Le Conseil de prud’hommes, constatant que le contrat de travail conclu entre les parties le 16 avril 2018, dont la période renouvelée une fois devait échoir le 16 octobre 2018, n’avait pas été rompu dans les formes au moment de son transfert à la société BNP PARIBAS REAL ESTATE, en conclut que le transfert de Madame X s’inscrivait dans le cadre d’une mobilité intra-groupe et que le contrat de travail signé le 1er octobre 2018 s’inscrit dans la continuité de celui signé le 16 avril 2018 et prend la forme d’un CDI à compter du 16 octobre 2018.
Dès lors, la rupture du 16 janvier 2019 doit s’analyser en un licenciement sans cause et non comme une rupture de période d’essai.
La Juriste Copropriété de BNP PARIBAS REAL ESTATE obtient, au total, la somme de somme de 16 766,69 euros bruts.
1) Rappel des faits et de la procédure : engagement à compter du 16 avril 2018 par BNP PARIBAS REAL ESTATE PROPERTY MANAGEMENT puis transfert à BNP PARIBAS REAL ESTATE le 1er octobre 2018
Madame X a été initialement engagée par BNP PARIBAS REAL ESTATE PROPERTY MANAGEMENT en CDI le 16 avril 2018, en qualité de Gestionnaire, niveau C1.
Son contrat de travail prévoyait une période d’essai de trois mois qui a été renouvelée le 2 juillet 2018 pour trois mois supplémentaires.
Face à la vacance du poste de Juriste Copropriété au sein de BNP PARIBAS REAL ESTATE (autre filiale de BNP), Madame X a postulé pour cet emploi.
Le 22 juin 2018, Monsieur Y, directeur de la Business Unit, a indiqué que la mobilité de Madame X était actée et que le transfert serait au plus tard le 31 octobre 2018.
En août 2018, BNP PARIBAS REAL ESTATE lui a confirmé son souhait de voir Madame X intégrer son nouvel emploi de Juriste Copropriété.
Madame X a ainsi été transférée à BNP PARIBAS REAL ESTATE le 1er octobre 2018, pour exercer en qualité de Juriste Copropriété.
Ce nouveau contrat de travail prévoyait une période d’essai de 4 mois calendaires, soit jusqu’au 31 janvier 2019.
Madame X a intégré le poste de Juriste Copropriété, emploi vacant depuis 2 mois au sein de BNP PARIBAS REAL ESTATE.
Lors de sa prise de poste, sa nouvelle supérieure hiérarchique, Madame S lui a simplement indiqué que tout était dans l’ordinateur et qu’elle devait « être curieuse ».
A compter du 10 octobre 2018, Madame X a considéré être victime de harcèlement moral et de harcèlement managérial de la part de Madame S.
Cela s’est traduit notamment par des humiliations fréquentes de Madame S l’encontre de Madame X, en présence de ses collègues.
Madame X a alerté à plusieurs reprises sa hiérarchie quant à ces humiliations et à sa souffrance au travail.
Ainsi, le 19 octobre 2018, Madame X a alerté Monsieur F quant aux humiliations subies.
Le 9 novembre 2018, face à l’absence de réponse de sa hiérarchie, Madame X a alerté Monsieur M, Président du Directoire, afin de solliciter un rendez-vous.
Madame X lui a également indiqué que son médecin l’avait placé en arrêt maladie du fait d’une tension élevée.
Malgré cela, aucune mesure n’a été prise.
Le 10 décembre 2018, Madame X a adressé à Monsieur G, International HR Business Partner, un courriel d’alerte lui indiquant notamment « après avoir dressé le bilan de mon intégration au sein de l’équipe de Madame S, il apparait comme évident que celle-ci ne souhaite pas m’intégrer dans l’équipe, et regrette de m’avoir validé » […] il aurait été à mon sens préférable que celle-ci mette un terme dès le départ à ma période d’essai plutôt que de me « tester » à sa façon ».
De nouveau, aucune mesure n’a été prise par BNP PARIBAS REAL ESTATE pour mettre un terme aux agissements de Madame S.
C’est dans ces conditions que Madame X n’a eu d’autre choix que de solliciter une rupture de son contrat de travail, le 18 décembre 2018, tout en alertant de nouveau la société quant à sa souffrance au travail.
BNP PARIBAS REAL ESTATE a refusé de mettre un terme de façon amiable au contrat de Madame X.
Le 11 janvier 2019, Madame X a envoyé à la société un courrier d’alerte par l’intermédiaire de son conseil, afin de dénoncer le harcèlement moral et managériale qu’elle subissait.
La société a reçu ce courrier le 15 janvier 2019.
Ce courrier avait été doublé d’un courriel à Messieurs G et Z le 11 janvier 2019.
Le conseil de Madame X indiquait également qu’elle entendait saisir le Conseil de prud’hommes en résiliation judiciaire de son contrat de travail.
Le lendemain de la réception du courrier, le 16 janvier 2019, Madame X, a reçu, sans entretien préalable, une lettre remise en main propre, lui notifiant la rupture de sa période d’essai et sa sortie des effectifs aux termes d’un préavis de deux jours.
Le 13 février 2019 BNP PARIBAS REAL ESTATE a répondu à son courrier du 11 janvier 2019 niant les difficultés rencontrées.
Le 23 janvier 2019, Madame X a reçu ses documents de fin de contrat de la part des sociétés BNP PARIBAS REMP et BNP PARIBAS REAL ESTATE.
La société BNP PARIBAS REMP a indiqué dans ce document que Madame X avait démissionné pour un motif de « mobilité interne ».
La société BNP PARIBAS REAL ESTATE indiqué par ailleurs que Madame X exerçait le poste de Juriste droit des affaires sur ses bulletins de paie, ce qui constitue une mention erronée du poste occupé.
C’est dans ces conditions que Madame X n’a eu d’autre choix que de saisir le Conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt afin de contester la rupture de son contrat de travail du 16 janvier 2019.
2) Le jugement du Conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt du 17 juin 2021 (RG F 19/00235)
Par jugement du 17 juin 2021, le Conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, contradictoirement, et en premier ressort :
- Dit que Madame X n’établit pas l’existence de harcèlement moral et la déboute de l’ensemble des demandes qu’elle forme à ce titre ;
- Dit que la période d’essai mentionnée au contrat de travail de Madame X en date du 1er octobre 2018 doit d’analyser en une période probatoire ;
- Dit que la rupture de la période d’essai de Madame X s’analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamne la société BNP REAL ESTATE à lui verser les sommes suivantes :
o 10 615,41 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 1 061,54 euros bruts au titre des congés payés afférents ;
o 589,74 euros à titre d’indemnité légale de licenciement ;
o 3 500,00 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
o 1 000,00 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
- Dit qu’il n’y a pas lieu d’ordonner l’exécution provisoire du présent jugement au-delà des dispositions de l’article R1454-28 du Code du travail ;
- Dit qu’il n’y a pas lieu de déroger aux dispositions de l’article 1231-7 du Code civil qui fixent les règles de calcul de l’intérêt légal ;
- Déboute Madame X de l’ensemble de ses autres demandes ;
- Déboute les sociétés BNP REAL ESTATE PROPERTY MANAGEMENT France et BNP PARIBAS REAL ESTATE dans leur demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamne la société BNP REAL ESTATE aux dépens.
Au total, la Juriste Copropriété de la BNP PARIBAS REAL ESTATE obtient la somme de 16 766,69 euros.
Les parties n’ont pas interjeté appel du jugement.
2.1) Sur le contrat de travail de Madame X et la période d’essai suite à la mobilité intra-groupe, la période d’essai a expiré le 16 octobre 2018, suite à son engagement du 16 avril 2018
Le Conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt rappelle, qu’aux termes de l’article L.1221-19 du Code du travail, le CDI peut comporter une période d’essai dont la durée maximale est de quatre mois pour les cadres.
La période d’essai peut être renouvelée une fois si un accord de branche-étendu le prévoit.
Cet accord fixe les conditions et les durées de renouvellement.
La possibilité de renouvellement est expressément stipulée dans la lettre d’engagement ou le contrat de travail.
La durée de la période d’essai, renouvellement compris, ne peut dépasser (article L.1221-21) huit mois pour les cadres.
En cas de litige, les juges ont la possibilité d’apprécier si la durée de la période d’essai est, ou non, excessive, compte tenu des fonctions exercées par le salarié.
Madame X, initialement engagée par la société BNP PARIBAS REAL ESTATE PROPERTY MANAGEMENT France le 16 avril 2018, en qualité de Gestionnaire, voyait son contrat de travail transféré le 1er octobre 2018 à la société BNP PARIBAS REAL ESTATE, avec reprise d’ancienneté pour exercer en qualité de Juriste Copropriété.
Ce nouveau contrat de travail prévoyait une période d’essai de quatre mois, soit jusqu’au 31 janvier 2019.
Le 16 janvier 2019, Madame X a reçu, sans entretien préalable, une lettre remise en main propre lui notifiant la rupture de sa période d’essai et sa sortie des effectifs aux termes d’un préavis de deux jours.
Le Conseil de prud’hommes, constatant que le contrat de travail conclu entre les parties le 16 avril 2018, dont la période renouvelée une fois devait échoir le 16 octobre 2018, n’avait pas été rompu dans les formes au moment de son transfert à la société BNP PARIBAS REAL ESTATE, en conclut que le transfert de Madame X s’inscrivait dans le cadre d’une mobilité intra-groupe et que le contrat de travail signé le 1er octobre 2018 s’inscrit dans la continuité de celui signé le 16 avril 2018 et prend la forme d’un CDI à compter du 16 octobre 2018.
Le Conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt dit en conséquence :
- Que la période d’essai mentionnée au contrat de travail de Madame X, en date du 1er octobre 2018, doit s’analyser en une période probatoire ;
- Que la rupture du contrat de travail de Madame X, intervenue le 17 janvier 2019, doit être requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- Condamne la société BNP REAL ESTATE à payer à Madame X les sommes suivantes :
o 10 615,41 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 1 061,54 euros bruts au titre des congés payés afférents ;
o 589,74 euros à titre d’indemnité légale de licenciement ;
o 3 500,00 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
2.2) Sur le harcèlement moral et les demandes afférentes
Le Conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt cite l’article L.1152-1 du Code du travail selon lequel : « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».
Le harcèlement moral se définit comme une conduite abusive qui par des gestes, paroles, comportements, attitudes répétées ou systématiques vise à dégrader les conditions de travail d’une personne.
Le salarié qui prétend subir des agissements de harcèlement moral doit en rapporter la preuve, par des éléments matériels précis et concordants.
Le Conseil, après en avoir délibéré et examinés les pièces versées aux débats :
- Constate que Madame X n’apporte nullement la preuve qu’elle aurait été victime de tels agissements, les ares éléments versés aux débats n’étant ni réellement probants ni même constitutifs de faits de harcèlements ;
- Rappelle que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis ;
- L’ensemble des demandes relatives au grief de harcèlement moral formées par Madame X n’étant dès lors pas fondées, elle en sera déboutée, notamment des dommages et intérêts et nullité du licenciement.
Frédéric CHHUM, Avocat à la Cour et Membre du Conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)
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