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Prise d’acte - manquement à l’obligation de sécurité et absence de reclassement d’une responsable de Total Energies Electricité = licenciement sans cause (CA Paris 14/09/23)

Publié le 16/03/2024 Vu 644 fois 0
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Dans un arrêt du 14 septembre 2023, la Cour d’appel de Paris juge que la prise d’acte d’une salariée de Total Energies électricité et gaz de France produit les effets d’un licenciement sans cause.

Dans un arrêt du 14 septembre 2023, la Cour d’appel de Paris juge que la prise d’acte d’une salariée d

Prise d’acte - manquement à l’obligation de sécurité et absence de reclassement d’une responsable de Total Energies Electricité = licenciement sans cause (CA Paris 14/09/23)

La Cour justifie que la prise d’acte produit les effets d’un licenciement sans cause par un manquement à l’obligation de sécurité et l’absence de reclassement de Total Electricité suite à une déclaration d’inaptitude.

 

1)      Faits et procédure

 

Mme X a été engagée par la société Direct énergie, aux droits de laquelle se trouve aujourd’hui la société Total énergie électricité gaz et France (ci-après la société), par contrat à durée indéterminée à effet au 8 juin 2016, en qualité de coordinatrice back Office /éditique, statut cadre. Par avenant à effet au 1er novembre 2017, elle a été nommée responsable opérationnel partenaire. En dernier lieu, elle percevait une rémunération mensuelle brute de 3 500 euros sur laquelle les parties s’accordent pour une durée de travail soumise à une convention de forfait annuel de 216 jours de travail.

 

Elle a présenté des arrêts de travail à compter du 1er juillet 2019, prolongés jusqu’au 3 septembre 2019. À l’occasion de la visite de reprise qui s’est tenue le 5 novembre 2019, le médecin du travail l’a déclarée inapte à son poste et a mentionné qu’elle pouvait occuper un poste similaire dans une autre entreprise du groupe.

 

Par courrier du 12 novembre 2019, Mme X a dénoncé la situation de harcèlement moral qu’elle subissait et informé la société qu’elle entendait saisir le conseil de prud’hommes en résiliation judiciaire de son contrat de travail.

 

Mme X a pris acte de la rupture de son contrat de son contrat de travail le 1er février

2020.

 

La société emploie au moins 11 salariés et la convention collective applicable à la relation de travail est celle du négoce et de la distribution de combustibles.

 

Par une première requête du 2 décembre 2019, Mme X a saisi le conseil de prud’hommes de Paris en résiliation judiciaire de son contrat de travail. Par une seconde requête du 27 janvier 2021, elle a saisi le conseil de prud’hommes en paiement de diverses sommes et sollicité la jonction des deux affaires.

 

Par jugement du 1er juillet 2021 auquel la cour renvoie pour l’exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, le conseil de prud’hommes de Paris a prononcé la jonction des deux procédures initiées par Mme X, a débouté celle-ci de l’intégralité de ses demandes et l’a condamnée à payer à la société Total direct énergie la somme de 8 971,36 euros à titre de trop-perçu de rémunération.

 

Mme X a régulièrement relevé appel du jugement le 30 juillet 2021.

 

2)      Motivation de l’arrêt du 14 septembre 2023 de la Cour d'appel de Paris (Pole 6 Chambre 5)

 

Dans son arrêt du 14 septembre 2023, la Cour d’appel de Paris (Pole 6 Chambre 5) :

 

Infirme le jugement sauf en ce qu’il a débouté Mme X de ses demandes d’indemnité pour nullité du licenciement, de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

et la société Total électricité gaz et France de sa demande présentée au titre de l’indemnité

de préavis,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

 

Dit que la prise d’acte de rupture du contrat de travail produit les effets d’un licenciement

sans cause réelle et sérieuse,

 

Condamne la société Total électricité gaz et France à payer à Mme X les sommes de :

 

- 1 500 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi pour exécution déloyale du contrat de travail,

- 5 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi pour non-respect de l’obligation de sécurité,

 

- 783,95 euros au titre du solde de l’indemnité compensatrice de préavis outre 78,39 euros au titre des congés payés afférents,

 

- 2 975 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

 

Dit que les intérêts au taux légal portant sur les créances indemnitaires sont dus à compter

de la présente décision et ceux portant sur les créances salariales sont dus à compter du jugement conformément à la demande de Mme X,

 

Condamne la société Total électricité gaz et France à rembourser à l’organisme concerné les indemnités de chômage éventuellement versées à Mme X depuis le licenciement jusqu’au présent arrêt, dans la limite de six mois.

 

Déboute Mme X et la société Total électricité gaz et France du surplus de leurs demandes,

 

Condamne la société Total électricité gaz et France aux dépens de première instance et d’appel et à verser à Mme  X la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

 

1)      2.1) Sur les effets de la prise d’acte :

 

Lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les manquements invoqués empêchaient la poursuite du contrat de travail, ou d’un licenciement nul le cas échéant, soit, dans le cas contraire, d’une démission. La charge de la preuve des faits qu’il allègue à l’encontre de l’employeur à l’appui de sa prise d’acte pèse sur le salarié . L’écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail ne fixe pas les limites du litige.

 

Mme X explique qu’elle menait une brillante carrière au sein de la société et devait être promue au poste de responsable grand compte en juillet 2019. Dans le cadre de cette promotion, elle était déjà en charge des relations avec une société partenaire, la société W, basée au Maroc où elle a rencontré son compagnon, M. Z.

 

Elle soutient que celui-ci l’a informée des pratiques douteuses et illicites de leurs deux employeurs et que son supérieur hiérarchique a découvert sa liaison avec M. Z en avril 2019 lors d’un déplacement au Maroc, ses conditions de travail se dégradant à partir de là.

 

Mme X demande à la cour de dire que la prise d’acte produit les effets d’un licenciement nul en invoquant les manquements suivants :

- elle a été victime de harcèlement moral,

- elle a fait l’objet de sanctions injustifiées pour un fait relevant de sa vie privée,

- elle a connu une dégradation brutale de son état de santé psychologique,

- la société a manqué à son obligation de sécurité,

- la société a manqué à son obligation de reclassement et n’a pas mis en œuvre de procédure de licenciement.

 

 Sur le harcèlement moral :

 

Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

 

L’article L.1154-1 du même code prévoit qu’en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

 

Il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout Mme X fait valoir qu’elle a été brutalement mise à l’écart à plusieurs reprises et privée des informations nécessaires à l’exécution de ses missions après que sa hiérarchie a découvert la relation qu’elle entretenait avec un salarié de la société W, prestataire de l’employeur au Maroc. Elle présente les éléments de faits suivants :

 

- elle a été exclue de la procédure de communication des comptes-rendus

(reporting) sur les opérations de la société W sur instruction de sa collègue Mme

Y,

 

- elle a été privée de toute communication avec la société W,

 

- elle n’a pas eu de réponses à ses demandes d’explications,

 

- les agissements délétères de Mme Y à son égard ont été dénoncés par d’autres qu’elle,

 

- elle a été privée de déplacement au Maroc dans le cadre de ses fonctions (lieux

de l’établissement de la société W),

 

- elle a subi un entretien humiliant et dégradant le 28 juin 2019.

 

i)                   Sur l’exclusion de la procédure de communication des comptes-rendus sur les opérations de la société W sur instruction de Mme Y :

 

Mme X fait valoir qu’à compter de la semaine du 21 mai 2019, après trois jours d’absence, elle n’a plus reçu aucun compte-rendu des activités de la société W, ce qui n’avait jamais été le cas auparavant alors que ces comptes-rendus étaient indispensables à l’accomplissement de ses fonctions et qu’en qualité de responsable grands comptes, poste auquel elle devait être nommée officiellement le 1er juillet 2019, elle avait notamment pour fonction d’analyser l’activité de cette société. Elle s’appuie sur son mail du 21 mai 2019 adressé à Mme O et la réponse de cette dernière lui indiquant qu’elle avait continué à adresser le récap de la relance convention tripartite quotidiennement et l’invitant à prendre contact avec une personne prénommée Imène, dont la cour relève qu’il s’agit de Mme Y. Elle s’appuie également sur un mail de celle-ci en date du 12 juin 2019 par lequel elle transmet à la salariée un point sur la relance des conventions tripartites au 11 juin 2019.

 

ii)                 Sur la privation de toute communication avec la société W :

 

Mme X fait valoir que le 22 mai 2019, lendemain de son retour de congés, elle a demandé à Mme Y de faire un point sur le traitement des conventions tripartites puisqu’elle n’avait été destinataire d’aucun mail à ce sujet durant son absence et que celle-ci lui a répondu que pour toute demande d’information sur les activités W ; c’est elle-même qui était l’unique point d’entrée. Elle verse aux débats le mail de Mme Y du 22 mai 2019 en réponse à sa demande.

 

Elle soutient qu’elle était la seule salariée mise à l’écart de la procédure de reporting et de toute communication nécessaire à son activité avec la société W ce qui n’était pas le cas auparavant. Toutefois la cour considère que ce mail ne suffit pas à établir la matérialité des faits dès lors que Mme Y n’avait aucun pouvoir hiérarchique sur Mme X et qu’il n’est communiqué aucune instruction de l’employeur en ce sens.

 

iii)               Sur l’absence de réponses à ses demandes d’explications :

 

Mme X fait valoir que lorsque dans un mail du 18 juin 2019 dont elle a adressé copie à M. T, elle a fait état de ce qu’il était dommage que Mme Y ait quelque chose à lui reprocher sans lui en parler et précise, elle n’a eu aucun aucune réponse à ce courrier.

 

 

iv)                Sur la dénonciation des agissements de Mme Y :

 

Mme X fait valoir que les agissements délétères de Mme Y à son égard ont été dénoncés tant par des salariés de la société W que par M. Z, son compagnon, ancien salarié de cette société. Elle communique un courriel adressé par les salariés de la société W en date du 16 juillet 2019 à la directrice des relations clients de la société dénonçant les agissements de Mme Y et des propos qui auraient été tenus par celle-ci selon lesquels elle aurait « rendu malade et a provoqué l’arrêt de travail d’une de vos collaboratrices (X la nouvelle responsable recouvrement grand compte) et qu’elle a fait en sorte de l’écarter du pilotage d’ADN recouvrement en allant jusqu’à l’interdire de se déplacer et d’avoir une communication avec elle. Tout ça car elle allait toucher à son périmètre ».

 

Elle communique également l’attestation de M. Z ancien responsable d’activité sur W, devenu son compagnon, qui indique que sa relation avec  X a été mal perçue en raison des irrégularités du fonctionnement de W au Maroc. La cour considère que ces éléments sont insuffisamment probants pour établir la matérialité des faits dans la mesure où le courriel de dénonciation du comportement de Mme Y est anonyme et par ailleurs les liens personnels de M. Z avec Mme X ôtent à son attestation un caractère suffisamment probant pour remporter la conviction de la cour en l’absence d’élément objectifs venant la corroborer.

 

v)                  Sur la privation de déplacement au Maroc :

 

Mme X soutient que le 7 mai 2019, elle a demandé à M. T de se rendre au

Maroc mais que son mail est resté sans réponse et qu’il en a été de même en juin et juillet

2019. Elle communique aux débats sa demande, par mail du 7 mai 2019 adressé à M.

T, ainsi que des échanges de SMS non datés établissant selon elle que celui-ci lui dit qu’il faut d’abord parler aux filles ce qu’elle interprète comme leur parler de sa relation avec M. Z.

 

vi)                Sur l’entretien humiliant et dégradant du vendredi 28 juin 2019 :

 

Mme X fait valoir qu’au cours de cet entretien, M. T a évoqué la vie privée

de la salariée et abondé implicitement la connaissance des faits graves qu’elle avait de l’agissement de l’employeur avec la société W et que cette discussion a provoqué un tel traumatisme chez elle qu’elle s’est trouvée tétanisée dans les transports en commun le lundi suivant. La cour observe qu’aucun élément n’est versé aux débats permettant d’établir que cet entretien s’est tenu, ni la nature humiliante et dégradante de la discussion ou même l’existence du malaise réactionnel invoqué, subi trois jours plus tard par Mme X dans les transports en commun. Les faits ne sont donc pas matériellement établis.

 

Les faits que la cour a retenus comme matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer des agissements de harcèlement moral et il appartient à l’employeur de prouver qu’ils sont justifiés par des éléments objectifs qui y sont étrangers.

 

vii)              Sur l’exclusion de la procédure de communication des comptes-rendus sur les opérations de la société W sur instruction de Mme Y :

 

L’employeur conteste que Mme X ait été exclue des reportings et fait valoir qu’elle avait été absente deux jours en avril et trois en mai de sorte que son manager s’était organisé pour éviter les doublons et qu’elle ne reçoive des mails pendant ces absences.

 

Toutefois, la cour observe qu’il ne s’agissait que de brèves absences, qu’il n’est pas établi qu’en avril d’ailleurs, Mme X avait déjà été écartée de la boucle de transmission des reportings et que l’employeur n’apporte pas d’explication au fait qu’elle n’a été remise dans le circuit qu’en juin 2019 plusieurs semaines après son retour. Les faits ne sont donc pas justifiés par des éléments objectifs étrangers à tous agissements de harcèlement moral.

 

viii)           Sur l’absence de réponse à ses demandes d’explications :

 

 

La cour observe que le courrier adressé à Mme Y faisant état d’un différend entre les deux femmes dont la nature n’est pas connue n’appelait pas expressément de réponse puisque Mme X indiquait qu’il convenait de travailler ensemble « au moins professionnellement » et que comme le soulève l’employeur, Mme Y venait de lui transmettre les reportings dont la salariée déplorait être exclue. Les faits sont ainsi justifiés par des éléments objectifs étrangers à tous agissements de harcèlement moral.

 

ix)                Sur la privation de déplacement au Maroc :

 

L’employeur fait valoir que les déplacements de Mme X au Maroc ne faisaient pas encore partie de ses missions, que l’imprécision de sa demande de déplacement en mai

2019 ne pouvait que conduire à un refus, ni l’objet ni le planning ni la date n’étant indiqués.

 

S’agissant des échanges de SMS, l’employeur communiquant l’intégralité de la conversation ainsi qu’une attestation de M. T son supérieur hiérarchique, avec qui elle échangeait soutient qu’il s’agissait d’abord de « parler aux filles » non pas de la liaison de Mme X avec un salarié d’W comme celle-ci l’insinue mais de sa future promotion et qu’il estimait qu’un second voyage, deux mois après le premier, ne se justifiait pas. La cour considère ces éléments suffisants pour établir que le refus du supérieur hiérarchique était justifié par un exercice non abusif du pouvoir de direction de l’employeur, étranger au harcèlement moral allégué.

 

En définitive, la cour considère que seul le fait que Mme X a été exclue de la boucle de communication sur les reporting relatif à la société W entre le 22 mai 2019 et le 12 juin 2019 n’est pas justifié par des éléments objectifs étrangers au harcèlement moral, que ce fait unique ne caractérise pas des agissements répétés de harcèlement moral, qu’il s’ensuit que le harcèlement moral allégué n’est pas établi.

 

Le premier manquement allégué par Mme X à l’appui de sa demande aux fins de voir produire à sa prise d’acte les effets d’un licenciement nul ou subsidiairement sans cause réelle et sérieuse n’est donc pas établi.

 

x)                  Sur la sanction injustifiée pour un fait relevant de la vie privée :

 

Mme X fait valoir que le rejet de ses demandes de déplacement au Maroc et l’entretien humiliant avec M. T ont eu lieu postérieurement à la découverte de sa relation avec M. Z et s’appuie sur l’attestation de celui-ci selon laquelle leur liaison a été mal perçue par W et quelques responsables et interlocuteurs de Total électricité gaz et France.

L’employeur conteste tout manquement et toute sanction.

 

La cour observe qu’aucune sanction n’a été notifiée à Mme X par l’employeur et qu’elle ne fait, elle-même, état d’aucun écrit susceptible d’être analysé par la cour comme une sanction. Le second manquement allégué par Mme X n’est donc pas établi.

 

xi)                Sur la dégradation de l’état de santé de Mme X provoqué par les agissements de

harcèlement moral :

 

La cour n’a pas retenu que Mme X avait été victime d’agissements de harcèlement moral de sorte que la dégradation de son état de santé n’en est pas la conséquence.

 

Le troisième manquement allégué par Mme X est pas établi.

 

2.2) Sur le manquement à l’obligation de sécurité :

 

Aux termes de l’article L. 4121-1 du code du travail dans sa version applicable au litige,

L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et la santé physique

et mentale des travailleurs . Ces mesures comprennent :

1° des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail,

2° Des actions d’information et de prévention,

3° la mise en place d’une organisation et de moyens adaptée.

L’employeur veille à l’adapatation de ces mesures pour tenir compte du changement des

circonstances et tendre à l’amélioration des mesures existentes.

Aux termes de l’article L. 4121-2 du code du travail dans sa version applicable au litige,

“L’employeur met en oeuvre les mesures prévues à l’article L. 4121-1 sur le fondement

des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes

de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de

production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de

réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins

dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique,

l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des

facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement

sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures

de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.”

L’article L. 1152-4 prévoit quant à lui que “l’employeur prend toutes dipositions

nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.”

L’employeur tenu d’une obligation de sécurité envers ses salariés en matière de protection

de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise doit en assurer l’effectivité.

 

Ne méconnait pas son obligation, l’employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures

prévues par les article L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail

 

 

Mme X fait valoir qu’elle a été victime d’actes de harcèlement moral qu’elle a portés à la connaissance de sa hiérarchie et que la société n’a pris aucune mesure, alors qu’elle en était parfaitement informée, tant par le courriel qu’elle avait adressé à Mme Y avec copie à son supérieur hiérarchique le 18 juin 2019 dans lequel elle se demandait quels reproches Mme Y pouvait former à son encontre, que par le courriel émanant des salariés de la société W dénonçant les agissements de Mme Y à son égard que par le courrier recommandé qu’elle a adressé à son employeur le 12 novembre 2019, dénonçant les agissements de harcèlement moral qu’elle estimait subir.

 

La société conteste tout manquement à son obligation de sécurité en faisant valoir qu’elle n’était pas informée de faits de harcèlement moral dès lors que le mail du 18 juin 2019 adressé à Mme Y ne faisait aucune allusion en ce sens. Par ailleurs la cour n’a reconnu aucune valeur probante au courriel anonyme produit par la salariée, censé émaner de salariés de la société W et dénonçant les agissements de Mme Y à l’égard de Mme X, toutes deux salariées d’une société tierce.

 

En revanche, la cour relève qu’il n’est pas produit d’éléments relatifs à la réaction de l’employeur au courrier du 12 novembre 2019 que lui a adressé la salariée alors que son contrat de travail n’était plus suspendu puisque la visite de reprise avait eu lieu le 5 novembre précédent.

 

L’employeur est resté taisant sur ce point précis.

 

Par ailleurs, il ressort de l’avis d’inaptitude que le médecin du travail a considéré que la dégradation de l’état de santé de Mme X découlait de ses conditions de travail puisqu’il a indiqué qu’elle pouvait occuper un poste similaire dans une autre entreprise du groupe.

 

La cour considère en conséquence que le manquement à l’obligation de sécurité allégué

est établi.

 

2.3) Sur le manquement à l’obligation de reclassement et l’absence de mise en oeuvre de la procédure de licenciement :

 

Mme X fait valoir qu’après qu’elle a été déclarée inapte le 5 novembre 2019 par le médecin du travail, l’employeur n’a pas mis en oeuvre son obligation de reclassement dans les autres entreprises du groupe et n’a pas davantage procédé à son licenciement alors qu’elle l’a relancé à plusieurs reprises et alerté les délégués du personnel sur sa situation.

 

La société conteste le manquement allégué en faisant valoir que les recherches de reclassement étaient en cours au moment où Mme X a pris acte de la rupture de son contrat de travail moins de trois mois après l’avis d’inaptitude.

 

La cour relève cependant que l’employeur ne justifie en rien d’une quelconque démarche de reclassement au profit de la salariée. Le manquement allégué est donc établi.

En définitive, il résulte de ce qui précède que les manquements allégués par Mme X sur le non-respect de l’obligation de sécurité et l’absence de recherche de reclassement à la suite de son avis d’inaptitude sont établis. Ils sont suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail de sorte que la cour juge que la prise d’acte doit produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement est donc infirmé en ce qu’il a débouté Mme X de ce chef de demande et Mme X est déboutée de sa demande tendant à faire juger que la prise d’acte produit les effets d’un licenciement nul.

 

3)Sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse :

 

3.1) Sur l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents :

 

Le délai congé étant fixé à trois mois pour les cadres par l’article 6 de la convention collective applicable aux cadres, l’indemnité compensatrice de préavis s’évalue à la somme de 10 500 euros brut et l’indemnité de congés payés afférents à la somme de 1 050 euros.

 

Mme X sollicite la condamnation de l’employeur à lui verser à ce titre la somme de 3 780,26 euros déduction étant faite de la somme de 7 769,74 euros net que la société lui a versée par erreur malgré la notification de la prise d’acte pendant la période correspondant au préavis.

 

La société conclut au débouté et sollicite à titre reconventionnel la condamnation de la salariée à :

 

- lui payer une indemnité de préavis de 10 500 euros,

- lui rembourser la somme de 8 971,36 euros net, indûment versée.

 

La cour ayant jugé que la prise d’acte produisait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’indemnité compensatrice de préavis est due par la société et la demande reconventionnelle présentée par la société au titre du préavis est rejetée. Le jugement est confirmé en ce qu’il l’a déboutée de ce chef de demande.

 

Il ressort des bulletins de salaire que l’employeur a versé à la salariée une somme de 9 766,

05 euros brut pendant les trois mois du préavis de sorte que reste due à ce titre une somme de 783,95 euros outre 78,39 euros au titre des congés payés afférents. La société est donc condamnée au paiement de ces sommes au titre du solde de l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents.

 

Sur le remboursement du trop perçu dés lors que la société réclame le remboursement de la somme de 8 971,36 euros net, que sur cette somme, 7 770,35 euros net étaient dus au titre du préavis et qu’au surplus, la société a effectué ses paiements sur la base d’une rémunération de 3 250 euros alors que les parties s’accordent sur une rémunération mensuelle brute de 3 500 euros, que le solde représente en outre l’indemnité compensatrice de congés payés selon les mentions du bulletin de salaire du mois de mai 2020, la demande de remboursement est rejetée. Le jugement est infirmé de ce chef et il n’y a pas lieu à compensation entre les créances réciproques des parties.

 

3.2) Sur l’indemnité légale de licenciement :

 

Mme X sollicite la condamnation de la société à lui verser la somme de 2 975 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement sur la base d’un salaire de référence de 3 500 euros et d’une ancienneté de trois ans et cinq mois. La société s’oppose à la demande sans critiquer les bases de calcul de la salariée mais en faisant valoir que la prise d’acte doit produire les effets d’une démission. Eu égard à la solution du litige, la prise d’acte produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la société est condamnée à verser à Mme X la somme de 2 975 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement en application de l’article R. 1234–2 du code du travail. Le jugement est infirmé de ce chef.

La cour constate qu’il n’est formé aucune demande au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

 

4)Sur les demandes indemnitaires présentées au titre de l’exécution du contrat de

travail :

 

4.1) Sur les dommages-intérêts pour harcèlement moral et subsidiairement pour exécution déloyale du contrat de travail :

 

La cour n’ayant pas retenu que Mme X avait été victime de harcèlement moral, la demande n’est examinée qu’au regard de l’exécution déloyale alléguée à titre subsidiaire.

 

Dés lors que la mise à l’écart de Mme X de la boucle concernant le reporting de la société UDM value est caractérisée sans justification utile de la part de l’employeur comme il a été vu ci-dessus, la cour considère que l’exécution déloyale du contrat de travail est établie et qu’il en est résulté un préjudice pour Mme X qui sera suffisamment réparé par l’allocation de la somme de 1 500 euros de dommages-intérêts. Le jugement est infirmé

en ce qu’il l’a déboutée de ce chef de demande.

 

4.2) Sur la demande de dommages-intérêts au titre de la violation de l’obligation de sécurité :

 

Mme X sollicite la condamnation de l’employeur à lui verser une somme de 10 000 euros à ce titre et eu égard à la solution du litige, la cour ayant retenu la violation alléguée condamne la société à lui verser la somme de 5 000 euros suffisant à réparer son entier préjudice. Le jugement est infirmé de ce chef.

 

5) Sur les autres demandes :

 

La société doit délivrer à Mme X un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation pour Pôle emploi conformes à la présente décision sans qu’il soit nécessaire d’ordonner une astreinte la demande en ce sens est rejetée.

 

Les intérêts au taux légal portant sur les créances indemnitaires sont dus à compter de la présente décision et ceux portant sur les créances salariales sont dus à compter du jugement conformément à la demande de Mme X.

 

Il est fait d’office application de l’article L 1235–4 du code du travail et la société doit rembourser à l’organisme concerné les indemnités de chômage éventuellement versées à

Mme X depuis le licenciement jusqu’au présent arrêt dans la limite de six mois.

 

La société, partie perdante, est condamnée aux dépens et doit indemniser Mme X des frais exposés par elle et non compris dans les dépens à hauteur de la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, sa propre demande sur ce même fondement étant rejetée.

 

 

Frédéric CHHUM avocat et ancien membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)

CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille)

e-mail: chhum@chhum-avocats.com

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.Paris: 34 rue Petrelle 75009 Paris tel: 0142560300

.Nantes: 41, Quai de la Fosse 44000 Nantes tel: 0228442644

.Lille: : 45, Rue Saint Etienne 59000 Lille – Ligne directe +(33) 03.20.57.53.24

 

 

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Maître Frédéric CHHUM est membre du conseil de l'ordre des avocats de Paris (2019-2021). Il possède un bureau secondaire à Nantes et à Lille.

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