Il obtient un rappel de salaires de 6 700 euros du fait de l’application des minima conventionnels pour les forfaits jours dans le bâtiment, il obtient également 11 000 euros pour non-paiement d’heures supplémentaires, la forfait jours ayant été jugé privé d’effet.
Enfin le licenciement économique est jugé sans cause du fait de l’absence de recherche de reclassement, le salarié obtenant 20 000 euros de dommages intérêts et 2000 euros au titre de l’article 700 du CPC.
1) EXPOSÉ DU LITIGE
Monsieur X a été engagé par la SAS COBALT, ayant une activité d'entreprise générale du bâtiment, par contrat de travail à durée déterminée du 24 novembre 2014 au 24 mai 2015, puis par contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de chef de chantier au statut cadre, moyennant un salaire mensuel brut de 3,463,22 euros pour un forfait annuel de 218 jours.
La relation de travail était régie par la convention collective des cadres du bâtiment.
Le 21 octobre 2020, Monsieur X était convoqué pour le 3 novembre 2020 å un entretien préalable à un éventuel licenciement pour motif économique.
Le 20 novembre 2020, le salarié acceptait le contrat de sécurisation professionnelle qui lui avait été proposé dans le cadre de l'entretien et le contrat de travail était rompu le 25 novembre 2020.
Contestant son licenciement et invoquant divers manquements de son employeur au cours de l'exécution du contrat de travail, Monsieur X a saisi le conseil de prud’hommes pour solliciter des rappels de salaires, des indemnités et des dommages et intérêts.
Par jugement du 15 décembre 2021, le tribunal de commerce de Nanterre provoquait la liquidation judiciaire de la société COBALT et désignait Maître Patrick LEGRAS DE GRANDCOURT en qualité de mandataire liquidateur.
Ce dernier, ainsi que l'AGS, étaient appelés à la présente procédure.
Lors de l'audience de départage, Monsieur X a fait valoir, concernant l'exécution du contrat de travail, que la société COBALT n'avait pas respecté le salaire minimum conventionnel, qu'il exerçait en réalité les fonctions de conducteur de travaux, que sa convention de forfait en jours n'était pas valable et qu'il avait effectué de nombreuses heures supplémentaires. Concernant la rupture du contrat de travail, Monsieur X a contesté le motif économique, a soutenu que l'employeur n'avait pas respecté son obligation de reclassement ni les critères d'ordre des licenciements. Ses demandes sont précisées ci-dessus.
Maitre Patrick LEGRAS DE GRANDCOURT, ès qualité de mandataire liquidateur, n’était ni présent ni représenté.
L'AGS CGEA IDF OUEST a sollicité le rejet des demandes et rappelé les limites de sa garantie.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées par les parties à l'audience du 22 mai 2024 pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.
2) MOTIFS DE LA DÉCISION
Le Conseil, présidé par le juge départiteur statuant seul en l'absence de tout conseiller, publiquement, par jugement réputé-contradictoire et en premier ressort, rendu par mise à disposition au greffe,
DIT nulle la convention de forfait annuel en jours conclue entre les parties le 1er mai 2015.
DIT que le licenciement de Monsieur X le 25 novembre 2020 est sans cause réelle et sérieuse ;
FIXE la créance de Monsieur X au passif de la SAS COBALT aux sommes suivantes:
- 6.136,33 euros à titre de rappel de salaires en application des minimas conventionnels,
- 613.36 euros au titre des congés payés afférents,
- 10.398.61 euros à titre de rappel de salaires pour les heures supplémentaires effectuées,
- 1.039,86 euros au titre des congés payés afférents,
- 20.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
ORDONNE à Maitre Patrick LEGRAS DE GRANDCOURT, ès qualité de mandataire liquidateur de la SAS COBALT, la remise à Monsieur X d'un bulletin de salaire récapitulatif, d'un certificat de travail et de l'attestation France Travail conformes au présent jugement :
DIT le jugement opposable à l'AGS-CGEA d'lle de France Ouest dans le cadre de la garantie prévue aux articles L3253-8 et suivants du Code du travail et dans la limite du plafond applicable des articles L3253-17 et D3253-5 du Code du travail :
ORDONNE l'exécution provisoire :
DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes:
ORDONNE l'emploi des dépens en frais privilégiés de la liquidation judiciaire.
2.1) Sur l'exécution du contrat de travail
2..1.1) Sur le salaire conventionnel pour un salarié en forfait jours
Monsieur X sollicite un rappel de salaires pour la période du mois de janvier 2018 au mois d'octobre 2019 au motif que la société COBALT ne lui a pas appliqué le salaire minimum prévu par la convention collective pour le statut de cadre au forfait jours et au coefficient 120. Il précise que son employeur avait, à sa demande, régularisé la situation uniquement à partir du mois d'octobre 2019.
L'AGS réplique que les avenants conventionnels prévoyant les minimas ne sont pas étendus et que le salarié ne justifie pas que la société COBALT était adhérentes aux organisations patronales signataires.
Toutefois, dès lors que par courrier du 24 octobre 2019, l'employeur a régularisé la situation pour la période postérieure au mois d'octobre 2019 en invoquant une simple erreur matérielle de son expert-comptable, le Conseil juge que la société COBALT a volontairement appliqué les avenants qui lui sont donc opposables.
Il convient donc de faire droit à la demande de rappel de salaires et de fixer la créance de Monsieur X au passif de la société COBALT à la somme de 6.136.13 euros et de 613,36 euros au titre des congés payés afférents.
2.1.2) Sur le forfait annuel en jours
Il est de principe que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires, une amplitude et une charge de travail raisonnable ainsi qu'une bonne répartition du travail dans le temps.
Les mécanismes de contrôle et de suivi régulier de l'amplitude et de la charge de travail mis en œuvre doivent permettre à l'employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable.
En l'espèce, le contrat de travail de Monsieur X stipulait, au titre de la durée du travail, que le salarié était soumis à un forfait annuel en jours et que sa situation serait examinée lors d'un entretien annuel portant sur sa charge de travail et l'amplitude de ses journées d'activité, l'organisation du travail dans l'entreprise, l’articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale ainsi que sa rémunération.
Or, il n'est justifié d'aucun entretien de ce type entre les parties au cours de la relation de travail.
Dès lors, la convention de forfait conclue par Monsieur X et la société COBALT doit être déclarée nulle et ce dernier est bien fondé à solliciter le paiement d'heures supplémentaires.
2.1.3) Sur les heures supplémentaires
Il résulte des dispositions des articles L3171-2, alinéa 1er, L. 3171-3, et L. 3171-4 du code du travail, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
Monsieur X sollicite un rappel de salaire de 17.346,10 euros au titre d'heures supplémentaires réalisées entre le 5 février 2018 et le 17 mars 2020. II soutient qu'il a effectué 527 heures supplémentaires pendant cette période.
Il produit à cet égard :
- un tableau mentionnant pour chaque jour de la période précitée l'heure de prise de poste, l'heure de fin de poste, un temps de pause quotidien de 1 heure, le nombre heures de travail par semaine, soit la plupart du temps et au plus 41.5 heures, le nombre d’heures supplémentaires par rapport à la durée légale de 35 heures, ainsi que le montant du rappel de salaire dû à ce titre, des relevés de pointage pour 5 semaines en 2018 mentionnant le plus souvent 40 heures de travail par semaine, un relevé de pointage du mois de février 2019 illisible et donc inexploitable et des relevés de pointage du mois d'octobre 2019 dont il ressort qu'il travaillait 39 heures par semaine.
Ces éléments sont suffisamment précis quant aux heures non rémunérées que le requérant prétend avoir accomplies.
En défense, aucune pièce n'est produite sur les heures de travail effectuées par le salarié pendant la période précitée.
Compte tenu de ces éléments et du fait que Monsieur X disposait d'une liberté importante dans l'organisation de son travail de sorte que l'amplitude de ses journées de travail ne peut être considérée comme correspondant systématiquement à un travail effectif, le Conseil a la conviction que le requérant a effectué des heures supplémentaires, mais dans une proportion moindre qu'il allègue et lui alloue dès lors la somme de 10.398.61 euros correspondant à 39 heures de travail hebdomadaire.
Il convient également d'allouer au requérant la somme de 1.039,86 euros au titre des congés payés afférents.
En revanche, le dépassement du contingent annuel de 220 heures supplémentaires n'ayant pas été atteint en 2019, Monsieur X sera débouté de sa demande au titre du repos compensateur fondée sur les articles L3121-30 D3121-24 du code du travail.
Le requérant sera également débouté de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé fondée sur les articles L.8221-5 et L8223-1 du code du travail dès lors qu'il n'établit pas que c'est intentionnellement que la société COBALT n'a pas déclaré les heures supplémentaires qu'il a effectuées, alors au surplus qu'il était soumis à un forfait annuel en jours.
Enfin, Monsieur X ne justifiant ni de l'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur ni d'un préjudice à ce titre qui justifierait de lui allouer, en sus des sommes précitées, des dommages et intérêts, il sera débouté de sa demande à ce titre.
2.2) Sur la rupture du contrat de travail
2.2.1) Sur l'obligation de reclassement
En application de l'article L1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique ne peut intervenir que lorsque les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement du salarié dans l'entreprise, ou dans les entreprises situées sur le territoire national du groupe auquel l'entreprise appartient, n'est pas possible.
L'obligation de reclassement est un élément justificatif du licenciement économique : si l'employeur ne satisfait pas à son obligation, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et c'est à l'employeur qu'incombe la charge de prouver qu'il n'a pas pu reclasser le salarié.
En l'espèce, il n'est pas contesté que la SAS COBALT appartient au groupe MPA GROUPE composé de deux filiales: les sociétés COBALT et INDIGO 21
Or, il n'est justifié ni de recherches de reclassement au sein du groupe MPA GROUPE ni de l'impossibilité de reclassement de Monsieur X au sein du groupe.
En conséquence, le licenciement doit être jugé sans cause réelle et sérieuse sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens invoqués par de requérant au titre de la rupture du contrat de travail.
En revanche, Monsieur X
sera débouté de sa demande d'indemnité pour inobservation de l'ordre des licenciements dès lors qu'il ne peut prétendre, en sus de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à une indemnité à ce titre.
3) Sur les conséquences
En application de l'article L.1235-3 du code du travail, Monsieur X, qui avait une ancienneté de six ans dans la société COBALT, laquelle employait 18 salariés, est fondé á solliciter une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre trois et sept mois de salaire brut.
Compte tenu des rappels de salaires auxquels le Conseil fait droit au titre des minimas conventionnels et des heures supplémentaires, le salaire mensuel brut moyen de Monsieur X, sur les douze derniers mois, s'élevait à la somme de 4.204,30 euros.
Le requérant était âgé de 45 ans lorsqu'il a été licencié.
Il a bénéficié du contrat de sécurisation professionnelle. Il a ensuite été admis au bénéfice de l'allocation de retour à l'emploi le 14 septembre 2021 et au 30 avril 2022, il avait bénéficié de 216 allocations journalières dont le montant n'est pas précisé.
Il ne justifie pas de sa situation professionnelle et financière depuis lors.
Compte tenu de ces éléments, il convient de lui allouer la somme de 20.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En outre, conformément aux articles L3243-2 et R1234-9 du code du travail, le mandataire liquidateur devra remettre au requérant un certificat de travail, une attestation France Travail et un bulletin de salaire récapitulatif conformes au présent jugement. En revanche, l'astreinte n'apparaissant pas justifiée, elle ne sera pas ordonnée.
4) Sur la garantie de l'AGS
Il convient de dire que le jugement est opposable à l'AGS-CGEA d'Ile de France Ouest dans le cadre de la garantie prévue aux articles L3253-8 et suivants du code du travail et dans la limite du plafond applicable des articles L3253-17 et D3253-5 du Code du travail.
5) Sur les demandes accessoires
Aux termes de l'article L 622-28 du code du commerce, le cours des intérêts légaux est interrompu au jour de l'ouverture de la procédure collective de sorte que le requérant sera débouté de sa demande tendant à voire ordonner les intérêts légaux à compter du prononcé du jugement.
Par ailleurs, l'exécution provisoire est compatible avec la nature de l'affaire, qui est ancienne. de sorte qu'elle sera ordonnée.
En outre, l'équité commande d'allouer à Monsieur X la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Enfin, l'emploi des dépens en frais privilégiés de liquidation judiciaire sera ordonné.
Frédéric CHHUM avocat et ancien membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)
CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille)
e-mail: chhum@chhum-avocats.com
https://www.instagram.com/fredericchhum/?hl=fr
.Paris: 34 rue Petrelle 75009 Paris tel: 0142560300
.Nantes: 41, Quai de la Fosse 44000 Nantes tel: 0228442644
.Lille: : 45, Rue Saint Etienne 59000 Lille – Ligne directe +(33) 03.20.57.53.24