Avocats et magistrats vont devoir s’approprier ces nouveaux textes.
En effet, la juridiction disciplinaire (ancien conseil de discipline) ne sera plus seulement composée d’avocats mais elle pourra, dans certains cas, être présidée par un magistrat du siège de la cour d'appel, en activité ou honoraire (art. 22-3 de la loi du 31 décembre 1971).
Symétriquement, deux avocats membres du conseil de l’ordre siègeront devant la Cour d’appel pour statuer sur les appels des décisions de la juridiction disciplinaire (art. 197 modifié du décret du 27 novembre 1991).
La réforme veut aussi donner plus de droit à la partie plaignante : le plaignant pourra saisir le procureur général ou bien directement la juridiction disciplinaire, en l’absence de conciliation ou de poursuite disciplinaire après information des suites de la réclamation par le bâtonnier, tandis que les différends opposant les avocats restent soumis à l’arbitrage du bâtonnier, sa décision pouvant par la suite être déférée à la cour d’appel.
Le décret du 30 juin 2022 consacre une nouvelle peine complémentaire d’interdiction de conclure un nouveau contrat de collaboration avec un avocat ou un nouveau contrat de stage avec un élève-avocat, et d'encadrer un nouvel avocat collaborateur ou un nouvel élève-avocat, pour une durée maximale de trois ans et cinq ans en cas de récidive.
La juridiction disciplinaire pourra également prescrire à l'avocat poursuivi une formation complémentaire en déontologie.
Nous traiterons successivement :
- de la répartition des affaires et l’élection du président du conseil de discipline (1) ;
- des sanctions disciplinaires (art. 184 du décret du 27 novembre 1991) (2) ;
- de la procédure devant la juridiction disciplinaire (3).
1) Répartition des affaires et élection du président du conseil de discipline
1.1) Répartition des affaires entre les formations par le bâtonnier doyen (art. 181 du décret du 27 novembre 1991)
L’article 8 du décret n°2022-965 du 30 juin 2022 modifie l’article 181 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991.
Le décret du 30 juin 2022 modifie l’article 181 alinéa 2 du décret 27 novembre 1991 qui dispose désormais que « Le président du conseil de discipline, et, à Paris, le bâtonnier doyen, membre du conseil de l'ordre, et s'il est empêché, le plus ancien bâtonnier, membre du conseil de l'ordre, répartit les affaires entre les formations ».
Ce n’est plus le président des formations disciplinaires qui répartit les affaires mais le bâtonnier doyen, membre du conseil de l’ordre ou s’il est empêché, le plus ancien bâtonnier, membre du conseil de l'ordre.
1.2) Election du président du conseil de discipline (art. 182 du décret du 27 novembre 1991)
Aussi, le décret n° 2022-965 du 30 juin 2022 apporte une modification d’apparence mineure quant au mode d’élection du président du conseil de discipline.
Le conseil de discipline établit le règlement intérieur, fixe le nombre et la composition des formations et élit son président.
Il en informe le procureur général dans un délai de huit jours (art. 182 modifié du décret du 27 novembre 1991).
Cette modification quasi-orthographique souligne en fait l’importance accordée au président du conseil de discipline.
Ces dispositions s'appliquent aux procédures disciplinaires engagés et aux réclamations reçues postérieurement à la publication dudit décret (art. 28 décret du 30 juin 2022).
2) Les sanctions disciplinaires
2.1) Peines disciplinaires (art. 184 du décret du 27 novembre 1991)
L’article 10 du décret n°2022-965 du 30 juin 2022 modifie l’article 184 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991, qui porte sur la nature des sanctions disciplinaires applicables aux avocats.
En effet, tandis que la nature des peines est conservée, à savoir l’avertissement, le blâme, l’interdiction temporaire d’exercice ainsi que la radiation du tableau des avocats.
2.2) Une nouvelle peine complémentaire : interdiction temporaire, et ce quel que soit le mode d'exercice, de conclure un nouveau contrat de collaboration ou un nouveau contrat de stage avec un élève-avocat (art. 184 III 2° du décret du 27 novembre 1991)
Le décret du 30 juin 2022 crée une nouvelle peine complémentaire, à savoir l'interdiction temporaire, et ce quel que soit le mode d'exercice, de conclure un nouveau contrat de collaboration ou un nouveau contrat de stage avec un élève-avocat, et d'encadrer un nouveau collaborateur ou un nouvel élève-avocat, pour une durée maximale de trois ans, ou en cas de récidive une durée maximale de cinq ans (art 184 III 2° modifié du décret du 27 novembre 1991).
Cette peine complémentaire été réclamée et votée par l’AG du CNB le 4 février 2022. (Voir réforme de la discipline : pas de collaborateurs pour les avocats harceleurs gazette du palais 8 février 2022 https://www.gazette-du-palais.fr/actualites-professionnelles/reforme-de-la-iscipline-pas-de-collaborateurs-pour-les-avocats-harceleurs/)
Lors de sa séance du 1er février 2022, le conseil de l’ordre des avocats de Paris avait voté contre cette proposition.
2.3) Privation du droit de faire partie du conseil de l’ordre ou du CNB (art. 184 III 1° du décret du 27 novembre 1991)
Par ailleurs, subsistent également comme peines complémentaire « La privation du droit de faire partie du conseil de l'ordre, du Conseil national des barreaux, des autres organismes ou conseils professionnels ainsi que des fonctions de bâtonnier pendant une durée n'excédant pas dix ans ».
2.4) Publicité (art. 184 II du décret du 27 novembre 1991)
De plus, la juridiction disciplinaire peut, à titre de peine complémentaire ordonner la publicité du dispositif et de tout ou partie des motifs de sa décision, dans le respect de l'anonymat des tiers. La juridiction fixe les modalités de cette publicité, notamment sa durée (art 184 II modifié du décret du 27 novembre 1991).
2.5) Sursis possible pour l’interdiction temporaire d’exercice (art. 184 IV du décret du 27 novembre 1991)
En outre, L'interdiction temporaire d'exercice peut être assortie en tout ou partie du sursis pour son exécution. Le sursis ne s'étend pas aux peines complémentaires éventuelles (art 184 IV modifié du décret du 27 novembre 1991).
Une autre grande nouveauté que consacre le décret du 30 juin 2022 tient en l’insertion, d’une obligation de formation en déontologie.
2.6) L’obligation de formation complémentaire en déontologie (art. 184 V du décret du 27 novembre 1991)
C‘est une nouveauté introduite par le décret du 30 juin 2022.
La juridiction disciplinaire peut également prescrire à l'avocat poursuivi une formation complémentaire en déontologie dans le cadre de la formation continue, ne pouvant excéder 20 heures sur une période de deux ans maximum à compter du caractère définitif de la sanction prononcée » (art 184 V modifié du décret du 27 novembre 1991).
Tout comme, lorsque la juridiction disciplinaire retient l'existence d'une faute disciplinaire, elle peut ajourner le prononcé de la sanction en enjoignant à l'avocat poursuivi de cesser le comportement jugé fautif dans un délai n'excédant pas quatre mois (art 184 V nouveau du décret du 27 novembre 1991).
Encore une fois, ces dispositions s'appliquent aux procédures disciplinaires engagés et aux réclamations reçues postérieurement à la publication du décret du 30 juin 2022 (soit le 2 juillet 2022).
3) La procédure de la juridiction disciplinaire
La loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire attribue le statut de juridiction au conseil de discipline établi dans le ressort de chaque cour d’appel.
3.1) Le traitement des réclamations
3.1.1) Traitement et contenu des réclamations (art. 186-1 du décret du 27 novembre 1991)
L’article 11 du décret n°2022-965 du 30 juin 2022 insère un nouveau chapitre intitulé « chapitre II bis – Le traitement des réclamations » au décret n° 91-1197 du 27 novembre 2021.
Dès lors, le nouvel article 186-1 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 2021 vise à réglementer la forme et le contenu des réclamations formulées à l’encontre d’un avocat, pour e consacrer une nouvelle et vraie procédure offerte aux justiciables, afin, encore une fois, de renforcer, selon le législateur, la confiance dans l’institution judiciaire.
Toute réclamation formulée à l'encontre d'un avocat doit, au préalable, être adressée au bâtonnier.
Si elle émane d'une personne physique, la réclamation mentionne ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance.
Si elle émane d'une personne morale, la réclamation mentionne sa forme, sa dénomination, son siège social et l'organe qui la représente légalement.
Toute réclamation est datée et comporte les nom, prénoms et adresse de l'avocat mis en cause, et les faits à l'origine de la réclamation.
Elle est accompagnée de toute pièce utile à son examen. Elle porte la signature de son auteur.
Elle est adressée par tout moyen conférant date certaine à sa réception l'ordre (art 186-1 nouveau du décret du 27 novembre 1991).
3.1.2) Instruction des réclamations (art. 186-2 du décret du 27 novembre 1991)
Quant à l’instruction des réclamations, c’est le bâtonnier qui devra les accuser sans délai « en indiquant à son auteur qu’il sera informé des suites qui lui seront données », conformément au nouvel article 186-2 du décret du 27 novembre 1991.
Lorsqu'il estime qu'une réclamation est abusive ou manifestement mal fondée, le bâtonnier en informe sans délai son auteur en lui indiquant qu'il n'entend pas y donner suite.
Lorsqu'une réclamation n'entre pas dans le champ de l'alinéa précédent, le bâtonnier en informe l'avocat mis en cause et l'invite à présenter ses observations (art 186-2 nouveau du décret du 27 novembre 1991).
3.1.3) Conciliation (art. 186-3 du décret du 27 novembre 1991)
De même, le bâtonnier peut procéder à une conciliation entre les parties dans un délai de trois mois à compter de la réception de la réclamation formulée à l’encontre d’un avocat, selon le nouvel article 186-3, afin non seulement de faciliter le dialogue entre ces deux parties, mais aussi de désengorger la juridiction.
La conciliation se déroule selon les modalités fixées par le bâtonnier, sous l'autorité de ce dernier ou d'un avocat membre ou ancien membre du conseil de l'ordre, ou d'un avocat honoraire qu'il délègue. Le délégué du bâtonnier peut être un membre de la juridiction disciplinaire mais il ne peut siéger dans les affaires dans lesquelles il est intervenu au stade de la conciliation.
En cas de conciliation, un procès-verbal est établi. Le procès-verbal est signé par l'avocat mis en cause, l'auteur de la réclamation et le bâtonnier ou son délégué à la conciliation. Un exemplaire du procès-verbal est remis à chacun des signataires.
Dans le cas contraire, le bâtonnier ou son délégué atteste l'absence de conciliation.
Les constatations et les déclarations recueillies au cours de la conciliation ne peuvent être ni produites ni invoquées dans la suite de la procédure ni, en tout état de cause, dans une quelconque autre procédure (art 186-3 nouveau du décret du 27 novembre 1991).
3.1.4) Information sur les suites à donner à la réclamation (article 186-4 du décret du 27 novembre 1991)
Sauf signature du procès-verbal mentionné au cinquième alinéa de l'article 186-3, le bâtonnier informe par tout moyen l'auteur de la réclamation des suites qu'il entend donner à celle-ci.
Le cas échéant, il lui fait connaître les raisons pour lesquelles il n'entend pas engager une procédure disciplinaire.
Dans cette hypothèse, il précise que l'auteur de la réclamation dispose de la possibilité d'en saisir le procureur général de la cour d'appel ou de saisir directement la juridiction disciplinaire (art 186-4 nouveau du décret du 27 novembre 1991).
3.2) L’enquête déontologique (article 187 modifié du décret du 27 novembre 1991)
Le bâtonnier peut, soit de sa propre initiative, soit à la demande du procureur général, soit sur la plainte de toute personne intéressée, procéder à une enquête sur le comportement d’un avocat de son barreau.
Il peut désigner à cette fin, parmi les membres ou anciens membres du conseil de l'ordre, un ou plusieurs délégués qui établissent un rapport et le transmettent au bâtonnier. Lorsqu'il décide de ne pas procéder à une enquête, il en avise sans délai et par tout moyen l'auteur de la demande ou de la plainte.
Au vu des éléments recueillis au cours de l'enquête déontologique, le bâtonnier décide s'il y a lieu d'exercer l'action disciplinaire.
Il avise de sa décision sans délai et par tout moyen le procureur général et, le cas échéant, le plaignant.
Lorsque l'enquête a été demandée par le procureur général, le bâtonnier lui communique le rapport.
Le bâtonnier le plus ancien dans l'ordre du tableau, membre du conseil de l'ordre ou, à défaut, le membre du conseil de l'ordre le plus ancien dans l'ordre du tableau, met en oeuvre les dispositions du présent article lorsque des informations portées à sa connaissance mettent en cause le bâtonnier en exercice.
Sources :
Loi 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques
https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/LEGITEXT000006068396/
Décret n° 2022-965 du 30 juin 2022 modifiant le décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocathttps://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000045997070
Décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000356568/
Loi n°2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire Loi n°2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire
Dossier législatif de la loi n°2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire
https://www.legifrance.gouv.fr/dossierlegislatif/JORFDOLE000043370376/
Discipline des avocats : ce qui change à partir du 1er juillet 2022 avec la loi du 22 décembre 2021
Discipline des avocats : ce qui change à compter du 1er juillet 2022 https://www.village-justice.com/articles/discipline-des-avocats-qui-change-partir-1er-juillet-2022-avec-loi-decembre,42638.html
Article Discipline des avocats: que prévoit le projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire? Frédéric Chhum, Avocat et Sarah Bouschbacher, Juriste https://www.village-justice.com/articles/discipline-des-avocats-que-prevoit-projet-loi-pour-confiance-dans-institution,39332.html
Frédéric CHHUM avocat et ancien membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)
Sarah BOUSCHBACHER M1 Propriété intellectuelle et industrielle Paris 2 Assas
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