Le recours aux tests de dépistage salivaires fait l’objet de nombreuses controverses, que ce soit en raison des risques d’erreur ou de leur atteinte aux droits et libertés du salarié.
Par sa décision du 5 décembre 2016, le Conseil d’Etat est venu en préciser les modalités de mise en œuvre.
1) Le recours aux tests salivaires doit être « justifié par la nature de la tâche à accomplir et proportionné au but recherché »
Tout d’abord, le recours aux tests salivaires doit être « justifié par la nature de la tâche à accomplir et proportionné au but recherché » (article L.1121-1 du Code du travail).
Ainsi, le règlement intérieur doit prévoir le droit pour le salarié d’obtenir, en cas de résultat positif, une contre-expertise médicale à la charge de l’employeur.
En pratique, cela permettra notamment d’éviter des sanctions disciplinaires en cas de « faux positifs » ou encore dans des hypothèses dans lesquelles un salarié est sous traitement médical licite entrainant un résultat positif.
2) Les tests salivaires sont licites dès lors qu’ils sont aléatoires et réservés aux seuls emplois dits « hypersensibles drogue et alcool »
Ensuite, le Conseil d’Etat précise que les tests salivaires sont licites dès lors qu’ils sont aléatoires et réservés aux seuls emplois dits « hypersensibles drogue et alcool ».
En effet, il s’agit, non pas de généraliser le recours aux tests salivaires, mais bien d’assurer la santé du salarié et des tiers aux vues des risques de l’emploi occupé (conducteur de véhicule, conducteur d’engin, personnel naviguant…).
3) Le test salivaire peut être réalisé par le supérieur hiérarchique du salarié
Par ailleurs, le Conseil d’Etat met un terme au débat quant aux personnes habilités à effectuer ces tests salivaires.
La Cour administrative d’appel de Marseille avait en effet retenu que seules pouvaient effectuer ces tests les personnes visées par le Code de la santé publique (biologiste médical, médecin ou professionnel médical).
Or, dans sa décision du 5 décembre 2016, le Conseil d’Etat retient que le test salivaire n’est pas un examen de biologie médicale et peut donc à ce titre être réalisé par le supérieur hiérarchique du salarié.
4) L’Employeur et le supérieur hiérarchique sont tenus au secret professionnel sur le résultat du test salivaire
Concernant les résultats du test salivaire, le Conseil d’Etat précise expressément que « si les résultats de ce test ne sont pas couverts par le secret médical, l’employeur et le supérieur hiérarchique désigné pour le mettre en œuvre sont tenus au secret professionnel sur son résultat ».
Ainsi, le salarié dont le test se révèle positif pourra être soumis à une sanction disciplinaire, pouvant aller jusqu’au licenciement, mais les résultats de son test ne pourront être communiqués.
5) Peut-on licencier un salarié pour un test positif aux stupéfiants ?
Cependant, il convient de rappeler que le seul test positif ne peut suffire à justifier un licenciement pour faute dans la mesure où les techniques actuelles permettent uniquement d’établir une consommation récente de stupéfiant et non la preuve que le salarié est encore sous l’emprise de la drogue.
Licencier sur la seule base du test positif reviendrait donc à licencier pour un motif tiré de la vie personnelle du salarié.
En revanche, et la Cour de cassation a eu l’occasion de rappeler dans un arrêt du 27 mars 2012 (n°10-19.915), que si le salarié en question occupe un emploi à risque et qu’il a consommé des stupéfiants en dehors du temps et du lieu de travail, il peut être sanctionné s’il est toujours sous l’influence de ces produits.
6) L’employeur doit consulter les représentants du personnel ainsi que le médecin du travail afin d’identifier les emplois concernés par ces tests
Enfin, il est conseillé à tout employeur souhaitant mettre en place de telles mesures de consulter les représentants du personnel ainsi que le médecin du travail afin d’identifier les emplois concernés par ces tests.
La décision du Conseil d’Etat laisse cependant la porte ouverte aux excès et abus de certains employeurs qui pourraient utiliser cette nouvelle faculté pour effectuer des tests systématiques auprès de leurs salariés afin de prendre des mesures disciplinaires.
Frédéric CHHUM, Avocats à la Cour (Paris et Nantes)
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