1) Des strictes conditions de validité du CDD d’usage
De forme, d’abord, puisque le CDD doit être écrit et comporter un certain nombre de mentions obligatoires[1] - mais également de fond puisque ses cas de recours sont limitativement énumérés par la loi[2].
S’agissant plus précisément des CDD dits d’usages, très usités dans le cas des intermittents du spectacle, ils ne sont licites qu’à trois conditions[3].
L’employeur doit appartenir à un des secteurs visés par décret ou par convention ou accord collectif étendu, autorisant le recours aux CDDU. Il doit être d'usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée (CDI) pour l’emploi concerné en raison de la nature de l'activité exercée. Enfin, l’employeur doit justifier du caractère par nature temporaire de l’emploi.
Sur cette troisième condition, la Cour de cassation retient une analyse restrictive du caractère temporaire de l'emploi et exige de la part de l’employeur qu’il démontre l’existence d’éléments concrets permettant d’établir ce caractère temporaire[4].
Or, si l’une ou l’autre de ces conditions - qu’elle soit de forme ou de fond - vient à manquer, le contrat est présumé être à durée indéterminée. Le salarié est alors fondé à demander la requalification de son (ou ses) CDD en CDI devant le Conseil de prud’hommes.
2) Pourquoi demander une requalification en CDI ?
Les emplois pourvus par des CDD, en raison de leur caractère temporaire, sont vecteurs de précarité, à l’inverse du CDI caractérisé par sa stabilité.
Le salarié dont le contrat de travail est requalifié en CDI y trouve également des avantages conventionnels (salariaux comme sociaux) réservés aux salariés en CDI ou encore, en matière d’allocations chômage puisque la durée d’indemnisation à laquelle il pourra prétendre en cas de perte involontaire de son emploi en sera augmentée ; il pourra aussi augmenter ses cotisations en termes de retraite et donc prétendre, à terme, à une pension plus élevée.
Par l’effet de la requalification de ses CDD, le salarié est réputé avoir occupé l’emploi en CDI depuis sa première embauche et a donc droit à une reconstitution de carrière et à une régularisation de sa rémunération, sous réserve de la prescription applicable[5].
Enfin, à condition que le salarié démontre qu’il était à la disposition permanente de son employeur, la requalification en CDI ouvre droit à un rappel de salaire qui peut vite s’avérer important puisqu’il correspond aux salaires qui auraient du être perçus pendant les périodes intercalaires entre deux contrats[6].
3) Quand demander une requalification en CDI ?
Le salarié ne doit pas tarder puisque la prescription de l’action est désormais de 2 ans[7].
Le salarié engagé sous CDD d’usage peut demander la requalification de ses CDD en CDI à tout moment, que son CDD soit (ou non) en cours lors de sa demande.
Paradoxalement, il peut être plus protecteur pour le salarié de demander la requalification de ses CDD en CDI, lorsqu’il est toujours « en poste ». En effet, en cas de succès, il sera directement intégré sous CDI au sein de l’entreprise, dans les mêmes conditions que celles dans lesquelles il travaillait sous CDD.
Si cette démarche peut sembler risquée pour le salarié qui peut craindre des représailles de la part de son employeur, les juges s’astreignent à faire respecter le droit fondamental d’agir en justice garanti par l’article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Ainsi, tout licenciement d’un salarié qui vise à le sanctionner d’avoir engagé une action prud’homale est nul car prononcé en violation d’une liberté fondamentale. Le juge peut alors ordonner la poursuite du contrat de travail ou prononcer la nullité du licenciement/de la rupture et ordonner la réintégration du salarié à la demande de ce dernier[8].
A ce titre, la Cour de cassation a par exemple pu juger que la rupture anticipée des CDD de 8 salariés de France Télécom était de nul effet car elle faisait suite à leur action prud’homale[9].
4) Comment demander une requalification en CDI ?
Le salarié peut en informer son employeur par LRAR. De plus, la demande judiciaire de requalification en CDI se fait par simple saisine du Conseil de prud’hommes, par le salarié ou par l’intermédiaire de son avocat.
Le salarié est amené à formuler sa demande de requalification, soit à temps complet soit à temps partiel, ainsi qu’à fournir une première évaluation chiffrée de ses demandes.
L’affaire est entendue dans des délais assez brefs puisque les demandes de requalification en CDI échappent à la phase de conciliation préalable et passent directement devant le bureau de jugement du Conseil de prud’hommes dans un délai d’un mois suivant la saisine[10].
Frédéric CHHUM Avocat à la Cour
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[1] Article L.1242-12 du Code du travail
[2] Articles L.1242-1 à L.1242-4 du Code du travail
[3] Articles L. 1242-1, L. 1242-2, L. 1244-1 et D. 1242-1 du Code du Travail
[4] Cass. Soc. 23 janv. 2008, n°06-43040 et 06-44197
[5] Cass. Soc. 6 nov. 2013, n° 12-15953
[6] Cass. Soc. 12 févr. 2014, n°12-28135 ; Cass. Soc. 19 sept. n°11-18020
[7] Article L. 1471-1 du code du travail (L. n°2013-504 du 14 juin 2013)
[8] Article L.1235-1 du Code du travail ; Cass. Soc. 9 oct. 2013, n°12-17882 ; Cass. Soc. 12 déc. 2013, n°12- 27383
[9] Cass. Soc. 6 février 2013, 11-11740 et a., FP+P+B+R
[10] Article L. 1245-2 du Code du Travail