1) Rappel des faits
Monsieur X a été engagé par RTL, sous contrats à durée déterminée de remplacement successifs, à compter du 7 septembre 2009, en qualité de Technicien Exploitation – coefficient 255, statut agent de maîtrise.
Monsieur X a également été employé ponctuellement en CDD pour accroissement temporaire d’activité et en CDD d’usage, par 398 contrats à durée déterminée.
Il a également été employé ponctuellement pour accroissement d’activité et dans le cadre de contrats à durée déterminée d’usage. Le salarié ayant été informé de la « suspension » de sa collaboration le 14 octobre 2015, il a saisi la juridiction prud’homale des demandes rappelées ci-dessus.
2) Le jugement du Conseil des Prud’hommes du 7 mars 2018 (Départage)
2.1) Sur la demande de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée
indéterminée
L’employeur soutient que les motifs de recours au contrat à durée déterminée sont justifiés et produit une liste d’exemples, comme le surcroît d’activité lié à la production d’émissions spéciales, aux délocalisations, aux présidentielles, au sport.
Cependant le salarié produit un tableau récapitulatif des 398 contrats, dont 362 de remplacement, 22 pour accroissement temporaire d’activité et d’usage pendant six ans. La durée de la relation contractuelle et le nombre de contrats successifs démontrent qu’il ne s’agir d’un emploi temporaire mais d’un emploi permanent au sein de l’entreprise.
Il en résulte que ce constat à lui seul permet de considérer comme illicite le recours au contrat à durée déterminée par l’employeur sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres griefs tirés de la transmission de nombreux contrats dans un délai supérieur à deux jours, de l’absence de précision sur certains contrats du nom et de la qualité du salarié remplacé ou encore de la conclusion de contrats pour remplacer plusieurs salariés.
La demande de requalification sera donc accueillie. Il sera alloué au salarié une indemnité de requalification de 3.000 euros.
2.2) Sur la demande de requalification en contrat à durée indéterminée à temps plein
Le salarié soutient qu’il n’a jamais refusé une date de travail, que RTLétait son employeur principal et prioritaire, qu’il en tirait l’essentiel de ses revenus, que son activité secondaire d’auto entrepreneur était ponctuelle ; qu’il aménageait souvent son emploi du temps pour répondre aux sollicitations ; qu’il pouvait être appelé par téléphone, peu de temps avant sa prise de fonction ; que la durée du travail pouvait varier d’un mois sur l’autre.
Cependant, le nombre de jours non travaillés pour RTL est supérieur aux congés légaux : 201 jours non travaillés en 2011, 224 en 2012, 241 en 2013, 248 en 2014 et 202 en 2015.
Le salarié n’établit donc pas qu’il était à la disposition permanente de son employeur. Les demandes de rappel au titre du temps plein ou des périodes interstitielles seront donc rejetées.
2.3)Sur la prescription
Les dispositions du code du travail s’appliquent aux prescriptions en cours à la date de promulgation de la loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
En l’espèce la juridiction prud’homale a été saisie le 21 octobre 2015, postérieurement à la loi du 14 juin 2013, qui réduit à trois ans la durée de la prescription. La prescription en cours au 16 juin 2013, date de promulgation de la loi précitée, était de cinq ans.
Il en résulte que l’action engagée par la saisine de la juridiction a interrompu la prescription des actions procédant de l’exécution du contrat de travail, dans la limite de cinq ans et que cette prescription court à compter du 21 octobre 2015.
3) Sur les autres demandes indemnitaires
3.1) Sur les heures supplémentaires
Le salarié produit un tableau précis d’heures effectuées au-delà de la durée prévue dans les contrats, auquel l’employeur peut répondre.
Celui-ci répond que le tableau ne correspond pas à la durée réelle du travail effectif, mais qu’il correspond à un temps d’attente, appelé « vacation véhicule technique ». Cependant, il s’agissait d’un temps contraint, effectué dans les locaux de la radio, où le salarié se tenait à la disposition de la rédaction pour une intervention. Ilne pouvait pas vaquer librement à ses occupations pendant cette durée.
Il sera donc alloué au salarié 703 euros au titre des heures supplémentaires, outre les congés payés afférents.
Ce temps supplémentaire est indemnisé par l’allocation de cette somme qui comprend les majorations prévues par l’article L3121-22 du Code du travail. Faute de démontrer un préjudice spécifique, il n’y a pas lieu d’accueillir la demande d’indemnités pour non-respect de la durée légale du travail.
3.2) Sur le travail dissimulé
Le salarié soutient que le travail dissimulé est caractérisé par la non déclaration d’heures supplémentaires. Cependant, au regard du faible nombre d’heures effectuées à ce titre, l’intention frauduleuse n’est pas constituée.
3.3) Sur la prime de 13ème mois
L’article 8 de l’accordd’entreprise prévoit une prime de 13ème mois. Cette prime sera calculée sur la base de la rémunération conventionnellement prévue pour les techniciens d’exploitation de même ancienneté en calculant la prime pro rata temporis pour 2009, le salarié ayant été engagée en septembre.
Il lui sera donc alloué à ce titre la somme de 6.996,50 euros.
3.4) Sur la prime de vacances
L’article 11 de l’accord d’entreprise RTL prévoit une prime de vacances.
L’employeur soutient que la prime de vacances était intégrée dans le taux. Cependant, aucune ligne sur le bulletin de paie ne mentionne une telle prime. Il sera donc alloué au salarié la somme de 4.113 euros.
3.5) Sur la demande de rappel de prime d’ancienneté
L’accord d’entreprise prévoit une prime d’ancienneté. Cette demande n’est pas contestée par l’employeur. Elle sera calculée en référence aux primes versées aux salariés permanents, bénéficiant de coefficients comparables.
Il sera donc alloué au salarié la somme de 6.306 euros à ce titre, outre les congés payés afférents.
3.6) Sur l’indemnité de préavis
La société sera également condamnée à payer au salarié deux mois de salaire, soit 2.798 euros titre d’indemnité de préavis, outre les congés payés et le 13ème mois afférents.
3.7) Sur l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse
A la suite de la rupture de la rupture de la relation de travail, le salarié s’est trouvé dans une situation précaire. Il a justifié d’une baisse importante de ses revenus. Il avait six ans d’ancienneté au moment de cette rupture.
Il lui sera alloué en réparation une indemnité équivalente à huit mois de salaire, soit 10 000 euros.
3.8) Sur l’indemnité pour licenciement dans des conditions vexatoires : le salarié obtient 3000 euros
L’employeur soutient que le contrat à duréedéterminée prend fin au terme convenu, sans formalité ni explications.
Cependant, au terme de six ans de relations de travail et de 398 contrats à durée déterminée, le salarié a été informé, par téléphone, que la société « suspendant sa collaboration afin de former et de donner du travail à trois nouveaux collaborateurs arrivés dans l’entreprise ». En se rendant au siège de l’entreprise, il a constaté que son badge était désactivé au motif que les collaborateurs dont il n’est pas prévu de collaboration prochaine ne peuvent avoir de badge actif.
Le salarié est donc fondé à demander 3000 euros pour les conditions vexatoires dans lesquelles son employeur a mis fin à la relation de travail.
3.9) Sur l’exécution provisoire
Vu l’article 515 du code de procédure civile ;
L’exécution provisoire est compatible avec la nature du litige et justifiée par son ancienneté.
Elle sera ordonnée.
3.10) Sur les frais irrépétibles
Il est équitable de condamner la SOCIETE POUR L’EDITION RADIOPHONIQUE EDIRADIO au paiement de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles.
En conclusion, le Conseil des Prud’hommes octroye à l’intermittent du spectacle de RTL 45.143 euros répartis comme suit :
- 3.000 euros à titre de l’indemnité de requalification ;
- 6.306 euros au titre du rappel de primes d’ancienneté ;
- 630 euros au titre des congés payés afférents ;
- 6.996 euros au titre de la de 13ème mois ;
- 4.113 euros au titre de la prime de vacances ;
- 2.798 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ;
- 279 euros au titre des congés payés afférents
- 233 euros au titre du 13ème mois afférents ;
- 4.515 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement ;
- 10.000 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 3.000 euros au titre d’indemnité pour licenciement dans les conditions vexatoires ;
- 703 euros pour le rappel des heures supplémentaires ;
- 70 euros au titre des congés payés afférents ;
- 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Frédéric CHHUM, Avocats à la Cour (Paris et Nantes)
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