Dans un jugement du 26 février 2021, le Conseil de prud’hommes de Bobigny (départage) répond que non.
L’EDA a interjeté appel des 2 décisions.
Dans ces deux jugements du 26 février 2021 (départage n° RG F n°17/02967 et 17/02968), le juge départiteur requalifie les CDD en CDI de deux responsables transport et PFSE de l’EDA et considère que la rupture des relations contractuelles produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Au total, le premier salarié obtient la somme de 60 843,03 euros (n° RG F n°17/02967) tandis que le second obtient 62 359,37 euros (n° RG F n°17/02967).
1) Rappel des faits
Monsieur X et Y ont été embauchés par l’établissement public à caractère industriel et commercial (ci-après « l’EPIC ») EDA, dans le cadre de plusieurs CDD en qualité de responsable transport ou PFSE sur différents postes à l’étranger.
L’EDA est un EPIC, qui est doté de l’autonomie financière et placé sous la tutelle du ministre de la défense, et qui a pour activité principale d’être une centrale d’achat spécialisée du Ministère de la défense, et assure également le soutien logistique et la fourniture de service, de denrées et de marchandises aux formations militaires et opération à l’étranger.
Monsieur X (RG F n°17/02967) |
Monsieur Y (RG F n°17/02968) |
Monsieur X a travaillé pour l’EDA entre le 28 février 2008 et le 12 novembre 2016. |
Monsieur Y a travaillé pour l’EDA entre le 12 mars 2009 et le 10 août 2016. |
Monsieur X et Y ont saisi le Conseil de prud’hommes de Bobigny par requête enregistrée au greffe le 21 septembre 2017, de demandes de requalification de leurs CDD en CDI et de ses indemnités grand déplacement (ci-après « IGD ») en salaire.
Par lettre recommandée avec accusé de réception (ci-après « LRAR ») signé le 4 octobre 2017, l’EDA a été convoqué à l’audience du bureau de jugement du 16 mai 2018, date à laquelle les deux affaires ont été plaidées.
Après trois prorogations de la date de délibéré et par mention au dossier du 6 mars 2019, le bureau de jugement s’est mis en partage de voix.
Les deux affaires ont été renvoyées à l’audience de départage du 8 septembre 2020 puis à celle du 5 janvier 2021 à la demande du conseil de l’EDA.
À l’audience de départage, Monsieur X et Y, assistés de leur conseil, concluent à la condamnation de l’EDA, avec le bénéfice de l’exécution provisoire et des intérêts légaux, à lui payer les sommes de :
Monsieur X (RG F n°17/02967) |
Monsieur Y (RG F n°17/02968) |
- 10 000 euros à titre d’indemnité de requalification des CDD en CDI ; - 15 785,10 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents sur la base d’un salaire de référence de 5 261,70 euros, subsidiairement 12 106,96 euros outre les congés payés afférents ; - 30 377,55 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement, subsidiairement 23 299,17 euros ; - 60 000 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ; - 31 570,20 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé, subsidiairement 24 213,92 euros ; - 42 768,13 euros à titre de rappel d’IGD du fait de la requalification en CDI ; - 2 316,47 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés afférents à la somme de 23 164,71 euros requalifiée en salaire, et subsidiairement 109,11 euros correspondant à la fraction d’IGD dépassant les limites d’exonération ; - 4 000 euros au titre des frais irrépétibles. |
- 10 000 euros à titre d’indemnité de requalification des CDD en CDI ; - 15 658,11 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents sur la base d’un salaire de référence de 5 219,37 euros, subsidiairement 13 414,20 euros outre les congés payés afférents ; - 25 748,89 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement, subsidiairement 22 059 euros ; - 60 000 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ; - 31 316 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé, subsidiairement 24 213,92 euros ; - 28 954,12 euros à titre de rappel d’IGD du fait de la requalification en CDI ; - 1 860 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés afférents à la somme de 23 164,71 euros requalifiée en salaire, et subsidiairement 91,25 euros correspondant à la fraction d’IGD dépassant les limites d’exonération ; - 4 000 euros au titre des frais irrépétibles. |
Ils sollicitent en outre la remise sous astreinte de bulletins de paie et d’une attestation Pôle Emploi conformes à la présente décision et le remboursement par l’EDA des indemnités Pôle Emploi dans la limite de 6 mois.
S’agissant des IGD, ils font valoir, à titre principal, que l’EDA n’apporte pas la preuve que les IGD sont justifiées par des frais de nourriture et de logement pour pouvoir, conformément aux dispositions réglementaires applicables, être exonérées de cotisations sociales.
Ils soulignent qu’à compter de mars 2013, à la suite d’un contrôle URSSAF, l’EDA a diminué les montants des IGD afin qu’ils n’excèdent pas la limite d’exonération.
Ils soutiennent, qu’en tout état de cause, le montant de l’IGD est manifestement disproportionné au regard du montant de leur salaire ce qui caractérise une fraude de l’EDA.
Ils font valoir, à titre subsidiaire, que la fraction excédant les limites d’exonération devra être requalifiée en salaire dès lors que l’EDA ne produit pas les justificatifs correspondants.
Ils soutiennent également avoir perçu des IGD moins élevées que ceux de leurs collègues en CDI.
Concernant le recours aux CDD, ils soutiennent que le motif de l’accroissement temporaire d’activité n’est pas justifié, dès lors que l’activité de l’EDA sur les opérations extérieures fait partie de leurs missions habituelles et permanentes.
Ils ajoutent que les délais de carence entre deux CDD n’ont pas été respectés, dès lors qu’ils se relayaient pour assurer la permanence de l’emploi de responsable transport puis responsable PFSE.
Ils en concluent que la rupture des relations contractuelles de Monsieur X et Y avec l’EDA, au 12 novembre et au 10 août 2016 respectivement, du fait de la requalification en CDI, produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L’EDA, assistée de son conseil, conclut au rejet de ces prétentions et conclut à la condamnation de Monsieur X ainsi que de Monsieur Y à lui payer la somme de 3 000 euros chacun au titre des frais irrépétibles.
Concernant les IGD, l’EDA fait valoir que les conditions requises pour verser des IGD sont remplies, à savoir que les salariés, lorsqu’ils étaient envoyés à l’étranger, étaient dans l’impossibilité de regagner quotidiennement leur résidence habituelle mais avaient la possibilité de se nourrir et de se loger à l’extérieur du camp, et que le montant des IGD versées par l’EDA est inférieur à celui fixé par les décrets ; qu’il existe donc une présomption d’utilisation conforme des IGD.
Il ajoute que la réforme globale des indemnités de déplacement intervenue en 2013 ne constitue pas la reconnaissance d’une pratique illégale antérieure ; que cette réforme est intervenue en raison de l’augmentation des situations de tension imposant de plus en plus au personnel détaché de rester en sécurité dans les camps.
Sur la différence de traitement invoquée par les salariés, il précise que les IGD versées aux salariés sous CDD sont strictement équivalents ou supérieures à celles versées aux salariés en CDI.
Sur le recours aux CDD, l’EDA expose que celui-ci n’est pas le mode normal de gestion de sa main d’œuvre, mais que l’emploi occupé par les demandeurs n’est pas un emploi permanent, en l’absence d’activité permanente « fonctions techniques » sur le territoire national.
Il soutient que leur activité à l’étranger n’est par définition que temporaire, contrairement à leur activité principale de centrale d’achat en France, et qu’il n’a pas la possibilité d’embaucher sous CDI des salariés qui ne sauraient être réemployés en France, faute d’emploi de nature équivalente et d’impossibilité de prévoir une clause de mobilité mondiale.
Il ajoute que les contrats de travail sont conformes aux dispositions légales ; et que les délais de carences entre les différents contrats sont respectés et invoque l’adage selon lequel la loi spéciale déroge à la loi générale (« specialia generalibus derogant »).
Il soulève par ailleurs la prescription pour les rappels de salaire et congés payés antérieurs au 31 septembre 2014, ainsi que l’opposabilité des soldes de tout compte signés par les salariés après chacun de leurs contrats et non contestés dans la durée légale de six mois.
À titre subsidiaire, il estime que les IGD ne peuvent être intégrées dans le salaire de référence, conclut à la limitation de l’indemnité de requalification à la somme de 3 365,25 euros correspondant à un mois de salaire et critique le quantum des autres indemnités sollicitées.
Pour plus ample exposé des moyens développés par les parties, il sera fait référence à leurs écritures, soutenues oralement et visées à l’audience, conformément à l’article 455 du Code de procédure civile.
À l’issue des débats, les affaires ont été mises en délibéré au 26 février 2021.
2) Sur les deux jugements du Conseil de prud’hommes de Bobigny du 26 février 2021 ( départage)
Le juge départiteur, statuant seul après avoir recueilli l’avis des conseillers présents en application des dispositions de l’article L.1454-4 du Code du travail, par jugements contradictoires, rendus en premier ressort, publiquement, par mise à disposition auprès du greffe :
Monsieur X (RG F n°17/02967) |
Monsieur Y (RG F n°17/02968) |
- Requalifie les CDD de Monsieur X avec l’EDA en CDI ; - Dit que la rupture des relations contractuelle à la date du 12 novembre 2016 produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; - Condamne l’EDA à payer à Monsieur X les sommes de : - 4 035,65 euros à titre d’indemnité de requalification ; - 6 989,74 euros à titre d’indemnité de licenciement ; - 35 000 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts à compter du présent jugement ; - 12 106,95 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 1 210,69 euros au titre des congés payés afférents, avec intérêts à compter du 4 octobre 2017. - Déboute les partis de leurs demandes plus amples ou contraires ; - Ordonne à l’EDA de remettre à Monsieur X un bulletin de paie, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes à la présente décision ; - Condamne l’EDA à payer à Monsieur X la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ; - Condamne l’EDA aux dépens ; - Ordonne l’exécution provisoire.
Il obtient la somme de 60 843,03 euros. |
- Requalifie les CDD de Monsieur Y avec l’EDA en CDI ; - Dit que la rupture des relations contractuelle à la date du 10 août 2016 produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; - Condamne l’EDA à payer à Monsieur Y les sommes de : - 4 471,40 euros à titre d’indemnité de requalification ; - 6 632,57 euros à titre d’indemnité de licenciement ; - 35 000 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts à compter du présent jugement ; - 13 414,20 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 1 341,20 euros au titre des congés payés afférents, avec intérêts à compter du 4 octobre 2017. - Déboute les partis de leurs demandes plus amples ou contraires ; - Ordonne à l’EDA de remettre à Monsieur Y un bulletin de paie, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes à la présente décision ; - Condamne l’EDA à payer à Monsieur Y la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ; - Condamne l’EDA aux dépens ; - Ordonne l’exécution provisoire.
Il obtient la somme de 62 359,37 euros. |
2.1. Sur le rejet des demandes de requalification des IGD (indemnités de grand déplacement) en salaire
L’arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale prévoit, en son article 2, que lorsque l’employeur indemnise les frais professionnels sur la base d’allocations forfaitaires, il est autorisé à déduire leurs montants dans les limites fixées par l’arrêté, sous réserve de l’utilisation effective de ces allocations forfaitaires conformément à leur objet, et ajoute que cette condition est présumée remplie lorsque les allocations sont inférieures ou égales aux montants fixés par le présent arrêté aux articles 3, 4, 5, 8 et 9.
L’article 5 4° de cet arrêté, relatif aux IGD à l’étranger, prévoit que les indemnités destinées à compenser les dépenses supplémentaires de repas et de logement sont réputées utilisées conformément à leur objet pour la fraction qui n’excède pas le montant des indemnités de mission du groupe I allouées aux personnels civils et militaires de l’Etat envoyés en missions temporaire à l’étranger.
Le montant de ces dernières indemnités s’élevait, par jour, à :
Monsieur X (RG F n°17/02967) |
Monsieur Y (RG F n°17/02968) |
- 150 euros pour le Kosovo ; - 225 euros pour le Tchad, - 122 euros pour la République Centrafricaine (ci-après « RCA ») ; - 206 euros pour la Côte d’Ivoire. |
- 150 euros pour le Kosovo ; - 225 euros pour le Tchad ; - 122 euros pour la RCA.
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Aux termes de leurs écritures, Monsieur X et Y n’ont pas perçu plus de 78,75 euros par jour à ce titre pour la période sollicitée.
Il n’est par ailleurs pas contesté que Monsieur X et Y avaient leur résidence habituelle en France et étaient empêché de la regagner chaque jour du fait de leurs conditions de travail et qu’ils ont engagé des frais supplémentaires de repas, et ce quel que soit le montant de la dépense effectivement exposée, les dispositions réglementaires ne prévoyant pas de notion de proportion, contrairement à l’argumentation développée par le demandeur.
Il en résulte que les IGD versées à Monsieur X et Y sont réputées utilisées conformément à leur objet, de sorte que l’EDA était en droit de les déduire de l’assiette de cotisations à la sécurité sociale et qu’il n’y a pas lieu de les requalifier en salaire.
Monsieur X et Y revendiquent à titre subsidiaire qu’il soit tenu compte des limites d’exonération des IGD des salariés en mission à l’étranger, telles que prévues par le décret n°2006-781 du 3 juillet 2006 et de son arrêté d’application qui prévoit un abattement de 65%.
Ce décret fixe les conditions et les modalités de règlements des frais de déplacements temporaires des personnels civils à la charge des budgets des services de l’État et des établissements publics nationaux à caractère administratif, ainsi que des établissements publics locaux d’enseignement, des établissements publics à caractère scientifique culturel et professionnel et des établissements publics à caractère scientifique et technologique.
Il est également applicable aux personnels des groupements d’intérêts public dont les dépenses de fonctionnement sont couvertes en totalité ou pour partie des subventions de l’État et des établissements publics nationaux à caractère administratif, et aux personnes qui participent aux organismes consultatif ou qui interviennent pour le compte des services et établissements précités.
Or l’EDA est un EPIC, de telle sorte que ni ce décret, ni l’arrêté du 3 juillet 2006 pris pour son application ne lui sont donc applicables.
Les demandes subsidiaires tendant à requalifier la fraction des IGD excédant les limites d’exonération seront donc également rejetées.
Monsieur X et Y seront par conséquent déboutés des demandes d’indemnité compensatrice de congés payés et d’indemnité pour travail dissimulé qui étaient la conséquence de cette demande de requalification.
2.2. Sur les demandes relatives à la requalification des CDD pour accroissement temporaire d’activité en CDI
2.2.1. Sur les demandes de requalification des CDD en CDI
L’article L.1244-3 du Code du travail dispose, dans sa version applicable à la cause, que « à l’expiration d’un contrat de travail à durée déterminée, il ne peut être recouru, pour pourvoir le poste du salarié dont le contrat a pris fin, ni à un contrat à durée déterminée ni à un contrat de travail temporaire, avant l’expiration d’un délai de carence calculé en fonction de la durée du contrat, renouvellement inclus. Ce délai de carence est égal :
1°Au tiers de la durée du contrat venu à expiration si la durée du contrat, renouvellement inclus, est de quatorze jours ou plus ;
2° À la moitié de la durée du contrat venu à expiration si la durée du contrat, renouvellement inclus, est inférieure à quatorze jours.
Les jours pris en compte pour apprécier le délai devant séparer les deux contrats sont les jours d’ouverture de l’entreprise ou de l’établissement concerné ».
L’article L.1245-1 du Code du travail prévoit qu’est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance des dispositions des articles L.1242-1 à L.1242-4, L.1242-6 à L.1242-8, L.1242-12, alinéa premier, L.1243-11, alinéa premier, L.1243-13, L.1244-3 et L.1244-4.
Monsieur X et Y soutiennent que l’EDA organisait la succession de plusieurs CDD sur un même poste sans respect du délai de carence, dès lors qu’ils se relayaient.
Il convient dès lors d’examiner les différents contrats de ces deux salariés de l’EDA.
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Monsieur X (RG F n°17/02967) |
Monsieur Y (RG F n°17/02968) |
2008-2009 |
Contrats sur le poste de responsable transport au Tchad : - du 28 février au 28 mars 2008 ; - du 28 octobre 2008 au 28 février 2009. |
Contrats sur le poste de responsable transport au Kosovo : - du 12 mars au 12 avril 2009, renouvelé jusqu’au 31 juillet 2009 ; - du 1er août au 10 août 2009 ; - du 20 octobre au 31 octobre 2009. |
2009-2010 |
Contrat sur le poste de responsable transport au Tchad : - du 1er décembre 2009 au 4 avril 2010.
Contrat sur le poste de responsable transport au Cameroun : - du 8 juillet au 14 octobre 2010. |
Contrats sur le poste de responsable transport au Kosovo : - du 5 décembre 2009 au 25 avril 2010, renouvelé jusqu’au 11 mai 2010 ; - du 12 mai au 21 mai 2010.
Contrats sur le poste de responsable transport en Grèce : - du 15 juin au 28 juin 2010 ; - du 2 septembre au 11 septembre 2010. |
2010-2011 |
Contrats sur le poste de responsable transport au Tchad : - du 1er décembre 2010 au 20 mars 2011, renouvelé au 3 avril 2011.
Contrat sur le poste de responsable transport au Kosovo : - du 5 août au 3 décembre 2011. |
Contrat sur le poste de responsable transport au Cameroun : - du 8 octobre 2010 au 31 janvier 2011.
Contrat sur le poste de responsable transport au Kosovo : - du 8 avril au 12 août 2011. |
2011-2012 |
Contrat sur le poste de responsable PFSE en Côte d’Ivoire : - du 21 février au 24 juin 2012.
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Contrats sur le poste de responsable transport au Kosovo : - du 27 novembre 2011 au 28 mars 2012 ; - du 12 juillet au 11 novembre 2012, renouvelé jusqu’au 10 décembre 2012. |
2012-2013 |
Contrat sur le poste de responsable transport au Tchad : - du 5 septembre 2012 au 10 janvier 2013.
Contrat sur le poste de responsable transport au Kosovo : - du 21 mai au 12 juin 2013. |
Contrat sur le poste de responsable transport au Tchad : - du 9 mai au 8 septembre 2013. |
2013-2014 |
Contrats sur le poste de responsable transport au Tchad : - du 3 septembre 2013 au 15 janvier 2014 ; - du 4 mai au 5 septembre 2014. |
Contrat sur le poste de responsable transport au Tchad : - du 9 janvier au 8 mai 2014.
Contrat sur le poste de responsable RFSE en RCA : - du 5 août au 2 décembre 2014. |
2014-2015 |
Contrat sur le poste de responsable RFSE au Tchad : - du 6 janvier au 6 mai 2015. |
Contrat sur le poste de responsable RFSE au Tchad : - du 5 mai au 4 septembre 2015. |
2015-2016 |
Contrat sur le poste de responsable RFSE au Tchad : - du 31 août 2015 au 11 janvier 2016. |
Contrat sur le poste de responsable RFSE en RCA : - du 2 août au 12 novembre 2016. |
Il résulte de ces successions de contrats que l’affirmation selon laquelle Monsieur X et Y se succédaient sur le même poste est démontrée à plusieurs reprises :
Monsieur X (RG F n°17/02967) |
Monsieur Y (RG F n°17/02968) |
Pour la première fois à compter du 3 septembre 2013, sur le poste responsable transport au Tchad.
Monsieur X démontre également par ses pièces n°44 et 45 qu’un tel système de relais sur le même poste a pu être organisé par l’EDA.
Le chef de division logistique de l’EDA indiquait ainsi le 11 avril 2014 que Monsieur X allait partir « relever » Monsieur Y en qualité de responsable transport au Tchad début mai 2014. |
Pour la première fois à compter du 8 octobre 2010, sur le poste responsable transport au Cameroun.
Monsieur Y démontre également par ses pièces n°44 et 51 qu’un tel système de relais sur le même poste a pu être organisé par l’EDA.
Monsieur Y échangeait ainsi des mails entre août et septembre 2011 sur la « passation de poste » avec Monsieur X.
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Un gestionnaire des ressources humaines de l’EDA, responsable du fichier des personnels civils détachés, témoigne également que « le poste de responsable transport était occupé tout au long de l’année et ceci sans interruption par des personnels civils détachés » qui se relevaient mutuellement sur les théâtres du Tchad et du Kosovo.
L’EDA invoqué le principe selon lequel la loi spéciale déroge à la loi générale pour estimer que les dispositions de l’article L.1244-3 du Code du travail ne s’appliqueraient pas, au motif que celles du Code de la défense, notamment ses articles L.4121-5 et R.3222-4 permettraient d’y déroger.
Pour autant, il ne peut être considéré que ces dispositions, d’ordre général, sur la mobilisation des militaires et des forces terrestres « en tout temps et en tout lieu », s’analysent comme une loi spéciale par rapport à la loi générale qui serait constituée des règles précises du Code du travail en matière de recours aux CDD.
Cet argument reviendrait à considérer que la particularité des missions exercées à l’étranger par l’EDA en soutien des militaires permettrait d’écarter les règles d’ordre public du droit du travail.
Il n’est pas avéré, comme le soutient l’EDA, que le non-respect des délais de carence prévus en matière de recours à des CDD successifs soit le seul moyen pour l’employeur d’assurer une indispensable permanence du soutien logistique aux militaires.
En effet, il n’est pas interdit à l’EDA d’appliquer des règles relatives au licenciement économique pour refus d’une modification d’un CDI ou suppression d’un poste occupé par un salarié en CDI, prévoyant notamment une possibilité de reclassement internationale, aux postes des salariés civils détachés à l’étranger.
Ce moyen sera donc rejeté.
Il convient donc de faire droit au premier moyen invoqué par les salariés et de requalifier les CDD de Monsieur X et Y en CDI avec reprise d’ancienneté, au 28 février 2008 et au 12 mars 2009 respectivement.
Il en résulte que la rupture des relations contractuelles de Monsieur X et Y avec l’EDA, à compter du 12 novembre et du 10 août 2016 respectivement, produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse à cette date.
2.2.2. Sur les conséquences de la requalification
2.2.2.1. Sur les effets du solde de tout compte
Aux termes de l’article L.1234-20 du Code du travail, « le solde de tout compte, établi par l’employeur et dont le salarié lui donne reçu, fait l’inventaire des sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail.
Le reçu pour solde de tout compte peut être dénoncé dans les six mois qui suivent sa signature, délai au-delà duquel il devient libératoire pour l’employeur pour les sommes qui y sont mentionnées ».
Dès lors que la qualification des contrats sur la base desquels les soldes de tout compte sont établis est modifiée, le salarié, qui n’a pas pu renoncer aux droits résultant de la requalification des CDD en CDI, est en droit de contester les sommes y figurant.
2.2.2.2. Sur le rejet des demandes de rappel de salaire relatif aux IGD
Monsieur X et Y invoquent le principe « à travail égal, salaire égal » pour solliciter la condamnation de l’EDA à leur payer le différentiel entre les IGD perçues et les IGD perçues par les salariés en CDI sur les théâtres d’opérations extérieures auxquels ils ont été affecté, soutenant que leur montant serait supérieur à celui qui leur a été appliqué en tant que salariés en CDD.
Ces demandes, formées pour la période à compter du 6 janvier 2015 pour Monsieur X et du 5 avril 2016 pour Monsieur Y, sont recevables et ne peuvent se voir opposer la prescription triennale.
Monsieur X et Y procèdent toutefois par affirmation sans apporter d’éléments de nature à établir que des salariés auraient perçu une rémunération supérieure.
Ces demandes seront donc rejetées.
2.2.2.3. Sur le salaire de référence
Il n’y pas lieu d’intégrer les IGD, n’ayant pas la nature de salaire, dans les salaires de référence, de telle sorte qu’il fait droit aux demandes de Monsieur X et Y sur la base subsidiaire d’un salaire mensuelle de 4 035,65 et de 4 471,40 euros respectivement, l’EDA ne proposant pas de calcul alternatif.
2.2.2.4. Sur l’ indemnité de requalification
L’article L.1245-2 du Code du travail, dans sa version applicable à la cause, prévoit que la requalification en CDI ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité, à la charge de l’employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire.
Le préjudice résultant pour Monsieur X et Y du recours abusif par l’EDA aux CDD, en l’absence d’éléments particuliers sur leur situation personnelle, est suffisamment réparé par la condamnation de l’EDA à leur payer les sommes de 4 035,65 et de 4 471,40 euros respectivement, correspondant à un mois de salaire.
2.2.2.5. Sur l’indemnité compensatrice de préavis
L’EDA sera condamnée à payer à Monsieur X et Y, qui bénéficient en tant que cadres de trois mois de préavis, les sommes de 12 106,95 et de 13 414,20 euros respectivement, à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre les sommes de 1 210,69 et de 1 341,20 euros respectivement, au titre des congés payés afférents.
2.2.2.6. Sur l’ indemnité de licenciement
Il résulte des articles L.1234-9, alinéa 1er, et R.1234-2 du Code du travail, dans leur version applicable à la cause que le salarié titulaire d’un CDI, licencié alors qu’il compte une année d’ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement qui ne peut être inférieure à un cinquième de mois de salaire par année d’ancienneté, auquel s’ajoutent deux quinzièmes de mois par années au-delà de dix an d’ancienneté.
Cette indemnité est calculée en fonction de la rémunération brute du salarié et a pour assiette, selon l’article R.1243-4 du même Code, la formule la plus avantageuse pour le salarié entre :
- Le douzième de la rémunération des douze derniers mois précédant le licenciement ;
- Le tiers des trois derniers mois ; dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n’est prise en compte que dans la limite d’un montant calculé à due proportion.
En outre, aux termes de l’article R.1234-1 dudit Code, l’ancienneté est déterminée en tenant compte des mois de service accomplis au-delà des années pleines.
Ni Monsieur X et Y, qui revendiquent sans la préciser le bénéfice de la convention collective applicable, ni l’EDA, qui fait référence au règlement du personnel civil de l’EDA, ne versent aux débats cette convention.
Il sera fait droit aux demandes d’indemnité de licenciement dans les limites des dispositions légales, de telle sorte que :
Monsieur X (RG F n°17/02967) |
Monsieur Y (RG F n°17/02968) |
L’EDA sera condamné à payer à Monsieur X, qui dispose d’une ancienneté de huit ans et huit mois, la somme de 6 989,74 euros (4 035,65 euros x 1/5 x 8,66). |
L’EDA sera condamné à payer à Monsieur Y, qui dispose d’une ancienneté de sept ans et cinq mois, la somme de 6 632,57 euros (4 471,40 euros x 1/5 x 7,41). |
2.2.2.7. Sur l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse
Selon les articles L.1235-3 et L.1235-5 du Code du travail, dans leur version applicable à la cause, lorsque le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, en l’absence de réintégration du salarié dans l’entreprise, le juge octroie à ce dernier une indemnité, qui ne peut être inférieure aux salaire des six derniers mois si le salarié justifie d’au moins deux ans d’ancienneté dans l’entreprise et si le licenciement est opéré dans une entreprise employant habituellement plus de onze salariés.
Lorsque l’une de ces conditions n’est pas remplie, le seuil de dix mois de salaire n’est pas applicable mais le salarié peut néanmoins prétendre à une indemnité correspondant au préjudice subi.
Monsieur X et Y étaient respectivement âgés de 58 et 54 ans lors de la rupture du contrat de travail après plus de huit ans d’ancienneté pour Monsieur X et sept pour Monsieur Y.
Monsieur X justifie de son inscription à Pôle Emploi jusqu’en juin 2017.
Au regard de ces éléments, l’EDA sera condamnée à leur payer la somme de 35 000 euros à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
2.3. Sur les demandes accessoires
Il résulte de l’article L.1235-4 du Code du travail que lorsque le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, cas prévu à l’article L.1235-3 de ce Code, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé, ce remboursement étant ordonné d’office lorsque lesdits organismes ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versée.
Le texte étant d’interprétation stricte, cette sanction n’est pas applicable s’agissant non d’un licenciement jugé sans cause réelle et sérieuse, mais d’une rupture ayant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il sera ordonné à l’EDA de remettre à Monsieur X et Y un bulletin de paie, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes à la présente décision, sans qu’il n’apparaisse nécessaire d’ordonner une astreinte.
Les intérêts des sommes allouées au titre des créances salariales, courent, conformément à l’article 1153 du Code civil, au taux légal à compter du jour de la présentation à l’employeur de la lettre le convoquant à la première audience, soit le 4 octobre 2017, tandis que ceux des créances indemnitaires sont à compter du présent jugement.
L’EDA sera condamné aux dépens.
Il serait contraire à l’équité que Monsieur X et Y conservent la charge des frais irrépétibles exposés pour faire valoir leurs droits.
L’EDA sera condamné à leur payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Au regard de l’ancienneté du litige, il convient d’ordonner l’exécution provisoire.
Frédéric CHHUM avocat et membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)
Jeanne Péché juriste
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