En 2007, il avait été recruté en contrat à durée déterminée pour assurer le remplacement d’un journaliste en congé maladie.
Son CDD a été renouvelé le 4 septembre 2010 puis le 28 mai 2010 dans l’attente de l’entrée en fonction du journaliste titulaire du poste, jusqu’en 2014.
Entre ces CDD successifs (2000-2010), le reporter photographe était payé à la pige.
1) Rappel des règles de droit pour les journalistes professionnels et pigistes
1.1) Une présomption de salariat des journalistes professionnels
Le contrat de travail est défini comme « la convention par laquelle une personne s’engage à mettre son activité à la disposition d’une autre sous la subordination de laquelle elle se place moyennant une rémunération » (Cass. soc., 22 juill. 1954).
L’article L. 7112-1 du Code du Travail prévoit une présomption de salariat pour les journalistes professionnels prévus par:
« Toute convention par laquelle une entreprise de presse s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail.
Cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties.».
La reconnaissance du statut de journaliste professionnel implique la réunion de quatre conditions (article L. 7111-3 du Code du travail) :
- L’exercice de la profession de journaliste
- L’exercice à titre principal de cette activité,
- L’exercice de cette profession doit procurer l’essentiel de ses ressources aux journalistes,
- L’exercice de la profession doit avoir lieu dans une ou plusieurs entreprises de presse, publications quotidiennes et périodiques ou agence de presse.
L’article L.7111-4 du Code du Travail assimile aux journalistes professionnels les collaborateurs directs de la rédaction comme les rédacteurs-réviseurs, les reporters-dessinateurs, reporters-photographes mais exclu toute collaboration occasionnelle (ce sont les journalistes assimilés).
1.2) Une rémunération à la «pige » pour les journalistes occasionnels
Les pigistes sont des journalistes non rémunérés de manière fixe et périodique, mais à la pige, c'est-à-dire par une rétribution accordée en proportion du nombre et de la qualité des articles qu'ils remettent à l'entreprise.
Les pigistes bénéficient de la présomption de contrat de travail, s'ils ont la qualité de journaliste professionnel dans les conditions fixées par l'article L 7111-3 du Code du travail.
Il est nécessaire qu’ils répondent aux quatre critères précédemment cités.
Dès lors, la simple qualité de journaliste pigiste ne permet pas de revendiquer le statut de journaliste professionnel bénéficiant comme tel de la présomption légale de salariat (Cass Soc 17 octobre 2012 n° 11-14.302).
2) Requalification d’un reporter photographe pigiste en journaliste permanent
En l’espèce, le reporter photographe plaidait la reconnaissance du recours frauduleux à la rémunération sous forme de pige.
Il sollicitait également sa titularisation et son intégration en qualité de journaliste permanent au sein de l’AFP.
Il fondait sa demande de titularisation et d’intégration en qualité de journaliste permanent sur le principe général d’égalité de traitement, en considérant qu’il exerçait sa profession dans les mêmes conditions que les salariés permanents et que son employeur ne justifiait pas des conditions objectives de recours à la rémunération sous forme de pige.
Afin de démontrer que ses conditions de travail étaient similaires à celle de ses collègues, le reporter photographe faisait valoir :
- Qu’il collaborait de manière permanente et régulière avec l’AFP dans un lien de subordination.
- Qu’il travaillait exclusivement pour l’AFP ;
- Qu’il avait toujours réalisé le travail confié sans jamais refuser aucune tâche et en suivant les directives fixées par l’employeur (choix des reportages) ;
- Qu’il était soumis comme les autres reporters photographes permanents aux mêmes contraintes en termes de nombre de photos à réaliser ;
- Qu’il percevait une rémunération forfaitaire depuis 2011 versée même en l’absence de piges.
Aux vues de l’ensemble de ces éléments la Cour d’appel de Paris le 13 mai 2016 a requalifié la relation de travail de ce journaliste pigiste en contrat de journaliste permanent à durée indéterminée depuis le 1er janvier 2000 (1er contrat irrégulier).
La Cour de Cassation dans son arrêt du 23 janvier 2019 (n°16-19880) a validé le raisonnement de la Cour d’Appel, en relevant que le journalise « collaborait de manière régulière et permanente avec l’AFP et percevait une rémunération forfaitaire d’un montant relativement stable ne correspondant pas nécessairement au nombre de piges effectuées chaque mois, la Cour d’Appel, qui a constaté que l’intéressé n’avait pas le choix de ses reportages et devait les réaliser en se conformant aux consignes qui lui étaient données, a pu en déduire qu’il devait se voir reconnaître la qualité de journaliste permanent ; qu’elle a, sans encourir les griefs du moyen, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ».
La Cour de Cassation rappelle donc les règles en vigueur en matière de réglementation de droit des journalistes et sanctionne le recours frauduleux de la rémunération à la pige.
Source : c. cass. 23 janvier 2019, n°16-19880
Voir aussi notre article : Journaliste professionnel et pigiste rédacteur : quelles différences en cas d’action en requalification en CDI ? https://www.village-justice.com/articles/journaliste-professionnel-pigiste-redacteur-non-journaliste-quelles-differences,29671.html
Frédéric CHHUM, Avocats à la Cour
Membre du Conseil de l’ordre des avocats de Paris
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