Il dit que la rupture produit les effets d’un licenciement sans cause.
M6 a interjeté appel du jugement du conseil de prud’hommes de Nanterre.
1) Faits
Monsieur X a été engagé en qualité de Chef Coiffeur par la société anonyme METROPOLE TELEVISION dans le cadre de contrats de travail à durée déterminée d'usage, sur la période courant du 22 février 2007 au 30 novembre 2007, puis à compter du 8 février 2018 jusqu'au 13 mars 2020.
La société est soumise à la convention collective nationale de la Télédiffusion et à l'accord d'entreprise M6.
Le dernier contrat à durée déterminée d'usage de Monsieur X a pris fin le 13 mars 2020. Après cette date, la société METROPOLE TELEVISION n'a plus proposé de collaboration à Monsieur X.
Celui-ci s'en est ému auprès de la direction des ressources humaines du Groupe M6 par courrier en date du 9 septembre 2020. La société a répondu à Monsieur X, par courrier en date du 30 septembre 2020, rédigé en ces termes :
« Comme vous le savez, à la suite de l'annonce du confinement, le Groupe M6 a dû faire face à de très nombreuses annulations de campagnes publicitaires, consécutives au désinvestissement massif des annonceurs, que ce soit en télévision, en radio ou sur le digital.
Les antennes ont ainsi été confrontées à une forte baisse d'activité, de nombreuses productions ont été mises à l'arrêt, l'ensemble des tournages et quasiment toutes les post-productions ont été suspendes. Métropole Télévision a donc été fortement impactée. En outre, pour respecter les mesures sanitaires prescrites par les pouvoirs publics, les activités de coiffure et de maquillage ont dû être arrêtées temporairement.
Au terme de la période de confinement, un projet de mutualisation des vacances coiffures/maquillages, qui était déjà à l'étude avant la crise sanitaire, a été accélérée afin de pérenniser ces activités.
L'organisation de ces activités a donc été modifiée au travers de la mise en place de la polyvalence des salariés permanents entre ces deux métiers.
Cette nouvelle organisation permet ainsi de recourir à une vacation mutualisée maquillage/coiffage, les maquilleurs permanents étant désormais amenés à exercer l'activité de coiffure et les coiffeurs permanents à effectuer les séances maquillage dans une perspective de développement des compétences.
Cette organisation initiée en juillet dernier est à ce jour en phase d'évaluation induisant ainsi un recours réduit à l'emploi des intermittents sur les activités maquillage/coiffage. Néanmoins, cette nouvelle organisation, une fois évaluée et testée, ne conduira pas à une absence de recours à l'emploi d'intermittents du spectacle sur ces activités.
Dans ce cadre, en fonction des besoins, nous pourrons donc continuer à vous proposer des collaborations au travers de contrats à durée déterminée d'usage ponctuels (...) »
C'est dans ces conditions que Monsieur X a adressé à la société METROPOLE TELEVISION un nouveau courrier en date du 4 novembre 2020, aux termes duquel il sollicitait, à titre principal, sa réintégration dans l'entreprise. Cette correspondance est restée sans réponse de la part de la société METROPOLE TELEVISION.
Monsieur X a saisi le bureau de jugement du conseil des prud'hommes de Nanterre par requête enregistrée le 1er février 2021, considérant que ses contrats de travail à durée déterminée d'usage successifs devaient être requalifiés en contrat à durée indéterminée et que la rupture de la relation contractuelle devait s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse. A l'audience de jugement du 23 novembre 2021 les conseillers se sont mis en partage de voix.
L'affaire a été ainsi évoquée à l'audience du 2 octobre 2023 sous la présidence du juge départiteur.
A l'audience de départage, Monsieur X, représenté, sollicite du conseil de prud'hommes :
- Requalifier les CDD d'usage successifs en contrat à durée indéterminée à temps plein avec reprise de l'ancienneté au 22 février 2007, subsidiairement au 21 février 2018 ;
- Fixer sa rémunération mensuelle de référence à la somme de 676,88 euros bruts ;
- Dire et juger que la survenance du terme du dernier contrat à durée déterminées d'usage le 13 mars 2020 s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- Condamner METROPOLE TELEVISION à lui verser les sommes suivantes :
10.000 euros à titre d'indemnité de requalification ;
2.030,64 euros à titre de rappel de prime de 13ème mois ;
2.030,64 euros à titre de rappel de prime de fin d'année ;
1.353,75 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
135,37 euros bruts au titre des congés payés afférents ;
4.416,64 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, subsidiairement 709,78 euros ;
7.784,12 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, subsidiairement 2.369,08 euros ;
4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Ordonner la remise d'une attestation Pôle emploi et d'un certificat de travail sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
- Ordonner les intérêts légaux sur les indemnités de rupture à compter de la convocation devant le Bureau de jugement ;
- Ordonner les intérêts légaux pour les autres indemnités à compter du prononcé du jugement à intervenir ;
- Ordonner l'exécution provisoire du jugement en applications de l'article 515 du code de procédure civile ;
- Ordonner le remboursement des allocations chômage en application de l'article L.1235-4 du code du travail.
2) Prétentions des parties
Au soutien de ses prétentions, sur la requalification de sa relation contractuelle en contrat à durée indéterminée, Monsieur X indique qu'il n'y a pas d'usage constant de ne pas recourir à un CDI pour l'emploi de chef coiffeur et que l'emploi de coiffeur constitue une activité normale et permanente de la société METROPOLE TELEVISION, ce qui faisait obstacle à ce que la relation de travail repose sur des CDD d'usage.
Il fait valoir que l'interruption de la relation de travail pendant plusieurs années de 2007 à 2018 ne fait pas obstacle à ce que la requalification de ses CDD d'usage successifs en CDI prenne effet au premier jour de son engagement par la société METROPOLE TELEVISION.
Il ajoute que les CDD d'usage successifs le liant à la société devant être requalifies en contrat a durée indéterminée, le terme du dernier CDD d'usage doit s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ce qui lui ouvre droit au bénéfice d'une indemnité compensatrice de préavis et à l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En défense, la société METROPOLE TELEVISION, présente et assistée, sollicite du conseil des prud'hommes de débouter Monsieur X de l'ensemble de ses demandes.
Elle expose que la crise sanitaire a conduit la société à une nouvelle organisation des activités de coiffure/maquillage afin de limiter le nombre de salariés en présentiel et a diminué ses besoins de ce chef, ce qui explique pourquoi elle n'a plus fait appel au demandeur postérieurement au 13 mars 2020.
Elle argue que la demande de requalification des CDD d'usage en CDI est prescrite pour la période antérieure à 2018.
Elle fait valoir que dans le secteur de l'audiovisuel et de l'information il est d'un usage constant de ne pas recourir au CDI pour l'emploi de Chef Coiffeur.
La société soutient par ailleurs que Monsieur X ne travaillait jamais un même nombre de jours chaque mois et qu'il n'était fait appel à lui que de manière ponctuelle lorsqu'une production nécessitait qu'un coiffeur permanent lui soit dédié, ce qui démontre que son emploi ne correspondait pas à une activité normale et permanente de la société.
Elle ajoute que la collaboration avec le demandeur était discontinue, en lien principalement avec un unique programme de télévision, et que Monsieur X avait plusieurs employeurs et ne se tenait pas à la disposition de la société METROPOLE TELEVISION.
Elle fait par ailleurs valoir que selon les termes de l'accord d'entreprise la prime de fin d'année constitue la prime de 13° mois.
3) Motifs de la décision
Le conseil de prud'hommes de Nanterre, présidé par le juge départiteur, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition auprès du greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,
REQUALIFIE les contrats à durée déterminée d'usage de Monsieur X en un contrat à durée indéterminée avec la société METROPOLE TELEVISION à compter du 8 février 2018 ;
FIXE le salaire mensuel de référence de Monsieur X à la somme de 611,29 euros (six cent onze euros et vingt-neuf centimes) ;
DIT que la rupture de la collaboration entre Monsieur Ali BEKACEM et la Société METROPOLE TELEVISION s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
En conséquence,
CONDAMNE la Société METROPOLE TELEVISION à verser à Monsieur X les sommes suivantes :
- 611,29 euros (six cent onze euros et vingt-neuf centimes) à titre d'indemnité de requalification,
- 1.919,59 euros (mille neuf cent dix-neuf euros et cinquante-neuf centimes) à titre de rappel de prime de fin d'année, dite prime de13ème mois,
- 1.222,58 euros (mille deux cent vingt-deux euros et cinquante-huit centimes) à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 122,25 euros (cent vingt-deux euros et vingt-cinq centimes) au titre des congés payés afférents,
- 641,85 euros (six cent quarante-et-un euros et quatre-vingt-cinq centimes) à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 2.139,51 euros (deux mille cent trente-neuf euros et cinquante-et-un centimes) à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
ORDONNE la remise à Monsieur X de l'attestation Pôle emploi et d'un certificat de travail conformes à la présente décision dans le mois de sa notification ;
RAPELLE que les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de jugement et que les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter de la date de la présente décision ;
ORDONNE le remboursement par la Société METROPOLE TELEVISION aux organismes concernés des indemnités de chômage qu'ils ont versées à Monsieur X à compter du jour de son licenciement jusqu'au jour de la présente décision, à concurrence de six mois ;
DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;
CONDAMNE la Société METROPOLE TELEVISION à verser à Monsieur X la somme de 1.200 euros (mille deux cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société METROPOLE TELEVISION aux entiers dépens.
Les demandes des parties tendant à voir « dire et juger » ne constituent pas des prétentions au sens des dispositions de l'article 4 du code de procédure civile et ne donneront pas lieu à mention au dispositif.
3.1) Sur la requalification des contrats de travail à durée déterminée d'usage successifs en un contrat de travail à durée indéterminée
L'article L. 1242-1 du code du travail dispose qu'un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lie à l'activité normale et permanente de l'entreprise.
L'article L.1242-2 du code du travail permet le recours au contrat de travail à durée déterminée dits d'usage dans le cas d'emplois pour lesquels il est d'usage constant de ne pas recourir aux contrats à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère, par nature temporaire, de ces emplois. Les secteurs d'activité dans lesquels ces contrats sont conclus sont déterminés par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu.
L'article D.1242-1 du code du travail vise l'audiovisuel parmi les secteurs d'activité dans lesquels, en application de l'article susvisé, des contrats à durée déterminée peuvent être conclus.
Selon l'article L. 1245-1 du code du travail, est réputé à durée indéterminée tout contrat conclu en méconnaissance notamment des dispositions des articles L. 1242-1 à L.1242-4 du code du travail.
Deux conditions doivent donc être réunies pour entrer dans ce cas de recours : la première tient au secteur d'activité, la seconde à la nature temporaire de l'emploi pourvu. En effet, le seul fait qu'un secteur d'activité figure dans la liste fixée par l'article D.1242-1 du code du travail ou par l'accord de branche étendu dont relève l'entreprise ne suffit pas à justifier le recours à un contrat à durée déterminée d'usage pour tous les emplois de ce secteur. Il faut également qu'il soit d'usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison du caractère par nature temporaire de l'emploi concerné.
Sur la détermination des emplois relevant d'un contrat à durée déterminée d'usage, un accord collectif, même étendu, ne lie pas le juge. Ainsi, dans le secteur de l'audiovisuel, la présence de tel ou tel emploi dans la liste des emplois pour lesquels il peut être recouru au CDD d'usage dans l'accord national de branche de la télédiffusion, ne dispense pas le juge, en cas de litige, de vérifier concrètement l'existence de raisons objectives établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi concerné.
De même, l'accord-cadre européen sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999, mis en œuvre par la directive 1999/70/CE du 28 juin 1999, en ses clauses 1 et 5, qui a pour objet de prévenir les abus résultant de l'utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours à l'utilisation de contrats à durée déterminée successifs est justifié par des raisons objectives qui s'entendent de l'existence d'éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi.
Ainsi, pour être valable, le CDD d'usage doit être conclu pour une émission précise, un spectacle donné, un enseignement particulier, selon le secteur, et rester limité dans le temps.
En l'espèce, si la société METROPOLE TELEVISION exerce son activité dans le secteur de l'audiovisuel, lequel est bien mentionné par l'article D.1242-1 du code du travail comme un secteur dans lequel des contrats à durée déterminée d'usage peuvent être conclus, si la fonction de Chef Coiffeur est bien mentionnée dans la liste 1 des fonctions/fonctions filières pour lesquelles les CDD d'usage sont autorisés et si le règlement d'assurance chômage prévoit le principe de l'indemnisation des intermittents du spectacle engagés au poste de Coiffeur en CDD d'usage par des entreprises dont l'activité est l'édition de chaines généralise, l'accord-cadre européen du 18 mars 1999 précité impose, au cas d'espèce, de vérifier que le recours à des CDD d'usage successifs pour l'emploi de Monsieur X en qualité de Chef Coiffeur était justifié par des circonstances précises et concrètes établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi considéré. Les dispositions conventionnelles invoquées en défense ne peuvent en effet suffire à constituer à elles seules une raison objective au sens de la clause 5.1 de la directive communautaire du 28 juin 1999.
En l'espèce, Monsieur X a été engagé en qualité de Chef Coiffeur par CDD d'usage successifs, sur une première période de 8 mois et une semaine, du 22 février 2007 au 30 novembre 2007, puis sur une période continue de plus de deux ans, du 8 février 2018 au 13 mars
2020.
S'agissant de la première période d'emploi de Monsieur X, le demandeur ne produit pas les contrats à durée déterminée d'usage conclus. Par ailleurs, il n'est pas porté à la connaissance du Conseil les jours et les heures travaillés par le salarié durant cette période au bénéfice de la société METROPOLE TELEVISION. Le Conseil n'est donc pas mis en mesure par le demandeur d'apprécier si son emploi en 2007 était ou non lié à une émission donnée, d'une durée limitée dans le temps et de ce fait temporaire.
Dans ces conditions, la demande de requalification des contrats à durée déterminés à usage successifs conclus par les parties entre le 22 février 2022 et le 30 novembre 2007 sera rejetée.
En revanche, s'agissant de la période d'emploi de Monsieur X entre le 8 février 2018 et le 13 mars 2020, 1l ressort des éléments produits en demande que la société METROPOLE TELEVISION a fait appel au requérant tous les mois sur un période de plus deux ans, à raison d'une à cinq reprises par mois. Par ailleurs, s'il est établi par les contrats à durée déterminée d'usage produits aux débats que Monsieur X est principalement intervenu en qualité de Chef Coiffeur pour l'émission « le 12.45 », il a également été employé par la société pour deux autres émissions de la chaîne M6. Au demeurant, l'émission « le 12.45 » n'est pas une émission « temporaire » de la chaîne, justifiant de ce fait un recours temporaire à l'emploi d'un Chef Coiffeur.
Du reste, il ressort des débats que l'activité de coiffeur est une activité durable et permanente de la société, dès lors que cette dernière admet employer en son sein des « coiffeurs permanents » pour faire face à ses besoins habituels de coiffure des intervenants sur les émissions télévisées. Et si l'employeur soutient que Monsieur X n'était sollicité que lorsque les coiffeurs permanents étaient dédiés à une production particulière les empêchant d'assurer leurs missions sur d'autres programmes, il n'en rapporte pas la preuve. Les termes de la lettre de réponse de la société au demandeur en date du 30 septembre 2020 mettent par ailleurs en exergue le fait que c'est la crise sanitaire qui a accéléré une réorganisation des métiers de maquillage / coiffure au sein de l'entreprise et justifié la rupture de sa relation contractuelle avec Monsieur X, et non la fin d'un besoin temporaire de coiffure, liée, par exemple, à l'échéance d'une émission ou d'un spectacle en particulier.
Ainsi, les circonstances particulières de la répétition systématique (tous les mois) de l'engagement de Monsieur X pendant plus de deux années consécutives, de manière continue et sans interruption notoire dans le temps, en qualité de Chef Coiffeur, démontrent que son emploi par le biais de CDD d'usage successifs n'était pas par nature temporaire ni justifié par des raisons objectives mais répondait à un besoin structurel et non occasionnel et temporaire de la société METROPOLE TELEVISION.
Par conséquent, il convient de requalifier la relation de travail en un contrat à durée indéterminée à compter du 8 février 2018.
3.2) Sur la rupture de la relation contractuelle
3.2.1) Sur la requalification de la rupture du contrat en licenciement sans cause réelle et sérieuse
La relation de travail entre Monsieur X et la Société METROPOLE TELEVISION sur la période courant du 8 février 2018 au 13 mars 2020 s'inscrivant dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, sa rupture ne peut se matérialiser, à défaut de rupture amiable entre les parties, que par une prise d’acte ou une démission claire et non équivoque du salarié ou par un licenciement de l’employeur.
Or la rupture de la relation contractuelle est intervenue à l'initiative de l'employeur, qui a rompu la collaboration de Monsieur X en ne lui fournissant plus de travail après son dernier contrat à durée déterminée d'usage en date du 13 mars 2020, sans motif réel et sérieux.
Suite à la requalification en CDI de la relation de travail, l'arrêt définitif de fourniture de travail et de paiement corrélatif de salaire rend la rupture imputable à l'employeur, et est constitutif, en l'absence de motif et de lettre de licenciement, d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le courrier de la société en date du 30 septembre 2020, sans observation de la procédure de licenciement, informant Monsieur X de la rupture de la collaboration en raison de la réorganisation des activités de coiffure/maquillage en son sein, s'analyse effectivement en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Pour évaluer l'indemnisation due à Monsieur X, il convient au préalable de fixer son salaire mensuel de référence.
3.2.3) Sur le salaire mensuel de référence
L'article R.1234-4 du code du travail dispose que le salaire à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, soit le douzième de la rémunération des douze derniers mois précédant le licenciement, soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n'est prise en compte que dans la limite d'un montant calculé a due proportion.
En l'espèce, dès lors qu'il s'agit de la formule la plus avantageuse pour le salarié, il y a lieu de retenir le tiers des trois derniers mois de salaires de Monsieur X précédant la rupture de relation de travail, à savoir les mois de décembre 2019, janvier 2020 et février 2020, pour calculer salaire mensuel de référence.
Le salaire mensuel moyen ainsi obtenu est de 516,59 euros [(577,59 +423,19+549) / 3 = 516,59].
En ajoutant la prime de 13ème mois que Monsieur X aurait dû percevoir en tant que salarié permanent de la société METROPOLE TELEVISION et compte tenu des congés payés, il convient de fixer ainsi le salaire de référence de Monsieur X : 516,59 euros x 110% (congés payés) + (516,59 euros x 110%) / 12 mois (prime de 13ème mois) = 611,29 euros.
3.2.4) Sur l'indemnité de requalification
L'article L.1245-2 du code du travail dispose que lorsque le conseil de prud'hommes fait droit à la demande de requalification en contrat à durée indéterminée du salarié, il doit accorder au salarié concerné une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire. Cette indemnité a pour objet de sanctionner l'employeur qui recourt abusivement aux contrats de travail à durée déterminée afin de pourvoir un poste permanent et est destinée à compenser le préjudice résultant de la précarité subie par le salarié. Cette indemnité peut dépasser la valeur d'un mois de salaire, si le conseil estime que les circonstances de l'espèce l'exigent.
En l'espèce, compte tenu de la requalification des CDD d'usage de Monsieur X et en considération des caractéristiques de la relation de travail liant les parties, il convient de condamner la société METROPOLE TELEVISION à verser au demandeur la somme de 611,29 euros, équivalant à un mois de salaire, à titre d'indemnité de requalification.
3.2.5) Sur le rappel de treizième mois et le rappel de prime de fin d'année
Si Monsieur X sollicite dans le dispositif de sa requête le versement du rappel de treizième mois et le rappel de prime de fin d'année, il résulte de l'article 3.4 de l'accord d'entreprise produit au débat que ces deux primes - primes de treizième mois et prime de fin d'année - se confondent.
Au regard des dispositions de l'article 3.4 de l'accord d'entreprise auxquelles il est renvoyé, Monsieur X est fondé à solliciter le versement d'une prime de fin d'année, dite prime de treizième mois, à hauteur de 1.919,59 euros, correspondant au total des sommes suivantes :
11/12ème des appointements du mois de décembre 2018 (soit 11/12 x 915 euros (paiement du 7 décembre 2018) = 838,75)
Total des appointements du mois de décembre 2019 (soit 366 euros (paiement du 6 décembre) + 577,59 (paiement du 31 décembre) = 943,59)
Et 3/12* des appointements du mois de mars 2020 (soit 3/12 x 549 (paiement du 6 mars
2020) = 137,25)
3.2.6) Sur l’indemnité compensatrice de préavis
Aux termes de l'article 10-2 de l'accord d'entreprise M6, la durée du préavis correspondant à l'emploi de Monsieur X était de deux mois.
En l'espèce, du fait de la requalification en contrat à durée indéterminée, l'employeur ne pouvait rompre la relation de travail au terme du dernier contrat conclu.
Dès lors, le défaut d'exécution du préavis résulte de l'action fautive de l'employeur et celui-ci est tenu de payer une indemnité compensatrice de préavis. Par conséquent, il convient de condamner la Société METROPOLE TELEVISION à verser à Monsieur X la somme de 611,29 euros x 2 mois = 1.222,58 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 122,25 euros au titre des congés payés afférents (10%).
3.2.7) Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement
L'article 10-2 de l'accord d'entreprise M6 prévoit que l'indemnité de licenciement ne peut être inférieure à ½ de mois de salaire par année d'ancienneté.
Au 13 mars 2020 (date du terme de son dernier CDDU), le demandeur justifiait d'une ancienneté de 2,10 années.
Il y lieu de condamner la société TELEVISION METROPOLE à verser la somme de 641,85 euros [(1/2 salaire mensuel de référence x 2,10] à Monsieur X au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement.
3.2.8) Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Selon l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version applicable au présent litige, lorsque le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, en l'absence de réintégration du salarié dans l'entreprise, le juge octroie au salarié dont l'ancienneté est de plus de 2 ans une indemnité dont le montant est compris entre 3 et 3,5 mois de salaire.
Au regard des caractéristiques de la relation contractuelle liant Monsieur X à la société METROPOLE TELEVISION, il y a lieu de condamner la Société à verser au demandeur la somme de 2.139,51 euros (salaire mensuel de référence x 3,5) à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
3.2.9) Sur la remise des documents
Il convient d'ordonner la remise à Monsieur X de l'attestation Pôle emploi et d'un certificat de travail conformes à la présente décision dans le mois de sa notification. Il n'y pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
3.2.10) Sur le remboursement des indemnités de chômage versées à Monsieur Y
En application de l'article L.1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner le remboursement par la société METROPOLE TELEVISION aux organismes sociaux concernés des indemnités de chômage qu'ils ont versées à Monsieur X à concurrence de six mois.
3.2.11) Sur les demandes accessoires
En vertu des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales ainsi que la somme allouée à titre d'indemnité de licenciement sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de jugement, tandis que les créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement.
Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, la société METROPOLE TELEVISION, succombant à l'instance, sera condamnée aux dépens. Il serait inéquitable que Monsieur X supporte l'intégralité de ses frais irrépétibles. En conséquence, la société METROPOLE TELEVISION sera condamnée à lui verser la somme de 1.200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
L'exécution provisoire, compatible avec la nature de l'affaire et justifiée par l'objet et l'ancienneté du litige, sera ordonnée sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile.
Frédéric CHHUM avocat et ancien membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)
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