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Faute grave, transaction et URSSAF : conditions d’exonération d’une indemnité transactionnelle

Publié le 07/04/2018 Vu 7 808 fois 0
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Le 15 mars 2018, la 2ème chambre civile de la Cour de cassation vient de rendre 2 arrêts importants (n° 17-10325 et n°1711336) publiés au bulletin de la Cour de cassation concernant le traitement par l’URSSAF des indemnités transactionnelles.

Le 15 mars 2018, la 2ème chambre civile de la Cour de cassation vient de rendre 2 arrêts importants (n° 17-

Faute grave, transaction et URSSAF : conditions d’exonération d’une indemnité transactionnelle

Les rédacteurs de protocole transactionnels doivent donc être très scrupuleux dans la rédaction de leurs protocoles.

Ces 2 arrêts ont pour point commun que, pour le traitement URSSAF des indemnités transactionnelles,  les juges vérifient scrupuleusement, la volonté des parties telle que mentionnée dans le protocole transactionnel.

1) Rappel  : régime social et fiscalité de l’indemnité transactionnelle versée à la suite d’un licenciement

S’agissant des indemnités versées dans le cadre d’une transaction, le principe est qu’elles suivent le régime applicable aux sommes auxquelles elles correspondent.

Il faut donc distinguer selon qu’elles ont un caractère salarial (intégralement soumises à cotisations sociales, CSG/CRDS et impôt sur le revenu) ou un caractère indemnitaire (régime de faveur des indemnités de licenciement).

1.1)      Cotisations sociales sur une indemnité transactionnelle à caractère indemnitaire

La fraction de l’indemnité transactionnelle (à caractère indemnitaire) exonérée d’impôt sur le revenu est également exonérée de cotisations sociales mais dans la limite de 2 fois le plafond annuel de la sécurité sociale, soit 79.464 euros en 2018. (C. sécu. sociale art. L. 242-1, alinéa 12)

En revanche, si le montant total de l’indemnité transactionnelle excède 10 fois le plafond annuel de la sécurité sociale (397.320 euros en 2018) celle-ci sera soumise à cotisations sociales dès le 1er euro. (C. sécu. sociale art. L. 242-1, alinéa 12)

1.2)      La CSG/CRDS sur une indemnité transactionnelle à caractère indemnitaire

La CSG-CRDS ne s’appliquera que sur la fraction de l’indemnité transactionnelle (à caractère indemnitaire) excédant le montant de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement. (C. sécu. sociale art. L. 136-2, II, 5°)

Elle s’appliquera dès le premier euro si le montant total de l’indemnité transactionnelle versée excède 10 fois le plafond annuel de la sécurité sociale (238.392 euros en 2018). (C. sécu. sociale art. L. 136-2, II, 5°)

1.3)      La fiscalité de l’indemnité transactionnelle à caractère indemnitaire

Lorsqu’elle a un caractère indemnitaire (et non salarial), l’indemnité transactionnelle est exonérée d’impôt dans la limite du plus élevé des montants suivants :

  • Soit le montant de l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement ;
  • Soit 2 fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue au cours de l’année civile précédant la rupture du contrat de travail ;
  • Soit 50 % du montant de l’indemnité versée. (C. gén. des impôts art. 80 duodecies, 3°)

Dans les deux derniers cas, la fraction de l’indemnité transactionnelle qui excède 6 fois le plafond annuel de la sécurité sociale (238.392 euros en 2018) est soumise à impôt sur le revenu. (C. gén. des impôts art. 80 duodecies, 3°)

2) Traitement par l’URSSAF de l’indemnité transactionnelle versée suite à un licenciement pour faute grave (C. cass. 2ème civ. 15 mars 2018, n° 17-10325) : un infléchissement de jurisprudence

La Cour de cassation affirme « qu'il résulte des dispositions du premier alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale que les sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail autres que les indemnités mentionnées au dixième alinéa, dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses, sont comprises dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales, à moins que l'employeur rapporte la preuve qu'elles concourent, pour tout ou partie de leur montant, à l'indemnisation d'un préjudice ».

A la suite d'un contrôle portant sur les années 2007 à 2009, l'URSSAF des Bouches-du-Rhône, aux droits de laquelle vient l'URSSAF de Provence-Alpes-Côte d'Azur (l'URSSAF), a notifié à la société Ricard (la société) un redressement portant notamment sur la réintégration, dans l'assiette des cotisations sociales, d'une partie des sommes versées à titre d'indemnités transactionnelles à la suite de dix licenciements.

La Cour d’appel d’Aix en Provence avait annulé le redressement URSSAF.

L’URSSAF s’est pourvue en cassation.

Dans un arrêt du 15 mars 2018, la Cour de cassation rejette le pourvoi de l’URSSAF.

Pour rejeter le pourvoi, la Cour de cassation relève que la Cour d’appel a retenu :

- que les termes des protocoles sont clairs, précis, sans ambiguïté et

- que la volonté des parties y est clairement exprimée ;

- que la rupture du contrat de travail reste un licenciement pour faute grave et l'indemnité transactionnelle ne comporte aucune indemnité de préavis et de licenciement ;

- que le salarié n'exécutera aucun préavis et s'engage à ne demander aucune autre indemnité et à ne poursuivre aucun contentieux ;

- qu'il relève qu'il importe peu que la phrase "le salarié renonce à demander une indemnité de préavis" ne figure pas en toutes lettres dans chaque document alors que ce dernier "renonce expressément à toute demande tendant au paiement de toute indemnité et/ou somme de toute nature résultant de la conclusion, de l'exécution et/ou de la rupture de son contrat" ».
 

La Cour de cassation conclut qu’en « procédant de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve débattus devant elle, faisant ressortir que la preuve était rapportée par la société que l'indemnité transactionnelle litigieuse avait un fondement exclusivement indemnitaire, la cour d'appel [d’Aix en Provence] en a exactement déduit que celle-ci n'entrait pas dans l'assiette des cotisations sociales ».

Il semble que cet arrêt constitue une infléchissement de sa jurisprudence.

En effet, dans un arrêt du 20 septembre 2012, n° 11-22916 (non publié au bulletin), la Cour de cassation considérait qu’en cas de licenciement pour faute grave suivi d’une transaction, l’employeur devait soumettre à cotisation salariale la part correspondant au montant de l’indemnité compensatrice de préavis.

Dans cet arrêt du 20 septembre 2012, la Cour de cassation affirmait « qu'en cas de versement au salarié licencié d'une indemnité forfaitaire, il appartient au juge de rechercher si, quelle que soit la qualification retenue par les parties, elle comprend des éléments de rémunération soumis à cotisations », et observe justement « qu'en l'occurrence, le versement d'une indemnité en plus des indemnités de congés payés impliquait que l'employeur avait renoncé au licenciement pour faute grave initialement notifié, de sorte qu'il ne pouvait se prévaloir des effets de celui-ci ».

Désormais, l'indemnité transactionnelle suite à un licenciement pour faute grave, a un fondement indemnitaire, et l’indemnité transactionnelle en résultant est exonérée de cotisations sociales dès lors que la transaction prévoit que la somme est « exclusivement indemnitaire ».

En pratique, il semble donc qu’il suffira que le protocole transactionnel précise que les parties n’entendent pas revenir sur la qualification de faute grave et que les sommes versées ont un caractère exclusivement indemnitaire pour que celles-ci soient exonérées.

Source : Légifrance


C. cass. 2ème 15 mars 2018, n° 17-10325 :

https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000036742008&fastReqId=1221729761&fastPos=1

Cass. civ. 2ème 20 septembre 2012, n° 11-22916 :

https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000026398227&fastReqId=614459972&fastPos=2

Frédéric CHHUM, Avocats à la Cour (Paris et Nantes)

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Maître Frédéric CHHUM est membre du conseil de l'ordre des avocats de Paris (2019-2021). Il possède un bureau secondaire à Nantes et à Lille.

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