de cassation a donné une définition claire et précise du statut de journaliste : Cass. Soc. 28 mai 1986 - n° 83-41726 ; Cass. Soc. l " avril 1992 • n°88-42951.
Le métier de journaliste consiste à collecter des informations en toute indépendance et par ses propres moyens, vérifier lesdites informations et avoir une activité rédactionnelle et de mise en forme.
b) En l'espèce
Monsieur X a été embauché comme Présentateur météo, c'est-à-dire de « dire à l'antenne, après les avoir rédigés, des textes de présentation d'une émission (protocole 3 annexé à l'article T.1-2-2 de la convention collective) »
Monsieur X, Présentateur météo d'une chaîne régionale recueille les données qui lui ont été transmises par Météo France, qui a une convention pour la fourniture des informations météorologiques avec une cession des droits de diffusion avec FRANCE TELEVISIONS.
Monsieur X ne fournit aucun travail de collecte, de recherche et de vérification de l'information. Il ne rédige pas des articles d'actualité, d'information ou d'opinion mais procède à une transcription pédagogique des données techniques transmises par Météo France aux fins de présentation à l'antenne dans le cadre d'une émission de service.
Il n'apporte pas de contribution intellectuelle ou de création à la société FRANCE TELEVISIONS mais assure la présentation des données achetées par FRANCE TÉLÉVISIONS à une société spécialisée.
Monsieur X n'apporte aucune pièce pour que le statut de journaliste devrait lui être appliqué dès lors qu'il s'agit du statut appliqué aux Présentateurs du journal météo de FRANCE 2 ;
A noter que le contrat de travail et les bulletins de salaire de Madame Y, Présentatrice météo sur FRANCE 3, démontrent qu'elle ne bénéficie pas du statut de Journaliste mais bien d'un emploi d'Animatrice-Présentatrice.
En conséquence, Monsieur X, au vu des dispositions législatives et conventionnelles et les pièces rapportées au dossier, ne peut prétendre au statut de Journaliste.
II.2) Concernant la requalification des CDD d'usage de Monsieur X en CDI
a) En droit
L'article L.1242-1 du Code du travail précise que « Le contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l 'entreprise ».
La Cour de cassation, dans deux arrêts de principe du 23 janvier 2008 (n°06-43040 et n°06-44197) définit les conditions pour recourir au CDD d'usage. Il doit intervenir dans l'un des secteurs définis par décret ou par voie d'accord ou de convention collective étendue. Il doit être constaté l'existence, dans ce secteur, d'un usage permettant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée pour l’emploi considéré, l'appréciation souveraine relevant des juges de fond. Enfin le recours à l'utilisation de contrats successifs doit être justifié par des raisons objectives qui s'entendent de l'existence d'éléments concrets établissant Le caractère par nature temporaire de l'emploi.
b) En l'espèce
C'est à l'employeur qui incombe la charge de la preuve du motif pour lequel il recourt aux CDD.
FRANCE TELEVISIONS n'apporte aucun élément concret établissant le caractère par nature de l’emploi de Présentateur, au regard de son activité normale et permanente.
De nombreux échanges démontrent que Monsieur X était employé afin de pourvoir au remplacement des absences des présentatrices en CDI, ce qui invalide le recours aux CDD d'usage.
Par ailleurs depuis 27 ans, la durée et le volume de la collaboration de Monsieur X avec FRANCE TELEVISIONS démontrent que son emploi relève de l'activité normale et permanente de FRANCE TELEVISIONS.
Monsieur X a occupé, à travers ses 750 contrats à durée déterminée, un emploi permanent correspondant à l'activité normale de l'entreprise et répondant à un besoin structurel de celle-ci, aucun caractère par nature temporaire dudit emploi n'étant démontré par l'employeur, Monsieur X ayant exercé cette activité sur la base d'un temps partiel à hauteur de 40 % sur les années 2021, 2022 et 2023 attestée par l'employeur.
II.3) Concernant les conséquences de la requalification en CDI des CDD de Monsieur X
a) En droit
* Au titre de l'article L.1245-2 du Code du travail « Lorsque le Conseil de Prud'hommes est saisi d'une demande de requalification d'un contrat de travail à durée déterminée 'en contrat à durée indéterminée, l'affaire est directement portée devant le bureau de Jugement qui statue au fond dans un délai d'un mois suivant sa saisine lorsque le Conseil de Prud'hommes fait droit à la demande du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l'employeur, ne pouvait être inférieure à un mois de salaire. ».
b) En l'espèce
La durée importante, pendant laquelle Monsieur X a été employé dans une situation d'incertitude quant à son avenir professionnel et à sa source de revenus, lui a porté préjudice dans sa vie quotidienne, FRANCE TELEVISIONS ayant laissé son salarié dans cette situation en dépit de nombreuses condamnations rendues pour des faits identiques.
Monsieur X bénéficiera d'une indemnité de requalification dont le montant sera apprécié par le Conseil.
c) Concernant le rappel de prime d'ancienneté applicable au statut de journaliste
Le Conseil ayant débouté Monsieur X de sa demande de statut de journaliste, le déboutera en conséquence de ce rappel de prime d'ancienneté applicable au statut de journaliste.
d) A titre subsidiaire, sur le rappel de prime d'ancienneté conformément aux dispositions de l'accord collectif de FRANCE TELEVISIONS
d1) En droit
L'article l-4-2 du Livre 2 Titre 1 de l'accord collectif d'entreprise de FRANCE TÉLÉVISIONS du 28 mai 2013, prévoit urne prime d'ancienneté pour les salariés sous contrat à durée indéterminée « calculée en fonction de l'ancienneté dans l'entreprise, dans les conditions suivantes : 0,8 % du salaire minimal garanti du groupe de classification 6 (cadre 2) par année d'ancienneté entreprise jusqu'à 20 ans, puis 0,5 % par année de 21 à 36 années. ».
d2) En l'espèce
Monsieur X, en application de la prescription triennale peut prétendre à un rappel de prime d'ancienneté à compter du 30 mai 2021 au 30 mai 2024, ayant une ancienneté supérieure à 20 ans.
e) Concernant la demande de fixer le salaire de Monsieur X à 1.645,40 euros
Le Conseil n'a aucun élément fiable et vérifiable pour la fixation du salaire de Monsieur X.
Cela devrait être fixé selon la qualification du poste exercé par Monsieur X requalifié en contrat à durée indéterminée.
f) Concernant les autres demandes
FRANCE TÉLÉVISIONS devra, en conséquence des décisions prises par le Conseil, délivrer les bulletins de salaire et certificats y afférent sans astreinte.
FRANCE TÉLÉVISIONS versera les intérêts légaux à compter de la date de mise à disposition du jugement. Il n'y a pas de fondement réel à l'application de l'article 515 du Code de procédure civile pour les indemnités de dommages et intérêts, le motif invoqué par Monsieur X, de la durée des procédures devant le Conseil de Prud'hommes de Paris, étant infondé. L'application de l'articleR.1454-28 du Code du travail sera retenue dans la limite de 9 mois.
Monsieur X ayant été contraint de saisir la justice pour faire reconnaître ses droits et exposer des frais irrépétibles, il est recevable en sa demande au présent dispositif de l'article 700 du Code de procédure civile et des dépens éventuels.
Frédéric CHHUM avocat et ancien membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)
CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille)
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