Ayant été déboutée de ses autres demandes, la salariée a interjeté appel du jugement.
1) Rappel des faits
Le 16 octobre 2006, Madame X est engagée par la MACIF en qualité de conseillère “vente” au point d’accueil de Paris Maraichers dans le 20e arrondissement de Paris au sein de la MACIF Ile de France.
Elle a le coefficient 170 de la classe 5.
Le 14 juin 2010, elle postule à un poste de responsable à l’agence de Vernon, dans l’Eure, à côté de son domicile en cours de construction à Vesly.
Sa candidature n’a pas été retenue mais un poste au point d’accueil lui a été proposé pour rapprochement géographique et familial.
Son conjoint travaillait à l’époque près de Rouen.
Cette mutation a été effective le 14 juin 2010 avec une période probatoire qui allait jusqu’au 10 septembre 2010.
Le 10 septembre 2010 elle est informée de sa mutation d’office à Cergy (95) à compter du 1er octobre suivant, au sein de la MACIF val de Seine/Picardie.
Madame X a contesté cette décision avec pour arguments :
- que le délai de 20 jours pour se retourner était particulièrement court ;
- qu’elle venait de se pacser et d’emménager à Caudebes les Elbeuf en attendant que la construction de son pavillon soit terminée.
Il lui a été répondu qu’elle n’était qu’une solution aux effectifs puisque les collègues de Vernon ont repris leurs postes suite à des arrêts maladie et à un congé maternité.
Madame Y l’animatrice réseau lui aurait précisé qu’elle n’avait plus besoin d’elle.
Madame X a annulé son PACS et est retournée vivre chez ses parents pour être en mesure de prendre son poste à Cergy, elle subira un arrêt de travail de 15 jours.
Entre 2011 et 2018, Madame X dit constater une dégradation des conditions de travail et subir un harcèlement moral.
Son responsable, Monsieur Z, ainsi que certains autres responsables d’agence obéissant aux ordres de ce dernier contribuent aux dégradations des conditions de travail de Madame X :
- la mutation d’office en 2010 ;
- nombreux refus de la MACIF aux demandes de mutation et aux candidatures en 2012, 2014 et 2017 ;
- des notations et des commentaires dégradants sur ses évaluations de 2012, 2015 et 2018 ;
- la MACIF refuse de lui payer des heures supplémentaires et complémentaires ;
- le déplacement de poste sans l’accord de Madame X ;
- le refus de demande de congés ;
- des insultes de la part de Monsieur E suite à des réclamations de sociétaires ;
- une agression de la part de cette personne lors d’un entretien “objectif Quantitatif Commercial” le 19 février 2015 ayant entraîné un arrêt de travail ;
- l’avertissement du 31 mars 2015 ;
- des brimades de la part de Monsieur Z suite à la dénonciation de ses conditions de travail auprès des représentants du personnel.
Tout cela a contraint Madame X à être en arrêt de travail à plusieurs reprises.
Le 22 janvier 2018, Madame X a été arrêtée suite à un burn-out nécessitant une thérapie hebdomadaire.
En juin 2018, une enquête est ouverte par l’Inspection du travail de Cergy à l’encontre de Monsieur Z.
Une seconde enquête a été diligentée à Mantes La Jolie.
Madame M, nouvelle directrice des ressources humaines, prend connaissance de ce dossier en juillet 2018 lors d’un entretien avec Madame X assistée par Monsieur O, délégué du personnel.
Le 11 avril 2019, lors d’une réunion du CHSCT, Monsieur O a confirmé que le dossier comportait “une présomption de faisceaux qui pourraient conduire à penser qu’il y aurait éventuellement une forme de harcèlement”.
Madame M propose à Madame X de faire une formation dans le cadre du Fongecif ou de changer totalement de région de façon à ne plus être sous les ordres de Monsieur Z.
Le 28 décembre 2018, Madame X saisit le Conseil de prud’hommes et demande la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la MACIF.
Le 9 avril 2019, Madame X est déclarée inapte de façon définitive au poste de conseillère de vente avec reclassement possible sur un poste administratif en dehors de la région Ile de France.
En juin 2019, Madame M est licenciée.
Le 30 juillet 2019, Madame X a été informée de son impossibilité de reclassement au sein du groupe MACIF.
Le 1er août 2019, elle est convoquée à un entretien préalable prévu le 12 août 2019.
Madame X demande le report de cet entretien, les délégués du personnel étant en congés.
Cette demande lui est refusée.
Le licenciement intervient le 19 août suivant pour inaptitude physique non professionnelle et impossibilité de reclassement.
À la suite de l’enquête de l’inspection du travail, la MACIF est sommée de solutionner le litige en licenciant Monsieur Z ou en le déplaçant sur un poste sans management.
À défaut, une plainte serait déposée auprès du procureur de la république.
Le 24 septembre 2019, la MACIF annonce la mutation de Monsieur Z lors d’une réunion du CHSCT.
Madame X saisit de nouveau le Conseil de prud’hommes le 2 octobre 2019 afin de contester son licenciement.
2) Jugement du Conseil de prud’hommes de Niort du 8 janvier 2021
Par jugement contradictoire en date du 8 janvier 2021, le juge du Conseil de prud’hommes de Niort :
- Ordonne la jonction des deux affaires ;
- Dit que le licenciement de Madame X pour inaptitude est justifié ;
- Condamne la MACIF à régler à Madame X les sommes suivantes :
○ 10 000 euros net au titre de dommage et intérêt pour harcèlement moral ;
○ 10 000 euros net au titre de dommage et intérêt pour manquement à son obligation de prévention des risques d’atteinte à la santé mentale des travailleurs ;
○ 2 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
- Déboute Madame X du surplus de ses demandes ;
- Déboute la MACIF de l’intégralité de ses demandes et la condamne aux dépens.
Au total, la salariée obtient la somme de 22 000 euros.
2.1) Sur la demande de jonction des affaires RG n°18/00271 et RG n° 19/20110
L’article 367 du Code de procédure civile permet au juge de dire que lorsqu’il y a intérêt à ce que deux affaires puissent faire l’objet d’un seul et même jugement et qu’il existe un lien suffisant entre elles, le tribunal peut soit à la demande des parties, soit d’office, ordonner la jonction des instances.
En l’état, les deux demandes de Madame X sont bien liées et ce lien est suffisant.
En conséquence, le Conseil de prud’hommes de Niort, ordonne la jonction de ces deux affaire”.
2.2) Sur le harcèlement moral
L’article L. 1152-1 du Code du travail définit le harcèlement moral comme suit :
- le harcèlement moral doit découler d’agissements répétés ;
- ces agissements doivent avoir pour but ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié visé par le harcèlement ;
- être de nature à porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié ;
- être susceptible de porter atteinte à son intégrité physique ou mentale ;
- avoir pour conséquence de compromettre l’avenir professionnel du salarié concerné.
En l’état, entre 2010 et 2018 les évènements rapportés plus haut constituent l’existence de harcèlement dans le nombre et la forme à l’encontre de Madame X.
En conséquence, le Conseil de prud’hommes de Niort reconnaît l’existence de harcèlement moral de la part du supérieur hiérarchique de Madame X.
La MACIF est condamnée à verser à la salariée la somme de 10 000 euros pour harcèlement moral.
2.3) Sur le manquement de protection des salariés
L’article L. 1152-4 du Code du travail précise que l’employeur doit veiller à la santé et à la sécurité des travailleurs en mettant en place des actions de prévention, d’information et de formation.
Il doit également évaluer les risques professionnels sur chaque poste de travail.
Ces risques sont consignés dans un document.
En cas de non-respect de cette obligation, sa responsabilité civile et/ou pénale peut être engagée.
En l’état, malgré plusieurs signalements et réactions de Madame X, l’employeur n’a pas pris toutes les dispositions nécessaires en vue de prévenir et de solutionner les agissements de harcèlement de la part de Monsieur Z sur la salariée.
En conséquence, le Conseil de prud’hommes de Niort reconnaît que la MACIF a failli à son obligation de protection de sa salariée, ayant pour conséquence le licenciement pour inaptitude de Madame X.
La MACIF société est condamnée à verser à la salariée la somme de 10 000 euros pour violation de l’obligation de sécurité.
2.4) Sur la nullité du licenciement
Pour qu’un licenciement soit déclaré nul il faut que l’un des droits et libertés fondamentaux de l’employé ait été violés comme :
- le droit de grève ;
- la liberté d’expression ;
- le droit de retrait ;
- la liberté syndicale ;
- le droit de témoigner et d’ester en justice.
En l’état, le licenciement est intervenu après un avis d’inaptitude physique et avec aucune possibilité de reclassement.
En conséquence, le licenciement pour inaptitude est justifié.
Frédéric CHHUM avocat et membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)
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