Cet arrêt clarifie (enfin) la position de la cour de cassation concernant les travailleurs (salariés) des plates-formes numériques.
Les entreprises du secteur vont devoir adapter, sans délai, leur pratique à cette jurisprudence.
Il y a 10 ans, les sociétés de production d’émissions de télé réalité ont fait face à la même problématique (c. cass. 3 juin 2009, arrêts Ile de la tentation). https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_sociale_576/arret_n_12906.html
Elles salarient désormais tous leurs participants.
Peut-être que les entreprises de plates-formes numériques, qui peuvent générer de très gros bénéfices, vont faire de même.
Le législateur va-t-il intervenir pour contrecarrer la jurisprudence de la Cour de cassation ?
La question est passionnante.
1) Livreur à vélo auto entrepreneur d’une plate-forme numérique sollicite devant les prud’hommes une requalification en contrat de travail salarié
Un coursier à vélo de Take Eat Easy auto entrepreneur, a saisi la juridiction prud’homale d’une demande de requalification de la relation contractuelle en contrat de travail.
Take eat easy utilise une plate-forme numérique.
Elle met en relation des restaurateurs partenaires, des clients passant commande de repas par le biais de la plate-forme et des livreurs à vélo exerçant leur activité sous un statut d’indépendant.
Le conseil de prud’hommes et la cour d’appel s’étaient déclarés incompétents pour connaître de cette demande.
La liquidation judiciaire de la société Take it easy a été prononcée entre temps et le liquidateur avait refusé d’inscrire au passif de la liquidation les demandes du coursier en paiement des courses effectuées.
La Cour de cassation tranche dans cet arrêt la question de l’existence d’un lien de subordination unissant un livreur à vélo à la plate-forme numérique.
2) Un livreur à vélo auto entrepreneur de la plateforme numérique Take Eat easy est requalifié en salarié (c. cass. 28 novembre 2018 (n° 17-20079)
Dans son arrêt du 28 novembre 2018, la Cour de cassation rappelle que « l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs ; que le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ».
Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
La cour d’appel de Paris avait rejeté la demande de requalification du contrat aux motifs que le coursier n’était lié à la plate-forme numérique par aucun lien d’exclusivité ou de non-concurrence et qu’il restait libre chaque semaine de déterminer lui-même les plages horaires au cours desquelles il souhaitait travailler ou de n’en sélectionner aucune s’il ne souhaitait pas travailler.
Au visa de l’article L. 8221-6 II du code du travail, la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel en considérant que les juges du fond ne pouvaient pas écarter la qualification de contrat de travail dès lors qu’ils constataient :
- d’une part, que l’application était dotée d’un système de géo-localisation permettant le suivi en temps réel par la société de la position du coursier et la comptabilisation du nombre total de kilomètres parcourus, de sorte que le rôle de la plate-forme ne se limitait pas à la mise en relation du restaurateur, du client et du coursier, et,
- d’autre part, que la société disposait d’un pouvoir de sanction à l’égard du coursier, constatations dont il résultait l’existence d’un pouvoir de direction et de contrôle de l’exécution de la prestation du livreur caractérisant un lien de subordination (cf note explicative de la Cour de cassation).
La Cour de cassation affirme « d’une part, que l’application était dotée d’un système de géolocalisation permettant le suivi en temps réel par la société de la position du coursier et la comptabilisation du nombre total de kilomètres parcourus par celui-ci et, d’autre part, que la société Take Eat Easy disposait d’un pouvoir de sanction à l’égard du coursier, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations dont il résultait l’existence d’un pouvoir de direction et de contrôle de l’exécution de la prestation caractérisant un lien de subordination, a violé le texte susvisé ».
La Cour de cassation renvoie l’affaire devant la Cour d’appel de Paris autrement composée.
Source : site internet de la Cour de cassation
Arrêt du 28 novembre 2018 (17-20079)
https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_sociale_576/1737_28_40778.html
Note explicative relative à l’arrêt n°1737 de la Chambre sociale du 28 novembre 2018 (17-20.079)
https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/notes_explicatives_7002/relative_arret_40779.html
Frédéric CHHUM, Avocats à la Cour (Paris et Nantes)
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