1) La signature postérieure d’une rupture conventionnelle vaut renonciation commune au licenciement antérieur
En l’espèce, le licenciement d’un salarié pour faute lui était notifié le 9 janvier 2009 avec dispense d’exécution de préavis. Un mois, plus tard une rupture conventionnelle le 10 février 2009 était conclue entre les protagonistes fixant la fin des relations contractuelles le 10 avril 2009.
Il était prévu au contrat de travail du salarié une clause de non-concurrence, dont le salarié pouvait être libéré au plus tard dans la lettre de notification du licenciement ou le jour même de la réception de la démission
Or, l’employeur a libéré le salarié de sa clause de non-concurrence, le 8 avril 2009 seulement, soit deux jours avant le terme du contrat de travail fixé par la convention de rupture.
Estimant que la levée de la clause de non-concurrence aurait dû lui être notifiée dans sa lettre de licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud’homale afin de demander le paiement de la contrepartie financière de sa clause.
Si le Conseil de prud’hommes a fait droit aux demandes du salarié, la Cour d’appel de Colmar a infirmé le jugement du Conseil de prud’hommes en considérant que « en signant cette convention, les deux parties ont nécessairement renoncé aux effets de la lettre de licenciement et ont réglé par la même les effets de la rupture de leur relation, notamment le terme du contrat qu’elles ont fixé à la date du 10 avril 2009 ».
La Cour de cassation confirme le jugement de la Cour d’appel de Colmar aux motifs que :
« Mais attendu, d'abord, que lorsque le contrat de travail a été rompu par l'exercice par l'une ou l'autre des parties de son droit de résiliation unilatérale, la signature postérieure d'une rupture conventionnelle vaut renonciation commune à la rupture précédemment intervenue ; […]
Et attendu qu'ayant retenu à bon droit qu'en signant une rupture conventionnelle, les parties avaient d'un commun accord renoncé au licenciement précédemment notifié par l'employeur, la cour d'appel, qui a relevé que la date de la rupture du contrat avait été fixée par la convention de rupture au 10 avril 2009 et que l'employeur avait libéré le salarié de son obligation de non-concurrence le 8 avril 2009, a, par ces seuls motifs et sans être tenue de procéder à une recherche que ses énonciations rendaient inopérante, légalement justifié sa décision ; »
En l’espèce, dès lors que l’employeur n’avait pas levé la clause de non-concurrence lors du licenciement, en signant une rupture conventionnelle déterminant une date de rupture plus éloignée, il gagnait du temps supplémentaire et pouvait ainsi lever la clause de non-concurrence ultérieurement.
2) Un même contrat peut être rompu deux fois et l’accord de volonté prime sur la décision unilatérale (licenciement) de rupture du contrat de travail
Aux termes de cette décision, la Cour de cassation estime implicitement qu’un même contrat de travail puisse être rompu deux fois (conformément à l’adage, « rupture sur rupture ne vaut »).
En effet, elle considère que seule la deuxième rupture, opérée en l’espèce par la rupture conventionnelle, produit ses effets, tandis que le licenciement est purement et simplement annulé !
Ce faisant, la Cour de cassation passe outre la règle jurisprudentielle, selon laquelle en cas de succession de rupture, « rupture sur rupture ne vaut », seule la première rupture doit être prise en compte puisqu’en toute logique, un même contrat ne peut être rompu deux fois.
Cette décision est donc bien surprenante puisqu’elle reconnaît les effets d’une rupture d’un contrat qui n’existe plus.
Surtout, la Cour de cassation précise que la rupture conventionnelle vaut renonciation commune au licenciement antérieur.
En d’autres termes, désormais, en cas de rupture conventionnelle postérieure à un licenciement, le salarié ne peut plus contester son licenciement puisque la Cour de cassation indique « Mais attendu, d'abord, que lorsque le contrat de travail a été rompu par l'exercice par l'une ou l'autre des parties de son droit de résiliation unilatérale, la signature postérieure d'une rupture conventionnelle vaut renonciation commune à la rupture précédemment intervenue; »
Or, cela est préjudiciable au salarié, puisque la Cour de cassation a considérablement restreint les motifs d’annulation de la rupture conventionnelle, n’admettant que la preuve du vice du consentement ou de la violence. (Cass, soc, 29 janvier 2014, n° 12-25.951, 12-24.539, 12-27.594).
En outre, la rupture conventionnelle, dans une telle configuration, endosse le rôle d’une transaction.
Ici encore, cette décision est défavorable au salarié puisqu’en cas de rupture conventionnelle, seule l’indemnité légale de licenciement est obligatoirement due. Tandis que dans l’hypothèse d’une transaction, cette dernière soumise à l’exigence de concessions réciproques entre les parties, à défaut la transaction peut être annulée et le licenciement contesté devant la juridiction prud’homale.
La justification de cette décision semble reposer sur le postulat de la Cour de cassation que l’accord des volontés entre l’employeur et le salarié sur la rupture doit primer sur une décision unilatérale.
Aussi, la Cour de cassation fait prévaloir la liberté du consentement du salarié et à l’autonomie de sa volonté face à son employeur.
Elle semble ainsi ignorer la faible marge de manœuvre dont pourrait disposer un salarié dans l’hypothèse où ce dernier serait licencié pour faute grave avec mise à pied conservatoire.
En effet, dans une telle situation, le salarié pourrait se précipiter sur une rupture conventionnelle afin d’obtenir au moins l’indemnité légale de licenciement dont il est privé en cas de licenciement pour faute grave.
En conclusion, les salariés n’ont pas intérêt à conclure une rupture conventionnelle suite à un licenciement car la rupture conventionnelle « absorbera » le licenciement et le salarié ne pourra plus contester le licenciement.
Frédéric CHHUM Avocat à la Cour
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