Ce harcèlement moral justifie la résiliation judiciaire du contrat de travail du salarié avec les effets d’un licenciement nul.
Le salarié obtient un rappel de maintien conventionnel de salaire d’un montant de 1 236,06 euros.
La société s’est pourvue en cassation et son pourvoi a été rejeté.
1) RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 16 mars 2004, M. X a été engagé en qualité de magasinier principal par la société Sadka, l’intéressé exerçant en dernier lieu les fonctions de responsable de dépôt (avenant du 1er septembre 2012), la société Sadka employant habituellement au moins 11 salariés et appliquant la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987.
Invoquant une situation de harcèlement moral ainsi que des manquements de la société Sadka à ses obligations contractuelles et s’estimant insuffisamment rempli de ses droits, M. X a saisi la juridiction prud’homale le 1er août 2017 aux fins, notamment, d’obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur.
Par jugement du 29 novembre 2018, le conseil de prud'hommes de Bobigny a :
- débouté M. X de l’ensemble de ses demandes,
- débouté la société Sadka de sa demande reconventionnelle,
- condamné M. X aux entiers dépens.
Par déclaration du 1er mars 2019, M. X a interjeté appel du jugement notifié le
22 février 2019.
2) Motifs de l’arrêt de la Cour d’appel de Paris
Dans son arrêt du 6 avril 2022 (RG 19/03108), la Cour d’appel de Paris :
. Infirme le jugement sauf en ce qu’il a débouté la société Sadka de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Prononce la résiliation judiciaire aux torts de l'employeur du contrat de travail liant M. X et la société Sadka ;
. Dit que la résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d'un licenciement nul ;
. Déclare recevables les demandes de M. X au titre de la garantie conventionnelle d'invalidité partielle ;
. Condamne la société Sadka à payer à M. X les sommes suivantes :
- 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral,
- 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de prévention des agissements de harcèlement moral,
- 1 236,06 euros à titre de rappel de maintien conventionnel de salaire,
- 12 467,36 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 1 246,73 euros au titre des congés payés y afférents,
- 15 089,08 euros à titre d’indemnité de licenciement,
- 60 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ;
. 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
. Ordonne la remise à M. X d’un bulletin de paie récapitulatif conforme à la présente décision.
2.1) Sur la résiliation judiciaire
Selon les dispositions des articles 1227, 1228 et 1229 du code civil dans leur rédaction applicable au litige, la résolution peut, en toute hypothèse, être demandée en justice, le juge pouvant, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l'exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts, la résolution mettant fin au contrat et prenant effet, selon les cas, soit dans les conditions prévues par la clause résolutoire, soit à la date de la réception par le débiteur de la notification faite par le créancier, soit à la date fixée par le juge ou, à défaut, au jour de l'assignation en justice.
En application de ces dispositions, les manquements de l'employeur susceptibles de justifier la résiliation judiciaire à ses torts doivent être d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail. Lorsque les manquements sont établis et d'une gravité suffisante, la résiliation judiciaire prononcée produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En l’espèce, l’appelant soutient que l’intimée a manqué à ses obligations en ce qu’elle a tenté de lui imposer une rupture conventionnelle désavantageuse durant son arrêt maladie et sous la menace d’un licenciement, en ce qu’elle a laissé perdurer une ambiance nocive de travail, en ce qu’elle n’a pas respecté les dispositions conventionnelles relatives au maintien de salaire durant les trois premiers mois d’arrêt maladie ainsi qu’à la garantie d’invalidité partielle (la demande d’indemnisation au titre de son invalidité étant recevable en ce qu’elle résulte de la survenance d’un fait nouveau postérieurement à sa déclaration d’appel), en ce qu’il a été victime de harcèlement moral et en ce qu’elle n’a pas respecté son obligation de prévention des faits de harcèlement moral.
L’intimée conteste tout manquement en indiquant qu'aucune pièce ne justifie une quelconque pression subie par l’appelant sur son lieu de travail ni même que le gérant aurait forcé ce dernier à signer un document de rupture conventionnelle alors qu’il avait été convoqué en vue d'une sanction disciplinaire et qu’aucune rupture n’a été signée, qu’aucune pièce n’a été communiquée qui justifierait que les conditions de travail du salarié rendraient impossible son maintien dans l'entreprise, la mauvaise foi de certains anciens salariés et leur envie de vengeance à l’égard delà société faisant perdre toute force probante à leurs attestations. Elle précise avoir assuré le paiement du complément de salaire conformément à la convention collective et que, s’agissant du prétendu non-respect des dispositions conventionnelles relatives à la garantie d’invalidité partielle, les demandes en paiement des sommes de 18 338,74 euros pour la période courant jusqu'au 9 février
2022 et de 96 278 euros sur le fondement de la perte de chance sont irrecevables comme nouvelles en appel, l’intimée soulignant à titre subsidiaire qu’aucune faute n’a été commise dans la souscription du contrat de prévoyance et dans les déclarations qui lui incombent et qu’elle n’est pas responsable du montant de la rente versée par la prévoyance.
S’agissant du harcèlement moral allégué, elle affirme que les documents médicaux produits sont soit faux soit contredits par le médecin expert de la sécurité sociale et que les attestations adverses ne sont pas circonstanciées, soulignant qu’aucun manquement à son obligation de prévention des faits de harcèlement moral ne peut être retenu en ce qu’un tel manquement suppose que le salarié ait dénoncé des faits constitutifs de harcèlement et que l’employeur n“ait pas pris les mesures qui s’imposent, l’appelant n’ayant pas dénoncé de faits de harcèlement avant le dernier jour travaillé.
2.1.1) Sur le harcèlement moral
Selon l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, l'article L. 1154-1 du même code disposant que lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
En l’espèce, s’agissant des affirmations de l’appelant selon lesquelles l’intimée aurait manqué à ses obligations en tentant de lui imposer une rupture conventionnelle désavantageuse durant son arrêt maladie et sous la menace d’un licenciement, étant constaté que lesdites allégations ne résultent que des seules affirmations de l’intéressé qui ne produit aucun élément pour les corroborer, si ce n’est ses propres courriers ou ceux de son conseil reprenant ses seules déclarations, la cour relève que ces éléments ne sont pas établis dans leur matérialité.
Pour le surplus, l’appelant produit une déclaration de main courante du 6 février 2017 faisant état de faits de harcèlement moral commis par son employeur, une convocation à un entretien préalable à sanction disciplinaire du 16 février 2017, un courrier de son conseil en date du 16 mars 2017 dénonçant des faits de harcèlement moral ainsi que l’existence d’une pression constante dans le cadre du travail, différents justificatifs relatifs aux arrêts de travail dont a bénéficié le salarié ainsi que des attestations précises, circonstanciées et concordantes établies par d’anciens collègues de travail (MM. B. et B. et Mmes C. , B. et A.) ayant personnellement été témoins des conditions de travail de l’intéressé, lesdits éléments faisant état de la mise en œuvre par l’employeur de pratiques managériales génératrices d'humiliation, d’anxiété et de perte de confiance avec utilisation d'un niveau verbal élevé et menaçant, de propos agressifs et blessants et d’une attitude irrespectueuse et irascible ainsi que de pressions dans la cadre de l’exercice du travail avec intensification de la charge de travail dans un temps imparti et demande de réalisation de tâches supplémentaires à la dernière minute sans possibilité de prendre de pause. A l’exception du certificat médical du 31 mars 2017 émanant du Dr T. qui apparaît dénué de force probante suffisante et dont il ne sera pas tenu compte dans le cadre du présent litige, la cour constate qu’il résulte des autres éléments médicaux versés aux débats (certificats et arrêts de travail) que les agissements précités ont eu pour effet de dégrader les conditions de travail et d'altérer la santé physique et mentale du salarié, le seul fait que le caractère professionnel de l’accident du 11 janvier 2017 n’ait pas été reconnu par l’assurance maladie n’étant en lui-même pas de nature à remettre en cause l’ensemble des autres éléments.
Dès lors, il apparaît que l’appelant présente des éléments de fait, qui, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral.
L’intimée, qui se limite en réplique à contester les affirmations de l’appelant et à critiquer les pièces produites par ce dernier tout en mettant en avant le fait que la mauvaise foi de certains anciens salariés et leur envie de vengeance à l’égard de la société font perdre toute force probante à leurs attestations, que lesdites attestations relèvent d’une séance de psychothérapie de groupe et que la présente juridiction ne saurait en tenir compte en acceptant les confidences tardives de certains salariés dont le désir de porter atteinte à leur ancien employeur est plus important que celui d’établir la vérité sur la réalité des faits, ne justifie aucunement, mises à part ses propres affirmations ou celles de son conseil et au vu des seuls éléments produits, que les différents agissements précités ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Il sera également relevé que les trois attestations de salariés (MM. D., A. et M.) produites par l’intimée qui se limitent à indiquer de manière très générale que l’appelant était le responsable du dépôt, qu’il distribuait le travail et surveillait les salariés, que le gérant n’intervenait que ponctuellement dans le dépôt et qu’ils n’ont jamais assisté à une quelconque agression physique ou morale de la part dudit gérant envers l’appelant, sont manifestement insuffisantes de ce chef et ne sont pas de nature à remettre en cause les éléments circonstanciés et concordants produits par le salarié, de même que le simple fait que l’appelant se soit vu accorder un prêt par son employeur.
Par conséquent, l'existence de faits de harcèlement moral étant caractérisée en l'espèce et l’appelant justifiant d'un préjudice spécifique résultant des agissements de harcèlement moral dont il a fait l'objet de la part de son employeur durant plusieurs mois, la cour lui accorde, par infirmation du jugement, une somme de 3 000 euros à titre de dommages intérêts de ce chef.
Par ailleurs, étant rappelé que les obligations résultant des articles L. 1152-1 et L. 1152-4 du code du travail sont distinctes en sorte que la méconnaissance de chacune d'elles, lorsqu'elle entraîne des préjudices différents, peut ouvrir droit à réparation, la cour relevant en l'espèce que l'employeur ne justifie, au vu des seuls éléments produits, ni du fait d’avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ni, une fois informé de l'existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral selon courrier d’alerte du 16 mars 2017, d'avoir pris les mesures immédiates propres à le faire cesser, l’intimée, qui n’a répondu audit courrier que le 10 avril 2017 en se limitant à contester les affirmations du salarié relatives à l’existence de faits de harcèlement moral, ayant ainsi manqué à ses obligations en matière de prévention et de traitement des situations de harcèlement moral, le seul fait que le salarié ait été placé en arrêt maladie n’étant pas de nature à la libérer de ses obligations en la matière, il convient, compte tenu du préjudice spécifique non contestable subi par le salarié au regard des répercussions sur son état de santé, de lui accorder en réparation une somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts par infirmation du jugement.
2.1.2) Sur le maintien conventionnel de salaire
Selon l’article 43 (incapacité temporaire de travail) de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils, en cas de maladie ou d'accident dûment constatés par certificat médical et contre-visite, s'il y a lieu, les ETAM recevront les allocations maladie nécessaires pour compléter, jusqu'à concurrence des appointements ou fractions d'appointements fixées ci-dessous, les sommes qu'ils percevront à titre d'indemnité, d'une part, en application des lois sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et des lois sur l'assurance maladie, d'autre part, en compensation de perte de salaire d'un tiers responsable d'un accident.
Les indemnités versées par un régime de prévoyance auquel aurait fait appel l'employeur viendront également en déduction.
Dans le cas d'incapacité par suite d'accident du travail ou de maladie professionnelle survenus au service de l'employeur, les allocations prévues ci-dessous sont garanties dès le premier jour de présence, alors que dans les autres cas de maladie ou d'accident elles ne sont acquises qu'après 1 an d'ancienneté.
Dans les autres cas de maladie ou d'accident :
- pour l'ETAM ayant plus de 1 an d'ancienneté et moins de 5 ans :
- 1 mois à 100 % d'appointements bruts ;
- les 2 mois suivants : 80 % de ses appointements bruts ;
- pour l'ETAM ayant plus de 5 ans d'ancienneté :
- 2 mois à 100 % d'appointements bruts ;
- le mois suivant : 80 % de ses appointements bruts.
Il est précisé que l'employeur ne devra verser que les sommes nécessaires pour compléter ce que verse la sécurité sociale et, le cas échéant, un régime de prévoyance, ainsi que les compensations de perte de salaire d'un tiers responsable, jusqu'à concurrence de ce qu'aurait perçu, net de toute charge, l'ETAM malade ou accidenté s'il avait travaillé à temps plein ou à temps partiel, non compris primes et gratifications.
Si l'ancienneté fixée par l'un quelconque des alinéas précédents est atteinte par l'ETAM au cours de sa maladie, il recevra, à partir du moment où cette ancienneté sera atteinte, l'allocation ou la fraction d'allocation fixée par la nouvelle ancienneté pour chacun des mois de maladie restant à courir.
Le maintien du salaire s'entend dès le premier jour d'absence pour maladie ou accident dûment constatés par certificat médical.
Les allocations fixées ci-dessus constituent le maximum auquel l'ETAM aura droit pour toute période de 12 mois consécutifs au cours de laquelle il aura eu une ou plusieurs absences pour maladie ou accident.
Pour les incapacités temporaires de travail supérieures à 90 jours consécutifs le relais des garanties sera assuré aux conditions prévues par l'accord prévoyance annexé à la présente convention collective.
En application de ces dispositions et compte tenu d’une rémunération de référence calculée sur la base des 12 derniers mois travaillés précédant l’arrêt de travail pour maladie (janvier à décembre 2016), déduction faite de la seule somme mentionnée au titre du rachat de RTT (bulletin de paie de juillet 2016), aucune prime exceptionnelle n’apparaissant dans le bulletin de paie d’octobre 2016, soit 6 233,68 euros bruts (4 886,78 euros nets), l’appelant étant en droit de percevoir, compte tenu de son ancienneté supérieure à 5 ans, un maintien de salaire durant 2 mois à 100 % d'appointements bruts et pour le mois suivant à 80 % de ses appointements bruts, et ce jusqu'à concurrence de ce qu'il aurait perçu, net de toute charge, s'il avait travaillé, non compris primes et gratifications, soit 14 660,34 euros dont il convient de déduire les IJSS à hauteur de 2 516,91 euros, soit un solde de 12 143,43 euros. Dès lors, l’intéressé n’ayant été réglé par son employeur que de la somme de 10 907,37 euros, la cour lui accorde, par infirmation du jugement, un rappel de maintien conventionnel de salaire d’un montant de 1 236,06 euros.
2.1.3) Sur la garantie conventionnelle d’invalidité partielle
Selon l’article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
En l’espèce, l’appelant n’ayant fait l’objet d’un classement en invalidité de catégorie 2 que le 19 septembre 2019 et n’ayant été informé du montant de la rente complémentaire d’invalidité que le 8 juin 2020, soit postérieurement à la déclaration d’appel, s’agissant dès lors d’une question née de la survenance ou de la révélation d’un fait nouveau, la cour déclare recevables les demandes de l’intéressé de ce chef.
Selon l’article 7.1.2 (invalidité résultant d'une maladie) de l’accord du 27 mars 1997 relatif à la prévoyance, en cas d’invalidité de 2e catégorie et 3e catégorie : l'assureur complète les rentes versées par la sécurité sociale à hauteur de 80 % du salaire brut tel que défini à l'article 8 sans pour autant excéder le salaire net qu'aurait perçu le salarié en activité.
Si l’appelant soutient percevoir un rente complémentaire d’invalidité d’un montant inférieur à celui prévu par les dispositions conventionnelles, outre le fait que ce dernier s’est abstenu de toute réclamation ou action formée à l’encontre de l’organisme de prévoyance, la cour ne peut en toute hypothèse que relever que l’intéressé ne justifie pas, mises à part ses propres affirmations et au vu des seuls éléments versés aux débats, d’un manquement de la société intimée à ses obligations conventionnelles en la matière ou de l’existence d’une faute, et ce alors que celle-ci démontre avoir souscrit auprès de Malakoff Humanis un contrat de prévoyance conforme aux dispositions précitées de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils ainsi que de l’accord du 27 mars 1997 relatif à la prévoyance (en ce compris le versement d’une rente complémentaire d’invalidité) ainsi qu’avoir procédé aux déclarations et transmissions de documents nécessaires auprès de cet organisme.
Dès lors, la cour déboute l’appelant de ses demandes de dommages-intérêts pour non-respect des dispositions conventionnelles relatives à la prévoyance pour la période du 1er octobre 2019 au 9 février 2022 et de dommages-intérêts pour perte de chance de bénéficier d’une rente d’invalidité complémentaire conforme aux dispositions conventionnelles.
Au vu de l’ensemble des développements précédents, l’employeur ayant manqué à son obligation de sécurité en matière de harcèlement moral, de prévention et de traitement des situations de harcèlement moral ainsi qu’en matière de maintien conventionnel de salaire, lesdits manquements apparaissant à eux-seuls d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail, la cour, par infirmation du jugement, prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur, la résiliation judiciaire devant en l'espèce produire les effets d'un licenciement nul.
2.3) Sur les conséquences financières de la rupture
Selon les dispositions de l’article L. 1235-3-1 du code du travail dans leur version applicable au litige, l'article L. 1235-3 n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article.
Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Les nullités mentionnées à l'alinéa précédent sont celles qui sont afférentes à la violation d'une liberté fondamentale, à des faits de harcèlement moral ou sexuel dans les conditions mentionnées aux articles L. 1152-3 et L. 1153-4, à un licenciement discriminatoire dans les conditions prévues aux articles L. 1134-4 et L. 1132-4 ou consécutif à une action en justice, en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans les conditions mentionnées à l'article L. 1144-3 et en cas de dénonciation de crimes et délits, ou à l'exercice d'un mandat par un salarié protégé mentionné au chapitre Ier du titre Ier du livre IV de la deuxième partie, ainsi qu'aux protections dont bénéficient certains salariés en application des articles L. 1225-71 et L. 1226-13.
L'indemnité est due sans préjudice du paiement du salaire, lorsqu'il est dû en application des dispositions de l'article L. 1225-71 et du statut protecteur dont bénéficient certains salariés en application du chapitre Ier du Titre Ier du livre IV de la deuxième partie du code du travail, qui aurait été perçu pendant la période couverte par la nullité et, le cas échéant, sans préjudice de l'indemnité de licenciement légale, conventionnelle ou contractuelle.
S’agissant des indemnités de rupture, en application des dispositions du code du travail ainsi que de celles de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils et sur la base de la rémunération de référence précitée de 6 233,68 euros, la cour accorde à l’appelant, la durée du préavis étant de 2 mois, une indemnité compensatrice de préavis d’un montant de 12 467,36 euros outre 1 246,73 euros au titre des congés payés y afférents, par infirmation du jugement.
Selon les dispositions de l’article 12 de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils, les interruptions pour mobilisation ou faits de guerre entrent intégralement en compte pour la détermination du temps d'ancienneté. Il en est de même des interruptions pour périodes militaires obligatoires dans la réserve, maladies, accidents ou maternités (à l'exclusion des périodes d'incapacité de travail ininterrompue supérieure ou égale à 6 mois pendant lesquelles le contrat de travail est suspendu), congés de formation, congés annuels ou congés exceptionnels de courte durée résultant d'un commun accord entre les parties, détachements auprès d'une filiale, les autres interruptions du contrat donnant droit, selon les dispositions du code du travail, au maintien à tout ou partie de l'ancienneté.
Dès lors, compte tenu en l’espèce des périodes d'incapacité de travail ininterrompue supérieure ou égale à 6 mois pendant lesquelles le contrat de travail est suspendu, soit une ancienneté retenue de ce chef de 13 ans et 5 mois, et sur la base d’un mois de rémunération calculé conformément aux dispositions de l’article 19 de la convention collective précitée (incluant les primes prévues par les contrats de travail individuels et excluant les majorations pour heures supplémentaires au-delà de l'horaire normal de l'entreprise et les majorations de salaire ou indemnités liées à un déplacement ou un détachement), la cour accorde à l’appelant, par infirmation du jugement, une indemnité de licenciement d’un montant de 15 089,08 euros.
Enfin, eu égard à l'ancienneté dans l’entreprise en années complètes (17 ans) et à l’âge du salarié (46 ans) lors de la rupture et compte tenu des éléments produits concernant sa situation personnelle et professionnelle postérieurement à la rupture du contrat de travail, l’intéressé étant en arrêt maladie depuis mars 2017 et en invalidité catégorie 2 depuis octobre 2019, la cour lui accorde, par infirmation du jugement, la somme de 60 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul.
2.4) Sur la demande reconventionnelle de dommages-intérêts pour production de faux et non-respect de la loyauté de la procédure
L’employeur soutient qu’il subit un préjudice du fait du débat déloyal provoqué par le salarié compte tenu de la production de deux documents falsifiés ainsi que d’une attestation contre l’avis de son rédacteur.
Le salarié réplique que cette demande est totalement infondée et conclut à l’absence de toute falsification.
Au vu des différentes pièces respectivement versées aux débats par les parties, l’employeur ne démontrant pas le caractère falsifié des pièces litigieuses produites par le salarié ni l’existence d’une volonté frauduleuse ou déloyale de la part de ce dernier, il convient de le débouter de sa demande reconventionnelle de dommages-intérêts de ces chefs.
2.5) Sur les autres demandes
Il convient d'ordonner la remise à l’appelant d’un bulletin de paie récapitulatif conforme à la présente décision, sans qu'il apparaisse nécessaire d'assortir cette décision d'une mesure d'astreinte.
En application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, il y a lieu de rappeler que les condamnations portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes pour les créances salariales et à compter du présent arrêt pour les créances indemnitaires.
En application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, l’employeur sera condamné, par infirmation du jugement, à payer au salarié la somme de 2 500 euros au titre des frais exposés non compris dans les dépens.
L’employeur, qui succombe, supportera les dépens de première instance et d'appel.
Frédéric CHHUM avocat et ancien membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)
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