1) Faits
Un salarié engagé à compter du 4 juin 2012 en qualité de directeur investissement dans une banque publique d’investissement, a été licencié le 6 juillet 2015 en raison d’une violation faite à une règle d’éthique stipulée par l’employeur concernant les transactions personnelles.
Or, cette règle de déontologie n’a pas entrainé la modification du règlement intérieur, ce qui impliquait par conséquent, un doute quant à son opposabilité.
En effet, le règlement intérieur tel que modifié par l’annexion du code de déontologie n’a été déposé que le 1er juillet 2015 au conseil de prud’hommes, et était applicable seulement à compter du 1er aout 2015, soit après le prononcé du licenciement.
C’est pourquoi le salarié a saisi la juridiction prud’homale pour contester son licenciement.
Par un arrêt du 25 septembre 2019, la cour d’appel de Paris a jugé que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse dès lors que le code de déontologie, sur lequel s’est fondée la décision de l’employeur, reprend les mêmes règles de forme, de dépôt et de publicité du règlement intérieur sans qu’il soit besoin de le modifier par une annexion.
Le salarié s’est pourvu en cassation sur le fondement des articles L. 1321-1 et L.1321-5 du code du travail.
2) Moyen du pourvoi
Le salarié fait grief à l’arrêt de la cour d’appel d’avoir ainsi statué et de juger à cet effet que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse.
Le salarié soutient qu’un code de déontologie, ou bien plus exactement, un ensemble de règles éthiques destinées à gouverner la conduite des salariés et susceptibles d’être sanctionnées par l’employeur, doit nécessairement être intégré au règlement intérieur de l’entreprise par le biais d’une modification formelle. A l’inverse, selon le salarié, cet ensemble de règles déontologiques ne peut pas être applicable à l’encontre des salariés, s’il ne se contente seulement de respecter les mêmes règles de forme, dépôt et de publicité que le règlement intérieur.
3) Un code de déontologie est-il opposable aux salariés lorsqu’il a fait l’objet des formalités de dépôt et de publicité prévus par les textes pour le règlement intérieur, sans que ce dernier n’ait été modifié par l’insertion d’une annexion ? Oui, répond la Cour de cassation.
La Cour de cassation répond par l’affirmative et rejette ainsi le pourvoi formé par le salarié.
Au visa de l’article L. 1321-5 du code du travail qui dispose que « les notes de service ou tout autre document comportant des obligations générales et permanentes dans les matières mentionnées aux articles L1321-1 et L1321-2 sont, lorsqu’il existe un règlement intérieur, considérées comme des adjonctions à celui-ci. Ils sont, en toute hypothèse, soumis aux dispositions du présent titre », la Cour de cassation affirme que les documents comportant des obligations générales et permanentes, lorsqu’ils ont été soumis à l’avis des institutions représentatives du personnel, ensuite transmis à l’inspecteur du travail et ont fait l’objet des formalités de dépôt et de publicité prévus par les textes concernant le règlement intérieur, constituent alors une adjonction à celui-ci et sont ainsi opposables aux salariés.
Dit autrement, la Cour de cassation admet qu’un code de déontologie produise ses effets à l’égard des salariés, dès lors que les formalités de son dépôt et de sa publicité obéissent aux mêmes conditions que le règlement intérieur.
Dans cette mesure, l’adjonction du code de déontologie au règlement intérieur est de droit.
En l’espèce, le code de déontologie avait bien été soumis au comité d’entreprise pour avis et ensuite au CHSCT pour enfin être transmis à l’inspecteur du travail le 30 juillet 2014, donc avant le prononcé de la sanction à l’encontre du salarié.
C’est pourquoi finalement, le licenciement du salarié est fondé sur une cause réelle et sérieuse, car le code de déontologie lui était opposable.
Cet arrêt du 5 mai 2021 de la Cour de cassation constitue un arrêt de principe en ce qu’il assouplit la procédure de modification du règlement intérieur.
En effet, le règlement intérieur qui fixe les règles en matière d’hygiène, sécurité et discipline, ne peut être formellement modifié que par l’annexion d’un document déposé au greffe du conseil de prud’hommes, après avis du CSE et transmission à l’inspecteur du travail, conformément à l’article L.1321-4 du code du travail.
Désormais, bien qu’un code de déontologie existe antérieurement aux faits reprochés à un salarié, sans avoir été formellement annexé au règlement intérieur, il n’en est pas moins opposable s’il a suivi parallèlement la même procédure de publicité.
Par ce faire, la Cour de cassation permet donc aux employeurs un champ plus large d’action en consacrant une portée plus importante accordée aux diverses adjonctions. Les salariés doivent donc se montrer plus vigilants quant aux notes de services qui sont édictées par l’employeur.
Sources :
· C. cass. 5 mai 2021, n°19-25.699
Frédéric CHHUM avocat et membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)
Sarah Bouschbacher juriste
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