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Heures supplémentaires : le forfait jours d’une comptable de Novartis Pharma privé d’effet (CA Versailles 27/01/ 2022)

Publié le 19/04/2024 Vu 1 658 fois 0
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Dans cet arrêt la cour d’appel de Versailles du 27 janvier 2022 (RG 19/02284), considère que le forfait jours d’une expert comptabilité de Novartis Pharma est privé d’effet.

Dans cet arrêt la cour d’appel de Versailles du 27 janvier 2022 (RG 19/02284), considère que le forfait jo

Heures supplémentaires : le forfait jours d’une comptable de Novartis Pharma privé d’effet (CA Versailles 27/01/ 2022)

La Cour d’appel de Versailles est très sévère sur le quantum d’heures supplémentaires octroyé à la salariée.

Par ailleurs, la Cour d’appel ne considère pas que la prise d’acte doit être requalifiée en licenciement nul, même si le forfait jours est annulé aux motifs que ce « manquement de l’employeur perdure depuis la conclusion du contrat, dont il n’a manifestement pas empêché la poursuite pendant 3 ans et demi. Il ne peut donc justifier la prise d’acte ».

1) Faits et procédure

Le 8 septembre 2014, Mme X était embauchée par la société Novartis Pharma en qualité d'expert comptabilité tiers, par contrat à durée indéterminée. Depuis le 1er avril 2015, Mme X occupait le poste de comptable fournisseurs expert.

Le contrat de travail était régi par la convention collective de l'industrie pharmaceutique.

Le 8 septembre 2017, Mme Aounouk était désignée conseiller du salarié par la Direccte qui notifiait sa désignation à l'employeur le 13 septembre 2017.

Le 15 février 2018, Mme X prenait acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur en raison d'une dégradation de ses conditions de travail et du harcèlement moral commis par son employeur.

Le 21 février 2018, Mme X saisissait le conseil de prud'hommes de Nanterre aux fins de faire constater le harcèlement moral subi, dire que sa prise d'acte produit les effets d'un licenciement nul et obtenir le paiement de diverses sommes.

Vu le jugement du 9 mai 2019 rendu en formation paritaire par le conseil de prud'hommes de Nanterre qui a :

-  débouté Mme X de l'ensemble de ses demandes,

-  débouté la société Novartis Pharma de sa demande de paiement de préavis,

-  condamné Mme X à la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code deprocédure civile,

-  condamné Mme X aux entiers dépens.

Vu l'appel régulièrement interjeté par Mme X le 20 mai 2019.

Vu l'ordonnance de clôture du 8 novembre 2021.

2)      Motivation de l’arrêt du 27 janvier 2022 de la cour d’appel de Versailles :

La Cour d’appel de Versailles :

Confirme le jugement entrepris, sauf en celles de ses dispositions relatives au rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, aux frais irrépétibles et aux dépens ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Condamne la SAS Novartis Pharma à payer à Mme Aïcha X un rappel de salaire de 1 245 euros au titre des heures supplémentaires, outre les congés payés afférents, soit 124,50 euros,

Dit que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur en conciliation ;

Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande reconventionnelle de la SAS Novartis Pharma au titre du préavis ;

Laisse aux parties la charge de leurs dépens de première instance et d'appel ;

Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

2.1) Sur la rupture du contrat de travail :

Il résulte de la combinaison des articles L.1231-1, L.1237-2 et L.1235-1 du code du travail que la prise d’acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l’employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail.

En cas de prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d’une démission.

Il appartient au salarié d’établir les faits qu’il allègue à l’encontre de l’employeur.

Au soutien de sa prise d’acte Mme X invoque plusieurs manquements de l’employeur qu’il convient d’examiner.

- la dégradation des conditions de travail, la mise à l’écart et le refus injustifié du passage en télétravail : elle explique qu’à plusieurs reprises, sa manager, Mme C, ne l’a pas invitée ni même informée de la tenue des réunions d’achats dont l’impact était pourtant crucial pour son équipe ; elle a demandé à plusieurs reprises au cours des réunions d’équipe à se rendre chez le client S, mais s’est toujours heurtée à un refus, contrairement aux autres membres de l’équipe ; elle est la seule salariée de son équipe à s’être vue opposer un refus systématique à ses demandes de télétravail.

L’employeur répond que ce grief est non avéré dès lors que Mme X était absente lors de la réunion d’achat du mois d’octobre 2017 et n’a jamais émis le souhait de participer à celle du mois de novembre 2017, qu’aucune autorisation n’était requise pour se déplacer chez le client interne et que la société, concernant le télétravail, s’est conformée aux prescriptions du médecin du travail. Il ajoute qu’en tout état de cause, ces griefs étaient trop anciens pour empêcher la poursuite du contrat de travail de d’acte Mme X.

Concernant le défaut d’invitation de la salariée aux réunions d’achats, la cour constate que la date desdites réunions n’est pas précisée. Aucune pièce ne permet d’établir que des réunions des achats ont eu lieu sans que Mme X n'y soit conviée, cette dernière ne justifiant pas avoir demandé à y participer comme le souligne l’employeur. Le caractère crucial de ces réunions pour l’activité professionnelle de la salariée n’est pas davantage justifié.

Par ailleurs, s’agissant des déplacements chez le client S, Mme X ne communique aucune pièce probante corroborant l’affirmation suivant laquelle elle a demandé à plusieurs reprises au cours des réunions d’équipe à pouvoir en bénéficier. La salariée n’établit pas plus que ses collègues ont pu se rendre chez ce client contrairement à elle.

Enfin, concernant le refus de télétravail, l’employeur produit en pièce n°4 l’accord d’entreprise collectif relatif au télétravail à domicile au sein de la SAS Novartis Pharma. L’article 3.1 définit les conditions d’accès au télétravail : « la nature de l’activité quand elle nécessite une présence physique du salarié dans les locaux de l’entreprise, les contraintes organisationnelles et/ou techniques, la configuration de l’équipe, la répartition sur la semaine des jours de télétravail dans le service ou le département du salarié demandeur ». Or, Mme X ne démontre pas qu’elle remplissait ces conditions, alors que l’employeur établit que la salariée a rencontré des difficultés professionnelles à compter de 2015 ayant nécessité la mise en place un plan d’accompagnement individuel (PAI), dont le suivi impliquait sa présence dans l’entreprise : « Le PAI nécessite un investissement spécifiquement du manager dans le suivi et dans l’accompagnement du collaborateur ; - Le manager et le collaborateur doivent respecter les engagements et les délais définis dans le PAI ainsi que les points de rencontre et d’évaluation réguliers ;

-                     Le manager doit donner du feedback régulièrement sur ce qui fonctionne bien et/ou ce quidoit encore être amélioré (de manière transparente et factuelle ».  

En outre, l’employeur justifie avoir respecté les préconisations du médecin du travail des 4 avril et 27 juin 2017 concernant la mise en œuvre du télétravail par la régularisation de deux avenants au contrat de travail en ce sens le 10 avril et 17 juillet 2017.

Dans ces conditions, les manquements reprochés ne sont pas établis.

-                     le dénigrement injustifié de ses qualités professionnelles : elle explique que malgré son investissement et des évaluations satisfaisantes, son évaluation 2016 a donné lieu à l’attribution de la note 1-1 qui est la plus mauvaise note sur l’échelle des notes applicables dans l’entreprise, alors que les appréciations défavorables ne sont justifiées par aucun élément objectif ; qu’elle a émis des réserves concernant le plan d’accompagnement individuel qui lui a été soumis et s’être heurtée au refus de l’employeur concernant sa demandé de prolongation du plan afin d’intégrer une formation en management.

L’employeur répond que ce grief est non avéré dès lors que l’évaluation pour 2015 de Mme X a été contestée et confirmée à l’issue d’une enquête et que cette dernière n’a pas discuté son évaluation pour 2016. Il ajoute qu’en tout état de cause, ces griefs étaient trop anciens pour empêcher la poursuite du contrat de travail de Mme X.

Mme X communique ses comptes rendus d’entretien d’évaluation pour les années 2015 et 2016. Il en ressort que pour l’année 2015, elle a obtenu la note 2.1 correspondant à de bons résultats mais à un comportement insatisfaisant. Cette notation ne peut être considérée comme satisfaisante comme le soutient la salariée, dès lors que sur l’échelle des 9 notes possibles, elle correspond à la deuxième, juste après la pire notation. Par ailleurs, pour l’année 2016, la manager a noté une dégradation du travail de la salariée puisqu’elle s’est vue attribuer la plus mauvaise note, à savoir 1.1. Il relève que « les objectifs de progrès sont légèrement en retrait par rapport aux attentes liées à la fonction et au positionnement du poste » et que « des aspects techniques du poste notamment des notions comptables ou d’analyse ne sont pas maîtrisés». Elle souligne que la salariée « doit pouvoir réagir, corriger et former les comptables s’ils font des erreurs et apporter les explications et le rationnel sur les situations comptables à son manager ». Enfin, elle estime que le travail n’est pas délivré avec l’anticipation nécessaire au travail de réflexion et de questionnement préalable à toute réunion de synthèse. Mme X n’a formulé aucun commentaire dans le cadre de cette évaluation datée du 14 février 2017.

Au regard de ces difficultés, l’employeur a notifié à la salariée un PAI d’une durée de 3 mois lors de son retour d’arrêt maladie le 27 mars 2017.

Or, ce n’est que le 8 avril 2017 que Mme X a remis en cause son évaluation 2016 et le PAI en indiquant que sa notation est « un prétexte à une procédure de licenciement déguisé » en lien avec le projet de délocalisation partiel en Tchetchénie, justifié par des raisons économiques. Elle a par ailleurs indiqué ceci : « Je note que suite à cette évaluation, - Un Plan d’Accompagnement Individuel (PAI) a été bâti unilatéralement durant mon arrêt maladie, qu’il m’a été présenté pour signature le premier jour de mon retour au travail et qu’il est à très courte échéance (3 mois).

-  Les objectifs qui figurent dans ce PAI sont imposés et non co-construits avec mon manager.

-  Les dates de réalisation de chaque objectif sont particulièrement rapprochées.- De nouvelles tâches sont mentionnées, avec d’avantage de formalisation, exigeant un investissement supplémentaire et plus d’efforts ».

Cependant, la cour constate que Mme X ne produit aucun élément de preuve permettant de remettre en cause sa notation et son PAI, alors qu’aux termes de son courrier du 4 août 2017, elle a renoncé à contester son évaluation 2016 afin de « se consacrer à son plan d’accompagnement », qu’elle a finalement signé sans réserve le 19 avril 2017. Concernant la demande de prolongation du PAI de 3 à 12 mois, l’employeur était libre de ne pas y accéder au titre de son pouvoir de direction, étant observé qu’une prolongation de 2 mois, jusqu’au 31 août 2017, avait déjà été accordée du fait des arrêts maladie subis par la salariée. En outre, ce refus apparaît justifié, dès lors que la mise en œuvre d’un PAI doit conduire à une réaction rapide du salarié afin de redresser son niveau de performance, de sorte qu’une extension à un an n’est pas compatible avec le résultat attendu. Enfin, la demande de Mme X concernant une formation en management s’avérait manifestement prématurée au regard des insuffisances constatées, sur lesquelles elle devait au préalable se concentrer.

Dans ces conditions, les manquements reprochés ne sont pas établis.

-  l’initiation d’une procédure de licenciement manifestement infondée et irrégulière à sonencontre : elle explique avoir été convoquée à un entretien préalable au licenciement, alors que l’employeur, informé de son mandat de conseiller du salarié, n’avait pas demandé d’autorisation de licenciement à l’inspection du travail.

Cependant, comme le relève l’employeur, la procédure de licenciement initiée le 9 novembre 2017 a été abandonnée à l’issue de l’entretien préalable du 20 novembre 2017.

Le manquement n’est pas caractérisé, étant observé que la salariée a poursuivi la relation de travail pendant près de 4 mois après l’abandon de la procédure de licenciement.

-  la dispense d’activité rémunérée illicite du fait de sa qualité de salariée protégée : elle explique avoir fait l’objet d’une dispense d’activité à compter du 8 décembre 2017 sans son accord, en raison de prétendues répercussions de son comportement sur l’état de santé de certains collaborateurs et s’être vue supprimer ses accès informatiques, sans son accord et sans l’autorisation de l’inspection du travail.

L’employeur répond que ce grief est non avéré dès lors que Mme X a été écartée pour des raisons de sécurité à la suite des plaintes de salariés justifiant qu’une enquête CHSCT soit diligentée. Il ajoute que cette dispense d’activité était d’autant plus justifiée qu’il ressort des résultats de l’enquête du 13 février 2018 que les faits dénoncés étaient avérés.

L’employeur communique en pièce n°32 un courrier signé par 4 salariés le 7 décembre 2017 dénonçant une situation de souffrance consécutive au comportement de Mme X :

« Monsieur le Responsable des Ressources Humaines,

Par la présente, nous tenons à vous informer de la situation extrêmement délicate dans laquelle notre collectif de travail se trouve depuis plusieurs mois, et que nous ne pouvons plus désormais tolérer. Depuis les absences répétées de notre collègue  X courant 2017, nous constatons à regret de la part de cette collègue une absence manifeste d’envie de collaborer, de communiquer sur des dossiers communs, voire même d’échanger de banals propos. Bien que sensée être d’un niveau d’expertise supérieur au nôtre compte tenu de son poste, Mme X n’est pas en mesure de nous aider dans certaines opérations de clôture comptable. Un climat délétère s’est ainsi installé dans notre service, où la peur d’adresser un simple courriel à Mme X s’allie à celle d’aggraver une situation déjà si altérée, et que même notre manager ne semble pouvoir solutionner, compte tenu de notre charge de travail en fin d’année, cette situation de souffrance impacte fortement notre travail et risque de remettre en cause la bonne clôture des comptes de fin d’année. Nos conditions de travail, et plus grave encore, notre santé étant en jeu, nous vous saisissons pour qu’il soit remédié au plus vite à cette situation intenable ». 

Dans ce contexte et dans l’attente de l’issue de l’enquête du CHSCT, la dispense d’activité rémunérée, mise en œuvre à titre conservatoire, apparaît régulière et s’imposait à l’employeur au titre de son obligation de sécurité vis-à-vis des quatre collaborateurs ayant dénoncé une situation de souffrance au travail, la salariée en ayant été régulièrement avisée par courrier du 7 février 2018.

L’employeur produit le rapport d’enquête contradictoire déposé par le CHSCT le 13 février 2018, après audition des salariés précités et de Mme X qui conclut comme suit : « La commission d’enquête constate que le comportement de X ainsi que ses insuffisances sont directement à l’origine de la dégradation des conditions de travail des salariés de l’équipe et a des répercussions sur leur état de santé.

La commission d’enquête préconise expressément que X ne réintègre pas le service comptabilité de Novartis.

La commission d’enquête demande à la Direction de prendre les mesures nécessaires pour faire cesser immédiatement un tel comportement au sein de l’entreprise ».

Concernant la suppression alléguée des accès informatiques, la cour constate que l’affirmation de la salariée n’est corroborée par aucun élément probant.

Dans ces conditions, le manquement n’est pas caractérisé.

- le harcèlement moral : elle estime que les 4 premiers manquements caractérisent des méthodes de management constitutives de harcèlement moral.

L’employeur répond que ce grief est non avéré dès lors qu’il ressort des résultats de l’enquête CHSCT communiqués le 26 octobre 2017 que Mme X n’était confrontée à aucune situation de harcèlement moral.

Pour les motifs précités, les manquements susvisés ne sont pas caractérisés.

En outre, l’employeur justifie avoir fait diligenter une enquête par le CHSCT concernant le harcèlement moral dénoncé par Mme X. Or, dans un rapport du 26 octobre 2017, le CHSCT a exclu tout harcèlement moral en ces termes : « Les éléments qui ressortent de l’enquête ne nous permettent pas de confirmer une situation de « harcèlement » ou « d’acharnement ». Il semblerait davantage que Mme X ait des difficultés à répondre aux attendus correspondant à son poste de travail et à son niveau de responsabilité et qu’elle ne veut pas l’admettre.

Sans nier la souffrance de la salariée, il est toutefois surprenant que la Direction de l’Entreprise n’ait pas été sollicitée, ni par la salariée ni par le médecin du travail sur une situation prétendument très grave, ni qu’aucun signe extérieur n’ait alerté ses collègues sur un mal-être tel que décrit dans la saisine initiale du 18 août 2017 ».

L’employeur établit avoir confié une seconde enquête à un organisme extérieur, BPO, qui a confirmé l’absence de harcèlement moral et de preuve d’un comportement inadapté de la part du manager de Mme X le 19 janvier 2018.

En l’état des explications et des pièces fournies, la matérialité d’éléments de fait précis et concordants qui, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral n’est pas démontrée.

-                     un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat : elle explique quemalgré plusieurs demandes du médecin du travail quant à un changement de service, l’employeur n’a pas réagi, provoquant la dégradation de son état de santé.

L’employeur répond que ce grief est non avéré dès lors que Mme X a toujours bénéficié d’un soutien sans faille de la part de son manager et des ressources humaines, que la société a toujours pris en compte les prescriptions du médecin du travail et une enquête CHSCT a été diligentée à la suite de sa plainte pour souffrance au travail alors même que les résultats de cette enquête en date du 26 octobre 2017 démontrent qu’elle n’était confrontée à aucune situation de harcèlement moral.

Il ressort des différents avis du médecin du travail versés aux débats que ce dernier a évoqué un changement de service pour la première fois le 27 juin 2017 en se contentant d’indiquer : « un changement de service devrait être envisagé à l’avenir ». Par ailleurs, dans un  second avis du 8 août 2017, le médecin du travail a relevé que le changement de service était demandé par le médecin spécialiste de Mme X, tout en précisant « mais peut attendre la fin du « plan d’accompagnement » le 31.08.2017 ». Il ne peut donc être considéré que le médecin du travail a demandé à plusieurs reprises le changement de service de la salariée comme affirmé par elle, étant observé que dans le cadre des deux avis suivants des 7 et 14 novembre 2017, il ne l’a plus évoqué.

2.2) Sur le forfait jours privé d’effet et les heures supplémentaires

Dans ces conditions, le manquement n’est pas caractérisé.

-                     l’illicéité de la convention de forfait en jours : elle explique qu’elle n’a pas bénéficié d’unsuivi régulier de sa charge de travail, ni d’un entretien annuel spécifique.

L’employeur répond que Mme X n’a jamais fait état d’une surcharge de travail.

Aux termes des dispositions des articles L.3121-39 et suivants du code du travail dans leur version applicable en l’espèce, la conclusion d’une convention individuelle de forfait en jours doit être prévue par un accord d’entreprise ou, à défaut, par un accord de branche. Elle doit en outre être établie par écrit. Enfin, il appartient à l’employeur d’organiser un entretien annuel portant sur l’organisation du travail, la charge de travail et l’articulation vie privée / vie professionnelle.

Il ressort du contrat de travail signé par les parties le 2 septembre 2014 que Mme X a été soumise à une convention de forfait de 218 jours. Or, comme le soutient la salariée, l’employeur ne justifie pas avoir organisé d’entretien annuel portant sur sa charge de travail. L’employeur ne saurait arguer des stipulations du contrat de travail suivant lesquelles « le Collaborateur veillera à alerter la Société s’il s’avérait que sa charge de travail ne lui permettrait pas de respecter les durées légales maximales de travail effectif, à savoir :

  48 heures par semaine

  10 heures de travail par jour ».

En effet, l'employeur ne peut faire reposer sur le salarié le contrôle de la charge de travail qui lui incombe.

La convention de forfait en jours est par conséquent inopposable à la salariée. Néanmoins, ce manquement de l’employeur perdure depuis la conclusion du contrat, dont il n’a manifestement pas empêché la poursuite pendant 3 ans et demi. Il ne peut donc justifier la prise d’acte.

-                     le non-paiement des 774,80 heures supplémentaires : elle produit un décompte quotidien et hebdomadaire de ses heures supplémentaires qu'elle dit avoir accomplies depuis le 20 février 2015.

L’employeur répond que le tableau produit par la salariée déclenche des heures supplémentaires à partir de la 29ième heure et non à partir de la 36ième heure.

Selon l’article L 3171-4 du code du travail, « En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable ».

Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Mme X communique en pièce n°32 un décompte quotidien et hebdomadaire de ses heures supplémentaires récapitulant :

-  L’heure de début de sa journée de travail ;

-  L’heure de fin de sa journée de travail ;

-  Le nombre d’heures supplémentaires majorées à 125 % et à 150 %.

La salariée présente ainsi, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’elle prétend avoir accomplies permettant à l’employeur d’y répondre utilement.

Or, il doit être rappelé que les heures supplémentaires se décomptent sur la semaine civile, alors que Mme X les a calculées, certaines semaines, par jour (ex : le 2 janvier 2015, les semaines du 9 novembre 2015, des 16, 30 mai 2016, 26 juin 2017). En outre, certains jours, elle ne communique pas ses horaires (ex : les 10, 11, 12 mars, 8 avril, 17 septembre, 20 novembre 2015, 7 janvier, 16 mars, 28 avril, 12, 19 octobre, 9, 16, 23 novembre 2016, 15, 22 février, 8 mars, 10 mai, 15, 29 novembre 2017).

Par ailleurs, la cour constate que Mme X n’a décompté aucune pause déjeuner.

Enfin, comme le relève l’employeur, il apparaît que les calculs réalisés par la salariée sont affectés d’erreurs puisqu’elle a, certaines semaines, retenu, au titre des majorations, un nombre d’heures supérieur à celui du nombre total d’heures supplémentaires. Ainsi, la semaine du 11 au 17 janvier 2016, Mme X considère que l’employeur lui est redevable de 8 heures supplémentaires majorées à 25% alors qu’elle a indiqué n’avoir réalisé que 6,10 heures supplémentaires. Il en va de même pour la semaine suivante ; la salariée réclame le paiement de 8 heures supplémentaires majorées à 25 % alors qu’elle indique n’avoir accompli que 6,45 heures supplémentaires. La même erreur affecte les calculs des semaines des 7 et 21 mars 2016.

Une autre erreur altère le calcul de la semaine du 28 mars 2016 puisque Mme X retient 11,70 heures supplémentaires alors qu’elle indique avoir travaillé 39,70 heures.

Il en ressort que la cour dispose des éléments suffisants pour évaluer le rappel de salaire dû à Mme X au titre des heures supplémentaires à la somme de 1 245 euros, outre les congés payés afférents, soit 124,50 euros. Le jugement déféré sera infirmé sur ce point. Ce manquement ne peut cependant justifier la prise d’acte compte tenu du volume limité d’heures supplémentaires accomplies sur une période de 3 années.

- le travail dissimulé : la salariée soutient que l’employeur ne pouvait ignorer qu’elle travaillait ainsi sans être déclarée ni rémunérée, de sorte qu’il ne fait aucun doute qu’il s’est soustrait intentionnellement au paiement de son salaire.

Cependant, le caractère intentionnel de la dissimulation d’emploi par l’employeur n’est pas démontré, dès lors d’une part que Mme X était soumise à une convention de forfait en jours n’impliquant pas un contrôle des horaires de la salariée et d’autre part, que le volume d’heures supplémentaires retenu sur la période de 3 ans est très limité.

Dans ces conditions, le manquement n’est pas établi et le jugement déféré doit être confirmé en ce qu’il a débouté la salariée de sa demande indemnitaire de ce chef.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que Mme X échoue à rapporter la preuve d’un ou de plusieurs manquements imputables à l’employeur ayant empêché la poursuite du contrat de travail.

Le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu’il a fait produire à la prise d’acte de la rupture du contrat de travail de Mme X les effets d’une démission et débouté la salariée de l’ensemble de ses demandes indemnitaires.

Si l’employeur sollicite, aux termes du dispositif de ses écritures, la condamnation de Mme X au paiement de la somme de 13 412,88 euros correspondant au préavis que cette dernière aurait dû effectuer, la cour constate que cette demande ne fait l’objet d’aucun développement dans les motifs des conclusions de l’employeur en méconnaissance des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile.

 

En outre, en page 20 de ces écritures, il est « demandé à la cour de confirmer le jugement rendu par le conseil de

prud’hommes de Nanterre et ainsi débouter Mme X de l’intégralité de ses demandes et de la condamner à verser à la société la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ».  Il n'y a donc pas lieu à statuer sur cette demande.

2.3) Sur la remise d’un certificat de travail et d’une attestation Pôle emploi :

Compte tenu de la solution du litige, la demande ne peut prospérer. Le jugement est confirmé sur ce point.

2.4) Sur les intérêts :

Les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale seront dus à compter de la réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation.

2.5) Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Compte tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera confirmée du chef des dépens, mais infirmée du chef des frais irrépétibles. Par application de l'article 696 du code de procédure civile, chacune des parties conservera la charge de ses dépens de première instance et d'appel.

Par ailleurs, l’équité commande de laisser aux parties la charge de leurs frais irrépétibles.

Frédéric CHHUM avocat et ancien membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)

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A propos de l'auteur
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Maître Frédéric CHHUM est membre du conseil de l'ordre des avocats de Paris (2019-2021). Il possède un bureau secondaire à Nantes et à Lille.

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