La réponse donnée par la Cour d’appel de Paris le 5 novembre 2020 est … non !
Après avoir été déboutée par le conseil de prud’hommes de Paris, une maquilleuse obtient, devant la Cour d’appel de Paris, la requalification de la succession de CDDU durant 16 ans en CDI. En effet, bien que dans le secteur de l’audiovisuel le recours au CDDU soit admis, l’emploi de la maquilleuse n’était pas par nature temporaire.
Par conséquent, la rupture de la relation contractuelle par la société s’analyse en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
1) Les faits et la procédure
Mme X a été engagée par la société Les Productions Grundy, devenue Grundy France puis FremantleMedia France, par une succession de contrats à durée déterminée d’usage (lettres d'engagement) à compter du 20 janvier 2000, d’abord en qualité de maquilleuse, statut employé, puis en qualité de chef maquilleuse, statut employé puis cadre jusqu'au mois de décembre 2015 et enfin à compter du mois de février 2016, à nouveau en qualité de maquilleuse, non cadre. Le dernier engagement conclu entre les parties date du 21 septembre 2016, pour deux journées, les 21 et 22 septembre.
La société FremantleMedia France a pour activité la production audiovisuelle, et produit notamment les émissions “Questions pour un champion”, “oui, Chef”, ou “super Nanny”. Elle emploie plus de dix salariés et applique la convention collective de la production audiovisuelle.
Mme X a été principalement affectée à l’émission “Questions pour un champion”.
Le 2 juin 2016, Mme X a saisi le conseil de prud'hommes de Paris d'une demande de requalification de ses contrats à durée déterminée d'usage en un contrat à durée indéterminée.
Par jugement du 6 novembre 2017, notifié le 19 janvier 2018, le conseil de prud'hommes a débouté Mme X de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée aux dépens.
Pour statuer ainsi, le conseil a notamment considéré que Mme X s'est toujours vue remettre une lettre d'engagement et une fiche de paie fixant expressément son statut d'intermittence attachée à une production déterminée pour le temps de l'enregistrement concerné.
Mme X a interjeté appel de ce jugement le 13 février 2018.
2) Arrêt de la Cour d’appel de Paris du 5 novembre 2020 (Pôle 6 – Chambre 6)
La Cour d’appel infirme le jugement du conseil de prud’hommes de Paris du 6 novembre 2017, sauf en ce qu’il a rejeté la demande au titre du harcèlement moral.
Statuant à nouveau, elle :
- déclare recevable l’action en requalification ;
- dit que la relation contractuelle est requalifiée en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 20 janvier 2000 ;
- dit que la rupture de la relation contractuelle le 22 septembre 2016 doit s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- condamne la société FremantleMedia France à payer à Mme X les sommes suivantes :
· 1 500 euros à titre d’indemnité de requalification,
· 4 493,11 euros bruts au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
· 2 139,58 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 213,95 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
· 7 000 euros bruts au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
· 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- dit que les créances salariales produiront intérêts à compter de la convocation de l’employeur devant le bureau de jugement et les créances indemnitaires à compter de ce jour ;
- dit que la société devra remettre à la salariée un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes à la présente décision et rejette la demande d’astreinte ;
- rejette les demandes au titre de l’indemnité de précarité et afférentes au statut de cadre ;
- ordonne le remboursement par la société FremantleMedia France aux organismes concernés des indemnités de chômage qu’ils ont versées le cas échéant à Mme X à compter du jour de la rupture du contrat, jusqu’à la date de la présente décision et ce à concurrence de six mois ;
- condamne la société FremantleMedia France aux dépens de première instance et d’appel.
Au total, l’intermittent du spectacle obtient 15 207 euros bruts.
2.1) L’action en requalification fondée sur le motif de recours non prescrite
La société FremantleMedia France fait valoir que la salariée a saisi le conseil de prud'hommes le 2 juin 2016 sous le coup d'une prescription biennale de l'action et que les règles de prescription doivent s'apprécier à compter de chaque engagement en ce qui concerne les irrégularités afférentes à la formation du contrat, que seule demeure hors champ de la prescription la période comprise entre le 11 juin 2014 et le 22 septembre 2016.
La salariée rétorque qu’elle sollicite la requalification de l’ensemble de ses contrats à durée déterminée, du fait notamment du caractère permanent de son emploi, que le point de départ de la prescription n'est pas le même selon que l'action est fondée sur l'absence d'une mention au contrat ou sur l'existence d'une succession de contrats de travail à durée déterminée destinée à pourvoir durablement un emploi.
L’article L.1471-1 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la loi n°2013-504 du 14 juin 2013, énonce que “Toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.”
Le délai de prescription d'une action en requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée fondée sur une irrégularité formelle du contrat a pour point de départ la date de chaque engagement, alors que le délai de prescription d'une action en requalification d'un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée fondée sur le motif du recours a pour point de départ le terme du contrat ou, en cas de succession de contrats à durée déterminée, le terme du dernier contrat. Par ailleurs, les effets de la requalification de contrats à durée déterminée successifs en contrat à durée indéterminée remontent à la date de conclusion du premier contrat à durée déterminée irrégulier.
Ayant saisi le conseil de prud’hommes le 2 juin 2016, avant le terme de son dernier contrat intervenu le 22 septembre 2016, la demande de Mme X en requalification de la relation contractuelle fondée sur une irrégularité de fond tenant au motif du recours n’est pas prescrite.
2.2) La succession de CDDU requalifiés en CDI
Mme X soutient que la société FremantleMedia France n'a pas respecté ni les dispositions de forme relatives aux contrats à durée déterminée d'usage et notamment l'établissement d'un écrit à plusieurs reprises entre les années 2000 et 2014, ni les prescriptions de fond prévues aux articles L.1242-1 et L. 1242-2 du code du travail qui prévoient en particulier qu’un contrat à durée déterminée ne peut avoir ni pour objet, ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise. Elle fait valoir que pendant plus de 16 ans, elle était en charge du maquillage des présentateurs et candidats de plusieurs émissions produites par son employeur, dont c’était l’activité normale et permanente.
Selon la société intimée, un usage constant, validé par la loi et les partenaires sociaux, autorise le recours au contrat à durée déterminée d’usage pour les fonctions de maquilleuse et chef maquilleuse exercées par Mme X en son sein et la signature d'accords collectifs par les partenaires sociaux qui ont une connaissance exacte et précise des emplois concernés doit être regardée comme une raison objective au sens de la clause 5 de l'accord cadre européen sur le travail à durée déterminée du 18 mars 1999 mis en oeuvre par la directive n° 1999/70 du 28 juin 1999. Elle considère également que la collaboration de Mme X sur les cinq dernières années était irrégulière, puisque de 6 jours par mois en moyenne, et dépendait des besoins exprimés par le chargé de production ou l’animateur.
Selon l'article L. 1242-1 du code du travail, “un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise”.
2.2.1) Recours au CDDU admis dans le secteur de l’audiovisuel, et notamment pour les emplois de maquilleur
L'article L.1242-2 du code du travail permet de recourir à des contrats à durée déterminée dits d'usage dans certains secteurs d'activité définis par décret, pour des emplois pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois et notamment dans les secteurs du spectacle, de l’audiovisuel ou de la production cinématographique.
S’il résulte de la combinaison des articles L. 1242-1, L. 1242-2, L. 1245-1 et D. 1242-1 du code du travail, que dans les secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats à durée déterminée lorsqu’il est d’usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, et que des contrats à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié, l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999, mis en oeuvre par la directive numéro 1999/70/CE du 28 juin 1999, en ses clauses 1 et 5, qui a pour objet de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours à l’utilisation de ces contrats est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi concerné.
La société FremantleMedia France, qui a employé Mme X, exerce son activité dans le secteur de l’audiovisuel, lequel est mentionné par l’article D. 1242-1 du code du travail comme secteur dans lequel des contrats à durée déterminée d’usage peuvent être conclus. Par ailleurs, les accords collectifs applicables à la relation contractuelle, notamment la convention collective de la production audiovisuelle, prévoient que la conclusion de contrat à durée déterminée d'usage est autorisée pour les emplois de maquilleur et chef maquilleur successivement occupés par la salariée.
2.2.2) Absence in concreto du caractère par nature temporaire de l’emploi de maquilleuse occupé par Mme X
S’agissant des raisons objectives, la société renvoie, de façon inopérante, aux accords collectifs puisque la détermination par accord collectif de la liste précise des emplois pour lesquels il peut être recouru au contrat de travail à durée déterminée d’usage ne dispense pas le juge, en cas de litige, de vérifier concrètement l’existence d’éléments établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi occupé par Mme X.
De même, les développements de la société sur le nombre de jours travaillés par Mme X et le rythme de conclusions des contrats à durée déterminée ne sont pas plus pertinents puisqu’ils relèvent de son choix d’organiser le travail en son sein et ne dépendent donc que de sa volonté. Au demeurant, une activité intermittente n’est pas exclusive d’un emploi permanent étant relevé que l’article L. 3123-34 du code du travail définit le contrat de travail intermittent comme un contrat à durée indéterminée qui peut être conclu pour pourvoir un emploi permanent. En réalité, la justification concrète du recours à des contrats à durée déterminée successifs ne peut résulter que de l’examen de la nature réelle de l’emploi concerné et non des contrats qui ont été conclus par les parties, quelle que soit la qualification donnée par elles. De même, la volonté du salarié ou les activités qu’il a pu déployer par ailleurs, le cas échéant au profit d’autres employeurs, sont sans conséquence sur la nature, temporaire ou non, des emplois de maquilleur et de chef maquilleur pour lesquels la société a recouru à des contrats à durée déterminée.
La société fait également valoir que des incertitudes pesaient sur la pérennité de son activité puisque c’est le succès rencontré par le programme qui décide de sa reconduction ou des ajustements à apporter à sa production et fait état, précisément s’agissant de l’émission “Questions pour un champion” à laquelle était affectée Mme X, du renouvellement de la formule avec un nouvel animateur et un nouveau plateau.
Or, le caractère aléatoire des programmations ou des émissions n’est qu’une illustration de l’aléa économique auquel sont soumis toutes les entreprises exerçant dans le secteur marchand et ne saurait en aucune manière révéler la nature temporaire de l’emploi pour lequel les contrats à durée déterminée ont été conclus. En outre, si un programme télévisuel peut être amené à disparaître, il n’en demeure pas moins que l’activité même de la société consiste à produire de tels programmes, qu’ils soient maintenus ou renouvelés au fil des saisons, afin qu’ils soient diffusés tout au long de l’année. Ainsi, les fonctions de la salariée qui consistaient à maquiller les intervenants de ces émissions (présentateur ou invités) sont indispensables à la société FremantleMedia France, dont l'objet social est la production de programmes audiovisuels, le fait qu’elle ait été engagée principalement pour participer à un programme déterminé est inopérant à établir le caractère temporaire de l’emploi occupé.
Enfin, force est de constater que la société ne produit aucun élément sur les emplois de maquilleuse et de chef maquilleuse effectivement occupés par la salariée, susceptible de démontrer leur caractère temporaire et d’établir notamment qu’ils requéraient des compétences techniques ou artistiques spécifiques et il apparaît au contraire que les emplois occupés par Mme X relevaient manifestement de l'activité permanente et durable de l'entreprise et de son besoin structurel, et non ponctuel, en personnel, étant observé que la salariée a travaillé régulièrement et quasiment tous les mois entre 2000 et 2016.
La requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée est ainsi justifiée à compter du 20 janvier 2000, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres motifs d’irrégularité invoqués par la salariée à l’appui de sa demande. Le jugement déféré est infirmé de ce chef.
2.3) Rupture de contrat s’analysant en licenciement sans cause réelle et sérieuse
Lorsqu’un contrat à durée déterminée est requalifié en contrat à durée indéterminée, en cas de rupture ultérieure des relations contractuelles à l’initiative de l’employeur, les règles applicables au licenciement doivent être respectées.
La rupture est intervenue à l'initiative de l'employeur qui a rompu la collaboration, en ne fournissant plus de travail à Mme X après le 22 septembre 2016, sans qu’une procédure de rupture n’ait été engagée et notamment sans qu’une lettre de licenciement ne lui soit adressée.
En conséquence, la rupture du contrat de travail à durée indéterminée s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et ouvre droit à la salariée aux indemnités de rupture, outre une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement sera infirmé en ce sens.
2.4) Les demandes pécuniaires de la salariée
A titre liminaire, il convient de rappeler que la salariée, dont les contrats de travail à durée déterminée ont été requalifiés en contrat à durée indéterminée, est réputée avoir occupé un emploi à durée indéterminée depuis le jour de sa première embauche et son ancienneté doit, dès lors, se calculer à compter de cette même date, peu important que la relation de travail ne soit pas constituée d'une succession ininterrompue de contrats mais ait connu des périodes non travaillées.
2.4.1) Rappel de salaire consécutif au statut de cadre
Mme X soutient qu’elle s’est vu retirer, depuis le 26 février 2016 le statut de cadre de manière injustifiée alors qu’elle continuait d’exercer le même emploi de chef maquilleuse, ce qui a entraîné une baisse de sa rémunération, ne percevant plus que 200 euros bruts par jour au lieu de 300 auparavant et préjudicié nécessairement à ses droits à la retraite.
La requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne portant que sur le terme du contrat, elle n'affecte pas les autres clauses de ces contrats notamment celles relatives à la qualification ou à la rémunération.
Il ressort de l’examen des lettres d’engagement signées par les parties qu’à compter de l’année 2016, la salariée a été engagée en qualité de maquilleuse, statut non cadre, pour une rémunération de 200 euros bruts par jour.
Etant rappelé qu’il appartient au salarié qui se prévaut d’une classification différente de celle dont il bénéficie de démontrer qu’il assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu’il revendique, la circonstance que des contrats à durée déterminée antérieurs aient mentionné le statut de cadre avec une rémunération supérieure est inopérante, faute pour la salariée de justifier que les fonctions réellement exercées sur l’année 2016 relevaient effectivement de ce statut.
La demande de rappel de salaires et de cotisation à la caisse de retraite des cadres pour la période du 26 février 2016 au 22 septembre 2016 sera donc rejetée.
2.4.2) Quant au salaire de référence
Il n’y a pas lieu de déterminer un salaire brut mensuel ou annuel de référence puisque les différentes indemnités sollicitées par la salariée ne sont pas calculées sur la même assiette.
En outre, il n’y a pas lieu, contrairement à ce que sollicite la salariée en violation des dispositions légales sur les assiettes des indemnités, de retenir, pour le calcul de celles-ci, les salaires perçus avant l’année 2016, au motif de la baisse postérieure de la collaboration entre les parties. En effet, la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme de la relation contractuelle et n’a pas eu d’effet sur la durée du travail régulièrement convenue entre les parties. De même, Mme X considère que “la diminution brutale et fautive” du nombre de jours travaillés à partir de l’année 2016 doit être considérée comme un manquement grave de la société à ses obligations contractuelles, sans établir l’existence d’un engagement de cette dernière à l’employer un certain nombre de jours par mois.
2.4.3) L’indemnité de requalification accordée
Conformément à l’article L. 1245-2 du code du travail, en cas de requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée, le juge doit allouer au salarié une indemnité de requalification qui ne peut être inférieure au dernier salaire mensuel reçu avant la saisine du conseil de prud’hommes.
La salariée fait valoir la situation d’instabilité dans laquelle elle s’est trouvée pendant 16 années.
Compte tenu de la durée de la relation contractuelle pendant laquelle Mme X a été maintenue dans une situation professionnelle précaire et du salaire perçu tel qu’il ressort des fiches de paie produites, il sera fait droit à la demande d’indemnité de requalification à hauteur de la somme de 1 500 euros.
2.4.4) L’indemnité de précarité rejetée
Mme X considère qu’une indemnité de précarité est due par son employeur pour les dates d’engagement où aucun contrat écrit n’a été signé, soit 10% de la rémunération versée.
Toutefois, l’ensemble des contrats étant requalifié en une seule relation de travail à durée indéterminée, aucune indemnité de précarité ne saurait être due.
Cette demande sera donc rejetée.
2.4.5) L’indemnité de licenciement accordée
L’article V.1.2.2 de la convention collective de la production audiovisuelle prévoit une indemnité conventionnelle de licenciement, pour les salariés à partir de 10 ans d’ancienneté de
“2/10 de mois de salaire par année ou fraction d'année d'ancienneté, plus 1/10 de mois de salaire par année ou fraction d'année d'ancienneté au-delà de 10 ans”.
Dès lors, compte tenu de la moyenne des salaires des douze derniers mois travaillés, telle qu’elle ressort des fiches de paie et lettres d’engagement produites aux débats, et de l’ancienneté de la salariée de 16 années, il convient de lui allouer une indemnité de licenciement de 4 493,11 euros bruts.
2.4.6) L’indemnité compensatrice de préavis
En application de l’article L. 1234-1 du code du travail, Mme X avait droit à un préavis de deux mois.
Conformément à l’article L. 1234-5 du code du travail, l’indemnité compensatrice de préavis doit correspondre à la rémunération brute que la salariée aurait perçue si elle avait travaillé pendant la période du délai-congé.
Du fait de la requalification en contrat à durée indéterminée, l’employeur ne pouvait rompre la relation de travail du fait de l’arrivée du terme du dernier contrat conclu.
Dès lors, le défaut d’exécution du délai-congé résulte de son action fautive et il est tenu de payer une indemnité compensatrice de préavis qui sera fixée à la somme de 2 139,58 euros, outre 213,95 euros au titre des congés payés afférents, eu égard à la rémunération perçue par la salariée les douze derniers mois travaillés.
2.4.7) L’indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse
La salariée, dont l’ancienneté est supérieure à deux années dans une entreprise employant plus de dix salariés, est en droit d’obtenir, conformément à l’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, une indemnité qui ne peut être inférieure aux six derniers mois de salaire, au titre de son licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Mme X fait valoir que la relation contractuelle a été rompue alors qu’il ne lui est absolument rien reproché, qu’elle ne retrouvera vraisemblablement pas un emploi comparable compte tenu de son ancienneté, de son âge (55 ans) et d’un marché particulièrement limité. Elle justifie de la perception d’allocations Pôle Emploi d’octobre 2016 à février 2020.
Au regard du montant de sa rémunération, de son ancienneté dans l’entreprise et de son âge, des justificatifs produits sur sa situation postérieure, l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sera fixée à la somme de 7 000 euros bruts.
En application de l’article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d’ordonner le remboursement par la société aux organismes concernés, parties au litige par l’effet de la loi, des indemnités de chômage qu’ils ont versées le cas échéant à Mme X à compter du jour de la rupture du contrat, jusqu’au jour du présent arrêt et ce à concurrence de six mois.
2.4.7) L’harcèlement moral non caractérisé
Au visa de l'article L. 1152-1 du code du travail qui dispose que “aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel”, Mme X invoque le retrait illicite de sa qualification de cadre en 2016, ainsi que la diminution de son temps de travail.
Sur le retrait illicite de la qualification de cadre, Mme X n’établit pas que sur la période litigieuse elle en occupait les fonctions. Ce fait n’est donc pas établi.
Sur le temps de travail, s’il ressort effectivement des lettres d’engagement produites aux débats que sur l’année 2016, la collaboration de Mme X avec la société a diminué par rapport aux années précédentes, comme précédemment développé, la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée n’a pas emporté d’effet sur les clauses des contrats à durée déterminée successifs portant sur la durée du travail et signées par les parties. Ce seul élément est donc insuffisant à laisser présumer l’existence d’un harcèlement moral et la demande à ce titre sera donc rejetée.
2.4.8) Les autres demandes
Conformément aux articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances de nature salariale porteront intérêt à compter de la convocation de l’employeur devant le conseil de prud’hommes, alors que les créances indemnitaires porteront intérêt au taux légal à compter de la décision qui les ordonne.
La société devra remettre à la salariée un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conforme à la présente décision, sans qu’il soit nécessaire d’ordonner une astreinte, La société FremantleMedia France, partie condamnée, devra supporter les entiers dépens et payer à Mme X la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Frédéric CHHUM avocat et membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)
Giulia Marcie juriste
CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille)
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