Le Directeur de nuit obtient 52 255,03 euros bruts devant le conseil de prud’hommes de Paris.
La société a interjeté appel du jugement.
1) Rappel des faits
La société par action simplifiée (ci-après « SAS ») FECIT exploite l’Hôtel Napoléon, hôtel de luxe 5 étoiles, situé à Paris dans le 8ème arrondissement.
Monsieur X a été embauché par la société FECIT à compter du 17 septembre 2001 par contrat écrit à durée indéterminée à temps complet en qualité de concierge.
Le 1er octobre 2007, Monsieur X a été promu au poste de directeur de nuit, statut cadre, et percevait en dernier lieu une rémunération mensuelle brute de 2 642,40 euros et différentes primes.
Monsieur X a été promu de concierge réceptionniste à directeur de nuit en raison de la qualité de son travail.
Au cours de ses 17 ans de collaboration avec l’Hôtel Napoléon, Monsieur X a toujours donné satisfaction dans son travail.
La moyenne des douze derniers mois de salaire était de 4 022,57 euros.
La relation de travail était soumise à la Convention Collective Nationale des Hôtels, Cafés et Restaurants.
Monsieur X travaillait suivant un roulement de deux semaines, du dimanche au mardi, puis du dimanche au mercredi, de 20 heures à 8 heures du matin.
Monsieur X n’aurait pas été en mesure de prendre ses temps de pause car il était seul à la réception de l’hôtel avec seulement un bagagiste de nuit.
Les deux emplois étant non-interchangeables, Monsieur X devait se tenir à la disposition des clients de l’hôtel de 20 heures à 8 heures en cas d’éventuelles arrivées ou demandes.
Néanmoins, Monsieur X a essayé de prendre des temps de pause, tout en se tenant à la disposition des clients de l’hôtel.
Le 26 septembre 2018, Monsieur X a pris connaissance du nom du bagagiste de cette nuit et aurait alerté sa direction sur le traitement médical dont faisait l’objet le bagagiste qui entrainerait de profonds endormissements.
La direction aurait indiqué qu’elle n’avait pas d’autre choix car elle aurait été en sous-effectif.
Dans la nuit du 26 au 27 septembre 2018, alors que Monsieur X était en pause, le bagagiste de nuit s’est assoupi et un individu s’est introduit au sein de l’hôtel, a fracturé la caisse de l’établissement et a dérobé la somme de 3 000 euros.
Lors de l’effraction, Monsieur X était en pause et n’avait pas entendu d’individu s’introduire dans l’hôtel lorsque le bagagiste s’est assoupi dans le hall de l’hôtel.
La fermeture des portes incombait au responsable de la restauration du soir, celui-ci avait noté sur un document qu’il avait procédé à la fermeture de la porte façade et de la terrasse avant son départ.
Le 28 septembre 2018, Monsieur X a été licencié pour faute grave pour des manquements réitérés à ses obligations contractuelles, manque de loyauté et mise en danger de la sécurité de l’établissement, des clients et du personnel.
L’employeur, qui se fonde sur les vidéosurveillances, n’a pas respecté l’article 13 du Règlement Général sur la Protection des Données (ci-après « RGPD ») ce qui rend la preuve apportée par l’hôtel illicite.
Les caméras de vidéosurveillance sont situées au niveau de la réception et de l’entrée de l’hôtel, dans des lieux publics, aux fins d’assurer la sécurité des personnes et des biens.
Le 15 février 2019, Monsieur X a saisi le Conseil de prud’hommes de Paris pour requalifier son licenciement pour faute grave en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
2) Jugement du Conseil de prud’homme de Paris du 19 février 2021 (formation paritaire)
Par jugement du 19 février 2021, le Conseil de prud’hommes de Paris :
- Dit que la vidéo surveillance est une preuve illicite et que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ;
- Condamne la SAS FECIT exerçant sous l’enseigne Hôtel Napoléon à verser à Monsieur X les sommes suivantes :
o 2 717,52 euros à titre de rappel de salaire durant la mise à pied conservatoire ;
o 271,75 euros au titre des congés payés afférents ;
o 12 067,71 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
o 1 206,78 euros au titre des congés payés afférents ;
o 19 348,56 euros à titre d’indemnité légale de licenciement ;
o 3 250 euros à titre de rappel de prime de nuit ;
o 325 euros au titre des congés payés afférents ;
o 12 067,71 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
o 1 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
- Ordonne le remboursement des indemnités de chômage à Pôle Emploi à hauteur de 6 mois ;
Le directeur de nuit de l’Hôtel Napoléon a obtenu, au total, la somme de 52 255,03 euros.
La société a interjeté appel du jugement.
Le jugement n’est pas définitif.
2.1) Temps de pause et durée maximale du travail de nuit
L’article L.3121-16 du Code du travail dispose que « dès que le temps de travail quotidien atteint six heures, le salarié bénéficie d’un temps de pause d’une durée minimale de vingt minutes consécutives.
Monsieur X ne s’est jamais plaint de ne pas pouvoir prendre ses temps de pause en 17 ans d’ancienneté.
Monsieur X ne peut soutenir que son employeur lui interdisait la prise de pause puisque lui-même assure être en pause au moment de l’effraction.
Le Conseil conclue de l’ensemble des éléments, tels que développés par les parties, et des pièces fournies que les reproches de Monsieur X sont pas avérés.
2.2) Sur le harcèlement moral
Monsieur X soutient qu’il aurait subi des agissements de harcèlement moral en raison de l’interdiction de prendre des pauses entrainant le non-respect des dispositions de l’article L.3121-16 du Code du travail d’une part, et du dépassement de la durée maximale quotidienne d’autre part.
Le Conseil considère que les faits reprochés ne sont pas avérés.
Monsieur X est débouté de ses demandes au titre du harcèlement moral.
2.3) Sur la prime de nuit :
A compter de novembre 2016, Monsieur X a commencé à percevoir une prime de nuit.
Les salariés travaillant de nuit à l’Hôtel Napoléon, comme attesté par la déléguée syndicale, bénéficiaient d’une prime de nuit bien avant 2016.
En 2010, la déléguée syndicale témoigne avoir demandé à l’employeur d’attribuer la même prime de nuit ; l’employeur avait refusé.
Ni la loi, ni la convention collective ne prévoient de compensation financière du travail de nuit, néanmoins l’Hôtel Napoléon a mis en place une prime de nuit au bénéfice des salariés travaillant la nuit.
La prime n'étant pas discrétionnaire mais conditionnée par l’exécution d’un travail effectué la nuit, l'Hotel Napoléon ne justifie pas par des éléments objectifs et vérifiables la raison d'avoir écarté Monsieur X du versement de la prime de nuit dans le respect du principe d'égalité de traitement.
Le Conseil de prud’hommes de Paris condamne l’Hôtel Napoléon au versement de la prime de nuit dans la limite énoncée par l’article L.3245-1 du Code du travail :
- 3 250 euros au titre de rappel de prime de nuit d’octobre 2015 à octobre 2016 ;
- 325 euros au titre des congés payés afférents.
2.4) Le licenciement pour fautes graves du Directeur de Nuit est jugé sans cause réelle et sérieuse
2.4.1) Sur l’illicéité de la preuve constituée par la collecte d’information par la vidéosurveillance
L'article 3 du RGPD précise que lorsqu’il a l’intention d’effectuer un traitement ultérieur des données à caractère personnel pour une finalité autre que celle pour laquelle les données à caractère personnel ont été collectées, le responsable du traitement fournit au préalable à la personne concernée des informations au sujet de cette autre finalité et toute autre information pertinente.
L'Hôtel Napoléon a justifié l’installation des vidéosurveillances dans la finalité d’assurer la sécurité des biens et des personnes.
Ces outils sont légitimes pour assurer la sécurité des biens et des personnes, ils ne peuvent conduire à placer les salariés sous surveillance constante et permanente.
Le déploiement du dispositif de vidéosurveillance a porté atteinte aux droits de Monsieur X et à sa liberté sans que soit justifiée la proportionnalité à la finalité de protection des biens et personnes.
L'Hotel Napoléon a manqué à son obligation de veiller à l'adéquation, à la pertinence et au caractère non excessif des données.
En conséquence, le Conseil prononce l'illicéité de la preuve constituée par la collecte d'information par la vidéosurveillance et rejette l'argumentaire de l'employeur sur la preuve de la faute grave.
2.4.2) Sur l’absence l’éléments probants permettant de vérifier que les griefs reprochés au Directeur de nuit sont établis
Monsieur X a pris sa pause de 45 minutes à 4 heures 19 minutes et l’effraction est intervenue à 4 heures 51 minutes.
Monsieur X apporte la preuve par la pièce 19 que le responsable de la restauration a bien coché la case « fermeture de la porte façade et terrasse.
Monsieur X n’est pas responsable de l’oubli du responsable du restaurant qui n’a pas fermé la porte de la façade et de la terrasse alors qu’il a déclaré l’avoir fait.
Monsieur X a alerté des effets secondaires du traitement médicamenteux du bagagiste auprès de sa hiérarchie sur la vacation de nuit.
La Direction a décidé de maintenir le bagagiste sur la vacation de nuit.
Monsieur X a pris une pause à laquelle il avait droit.
Monsieur X, pendant sa pause, ne peut être responsable de l’endormissement du bagagiste.
Monsieur X a obligation de vigilance sur la sécurité de l’hôtel pendant la nuit et a attribution d’encadrer le personnel sous son autorité, néanmoins, Monsieur X, ne peut contrôler l’ensemble des tâches des salariés.
Le Conseil conclu de l'ensemble des éléments tels que développés par les parties et des pièces fournies que les griefs faits à Monsieur X ne sont pas établis.
Frédéric CHHUM avocat et membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)
Jeanne Péché juriste
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