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CDDU et radio : requalification des CDDU en CDI à temps plein et licenciement sans cause d’un chef monteur de la RAI (CPH Paris dép. 3/03/2023, déf)

Publié le 16/04/2023 Vu 1 115 fois 0
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Dans un jugement de départage du 3 mars 2023, le conseil de prud’hommes de Paris (départage) requalifie les 11 ans de CDDU en CDI à temps complet et la rupture est jugée sans cause réelle et sérieuse.

Dans un jugement de départage du 3 mars 2023, le conseil de prud’hommes de Paris (départage) requalifie le

CDDU et radio : requalification des CDDU en CDI à temps plein et licenciement sans cause d’un chef monteur de la RAI (CPH Paris dép. 3/03/2023, déf)

Le salarié, intermittent du spectacle, chef monteur, obtient un rappel de salaire pendant les périodes intercalaires / interstitielles.

Au total, il obtient 50224 euros bruts.

Le jugement est définitif, les parties n’ayant pas interjeté appel.

1)      EXPOSE DU LITIGE

Monsieur X a été engagé par la société Radiotelevisione Italiana (ci-après la RAI) par contrats à durée déterminée d’usage du 4 octobre 2008 au 10 mai 2019, en qualité de chef monteur.

La relation de travail était régie par la convention collective de la production audiovisuelle.

Monsieur X a saisi le conseil de prud’hommes pour solliciter la requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein, des rappels de salaire et des indemnités de rupture.

Lors de l’audience de départage, monsieur X a contesté la validité des contrats à durée déterminée conclus pendant plus de dix ans et soutenu qu’il occupait au sein de l’entreprise un emploi lié à son activité normale et permanente. Il a sollicité la requalification des relations contractuelles en contrat à durée indéterminée à compter du 4 octobre 2008 et que la rupture du contrat de travail soit jugée sans cause réelle et sérieuse. Ses demandes sont précisées ci-dessus.

En défense, la RAI a soutenu que les contrats à durée déterminée d’usage étaient valables. Elle fait a fait valoir le caractère intermittent de l’activité de monsieur X. Subsidiairement, la RAI a sollicité la réduction des sommes sollicitées par le requérant.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées par les parties à l’audience de départage du 3 janvier 2023 pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

2) MOTIFS DE LA DECISION du conseil de prud’hommes de Paris du 3 mars 2023 (définitif)

Le conseil présidé par le juge départiteur statuant seul en l’absence de tout conseiller, publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, rendu par mise à disposition au greffe :

. REQUALIFIE la relation de travail en contrat à durée indéterminée à temps plein depuis le 4 octobre 2008 ;

. DIT que la rupture du contrat de travail le 10 mai 2019 constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

FIXE le salaire de référence de monsieur X à la somme de 2.367,63 euros ;

CONDAMNE la société Radiotelevisione Italiana à payer à monsieur X les sommes de :

-          15.120,35 euros à titre de rappel de salaire,

-          1.512,03 euros au titre des congés payés y afférents,

-          5.000 euros à titre d’indemnité de requalification,

-          4.735,26 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

-          473,52 euros au titre des congés payés y afférents,

-          6.384,70 euros au titre de l’indemnité de licenciement,

-          15.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-          2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile :

DIT que les condamnations à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la réceptionp par l’employeur de la convocation en bureau de conciliation et celles à caractère indemnitaire, à compter de la présente décision ;

ORDONNE la remise à monsieur X d’un certificat de travail et d’une attestation Pôle Emploi conformes au présent jugement ;

ORDONNE l’exécution provisoire ;

DEBOUTE la société Radiotelevisione Italiana de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Radiotelevisione Italiana aux entiers dépens.

2.1) Sur la demande de requalification du contrat de travail

Conformément à l’article L1242-1 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée quel que soit son motif, ne peut avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

Aux termes de l’article L1242-2 du code du travail, un tel contrat ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire et notamment pour remplacer un salarié absent, pour un accroissement temporaire d’activité de l’entreprise ou dans le cadre d’emploi à caractère saisonnier ou dans les secteurs d’activité définis par décret, par convention ou par accord collectif de travail étendu où il est d’usage de ne pas recourir aux contrats à durée indéterminée.

En l’espèce la RAI ne justifie ni de l’existence d’un usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée s’agissant du poste de chef monteur, ni du caractère par nature temporaire de l’emploi en cause.

Monsieur X a d’ailleurs exercé des fonctions de même nature pendant près de onze ans dans le cadre de multiples contrats de travail à durée déterminée.

La succession de ces contrats ainsi que leur globale conduisent à considérer que ceux-ci ont eu pour effet de pourvoir durablement un emploi à temps plein lié à l’activité normale et permanente de la RAI.

Par conséquent, il convient de requalifier les contrats de travail à durée déterminée conclus entre les parties à compter du 4 octobre 2008 en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein.

2.2) Sur la demande de rappel de salaire

Le salarié engagé par plusieurs contrats à durée déterminée non successifs et dont le contrat de travail est requalifié en un contrat à durée indéterminée ne peut prétendre un rappel de salaire au titre des périodes non travaillées séparant chaque contrat, dites périodes interstitielles, que s’il a été contraint de se tenir à la disposition de l’employeur pendant ces périodes pour effectuer un travail.

En l’espèce, il résulte des contrats de travail et des bulletins de salaire produits aux débats que monsieur X, engagé pour 2 à 15 jours de travail à temps plein chaque mois sur les trois dernières années, mais pas nécessairement pour les mêmes périodes du mois, ne pouvait pas prévoir les jours pendant lesquels il serait libre d’exercer une autre activité professionnelle.

Par ailleurs, il ressort des avis d’imposition de monsieur X pour les années 2016 à 2018 qu’il tirait la totalité de ses revenus professionnels de son activité de chef monteur pour la RAI, ces revenus étant complétés par les allocations perçues du Pôle Emploi pendant les périodes d’inactivité.

Dans ces conditions, le conseil juge que monsieur X se tenait à la disposition de son employeur pendant les périodes interstitielles.

Il est donc bien fondé à solliciter un rappel de salaire pour la période non prescrite du 1er septembre 2016 au 10 mai 2019 étant précisé que contrairement à ce que soutient la RAI, il n’y a pas lieu de tenir compte du fait que, pendant les intervalles entre deux CDD, le salarié percevait des allocations chômage.

Toutefois, ainsi que le soutient à juste titre l’employeur, il convient de retenir, au titre du salaire de référence, la somme de 2.367,63 euros qui correspond au salaire d’un chef monteur en contrat à durée indéterminée à temps plein en application de l’avenant du n°9 du 7 juillet 2017 de la convention collective de la production audiovisuelle.

Il n’est pas contesté que monsieur X a perçu la somme totale de 61.407 euros à titre de salaires bruts sur la période précitée, alors qu’au regard du salaire de référence, il aurait dû percevoir la somme totale de 76.527,91 euros. Il lui est donc dû la somme de 15.120.35 euros à titre de rappel de salaire, outre celle de 1.512,03 euros au titre des congés payés afférents.

2.3) Sur la demande d’indemnité de requalification

Aux termes de l’article L1245-2 du code du travail, si le juge fait droit à la demande du salarié tendant à la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, il doit lui accorder une indemnité correspondant au minimum à un mois de salaire.

En l’espèce, compte-tenu de la durée des relations contractuelles – près de onze ans – et de ses nécessaires implications sur la vie du salarié, maintenu par l’employeur dans une situation de précarité, il convient de fixer cette indemnité à la somme de 5.000 euros.

2.4) Sur les demandes au titre de la rupture du contrat de travail

2.4.1) Sur la qualification de la rupture

La relation de travail entre l’employeur et la salariée s’est achevée le 10 mai 2019 à l’expiration du dernier contrat à durée déterminée ainsi que le mentionne le dernier bulletin de salaire remis à monsieur X.

Compte tenu de la requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée et à défaut de justification par l’employeur d’une lettre de démission du salarié, la rupture du contrat s’analyse en un licenciement.

En l’absence de respect par l’employeur des dispositions des articles L1232-2 et suivants du code du travail, le licenciement est nécessairement dépourvu de cause réelle et sérieuse et ouvre droit pour le requérant aux indemnités de rupture.

2.4.2) Sur les conséquences financières

Monsieur X est bien fondé à solliciter :

-          Une indemnité compensatrice de préavis de 4.735,26 euros en application de l’article L1234-1 du code du travail, outre les congés payés afférents de 473,52 euros,

-          Une indemnité de licenciement de 6.384,70 euros en application des articles L1234-9 et R1234-2 du code du travail

En outre, en application de l’article L1235-3 du code du travail dont le contenu a été validé par la Cour de cassation par arrêt du 11 mai 2022, il est fondé à solliciter une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre 3 et 10 mois de salaire brut compte tenu de son ancienneté de 10 ans au sein de la RAI.

Monsieur X était âgé de 60 ans lors de la rupture du contrat de travail.

Il ne justifie pas de sa situation professionnelle et financière depuis lors.

Compte tenu de ces éléments, il convient d’allouer au requérant la somme de 15.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

2.4.3) Sur la demande de remise des documents de fin de contrat

L’article R1234-9 du code du travail dispose que l’employeur délivre au salarié, au moment de l’expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications qui lui permettent d’exercer ses droits aux prestations mentionnées à l’article L5421-2 et transmet sans délai ces mêmes attestations à Pôle emploi.

En l’espèce, il convient de faire droit à la demande de remise d’un certificat de travail et d’une attestation Pôle emploi conformes au présent jugement.

L’astreinte n’apparaissant pas justifiée, elle ne sera pas ordonnée.

2.4.4) Sur les intérêts

Conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les condamnations à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation en bureau de conciliation.

2.4.5) Sur les demandes accessoires

L’exécution provisoire est compatible avec la nature de l’affaire, qui est ancienne, de sorte qu’il y a lieu de la prononcer.

Enfin, l’équité commande de condamner la RAI, sur le fondement de l’article 700  du code de procédure civile, à payer à monsieur X somme de 2.000 euros.

La société défenderesse sera corrélativement déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile et condamnée aux dépens.

 

Frédéric CHHUM avocat et ancien membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)

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Candidat au bâtonnat de Paris 2024 https://www.chhum-maran-batonnat2024.paris/

 

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A propos de l'auteur
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Maître Frédéric CHHUM est membre du conseil de l'ordre des avocats de Paris (2019-2021). Il possède un bureau secondaire à Nantes et à Lille.

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