La salariée obtient aussi un repositionnement par application des grilles conventionnelle de la convention du bâtiment, une indemnité pour harcèlement moral et pour travail dissimulé.
La société a interjeté appel du jugement du conseil de prud’hommes de Nantes du 13 janvier 2023 qui n’est donc pas définitif.
1) EXPOSE DU LITIGE
Madame X a été engagée par la SAS PBF PROFESSIONNELS DU BATIMENT en qualité de téléprospectrice en contrat de travail à durée déterminée pour accroissement temporaire d’activité du 10 février au 10 avril 2020.
Elle a par la suite été engagée en contrat à durée indéterminé à temps plein le 11 avril 2020 avec pour mission la téléprospection et la prise de rendez-vous clients pour les appels entrants ; la prise de rendez-vous pour les commerciaux des trois sociétés à la cause ; les commandes des fournisseurs ; l’établissement des plannings des techniciens ; le recrutement des intérimaires.
Le 8 août 2022, madame X a sollicité auprès de monsieur Y, président de la société, une rupture conventionnelle pour motif familial que ce dernier a accepté en contrepartie d’un préavis de deux mois, avec une date de sortie prévue au 15 octobre 2022.
Le projet de rupture a été adressé à madame X le 24 août 2022.
Monsieur X aurait ensuite exigé de madame X qu’elle prenne une semaine de congés du 29 août au 2 septembre 2022 afin de solder une partie de ses congés payés, ce qu’elle a fait.
Le 7 septembre, à son retour de congés, madame X a sollicité son employeur pour la signature du formulaire de rupture afin de pouvoir sortir de l’entreprise le 15 octobre. Ce dernier lui a alors répondu souhaiter faire un point le lendemain.
Le 8 septembre 2022, madame X s’est entretenue avec monsieur Y, entretien au cours duquel il lui a annoncé revenir sur leur accord en vue de la rupture conventionnelle, prétextant du coût des indemnités et du fait que madame X aurait exercée une pression sur madame Z pour ses documents.
Madame X a alors fait part à monsieur Y de son désarroi et lui a rappelé leur accord, ce à quoi ce dernier aurait répondu qu’il « s’en foutait » et qu’elle n’avait qu’à démissionner ou se mettre en arrêt.
Le 9 septembre, en arrivant sur son lieu de travail, madame X a constaté qu’elle n’avait plus accès aux fichiers clients de son ordinateur, l’empêchant de réaliser son travail. De même, madame X ne pouvait plus accéder au téléphone pour effectuer les prises de rendez-vous pour les appels entrants ni réaliser les commandes fournisseurs, monsieur Y ayant demandé à madame Y d’effectuer ces tâches.
Le lendemain, monsieur X a également repris les clés du bureau de madame X.
Le 13 septembre, madame X a adressé un courriel à monsieur Y afin de lui signifier que sa « placardisation », la privation de ses outils de travail et le comportement de ce dernier étaient inadmissibles et dégradaient ses conditions de travail et son état de santé.
Par courrier recommandé du 19 septembre 2022 adressé à la société, madame X a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de la société X.
Le 20 septembre, madame X a été placée en arrêt de travail pour syndrome anxiodépressif.
Le 10 octobre, madame X s’est rendue dans les locaux de la SAS PBF PROFESSIONNELS DU BATIMENT pour la remise de son solde de tout compte qu’elle estimait ne pas correspondre à son dû.
C’est dans ces circonstances que madame X, a saisi le conseil de prud’hommes de Nantes par requête du 18 octobre 2022.
L’affaire a directement été portée devant le bureau de jugement qui s’est tenu le 23 novembre 2022.
2) Motifs du jugement du conseil de prud’hommes de Nantes du 13 janvier 2023
Le conseil de prud’hommes de Nantes, après avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort :
Rejette la demande de réouverture des débats formulée par les parties défenderesses ;
Dit que madame X était positionnée sur un emploi d’assistante commerciale avec le statut d’employé, catégorie C de la convention collective du bâtiment ;
Fixe en conséquence le salaire mensuel de référence de madame X à 3 549,28 euros bruts ;
Dit que le harcèlement moral à l’encontre de madame X est caractérisé ;
Dit que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail liant madame X a la SAS PBF PROFESSIONNELS DU BATIMENT à l’initiative de la salariée en date du 21 septembre 2022 est justifiée ;
Dit que la rupture du contrat de travail liant les parties produit les effets d’un licenciement nul ;
Condamne en conséquence la SAS PBF PROFESSIONNELS DU BATIMENT à payer à madame X les sommes suivantes :
- 9 682,26 euros bruts à titre de rappel de salaire du fait de la qualification d’emploi,
- 968,22 euros bruts au titre des congés payés afférents,
- 262,85 euros bruts à titre de rappel de salaires retenus pour absences injustifiées,
- 26,28 euros bruts au titre des congés payés afférents,
- 7 098,57 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
- 709,85 euros au titre des congés payés afférents,
- 2 281,91 euros nets à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
- 20 000,00 euros nets à titre d’indemnité pour licenciement nul,
- 5 000,00 euros nets à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;
Condamne solidairement les SAS PBF PROFESSIONNELS DU BATIMENT à payer à madame X les sommes suivantes :
- 21 295,68 euros nets à titre d’indemnité pour travail dissimulé,
- 1 200,00 euros nets à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Dit que l’ensemble des condamnations précitées porteront intérêts aux taux légal à compter de la date de saisine du conseil de prud’hommes de Nantes, soit le 18 octobre 2022 pour les sommes à caractère salarial, et à compter de la date de notification du présent jugement pour les sommes à caractère indemnitaire, lesdits intérêts produisant eux-mêmes intérêts ;
Ordonne à la SAS PBF PROFESSIONNELS DU BATIMENT de remettre à madame X un bulletin de salaire récapitulatif des sommes dues, un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte et une attestation destinée à Pôle emploi rectifiés, tous documents conformes à la présente décision, sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard, du trentième jour au soixantième jour suivant la notification du jugement ;
Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement à hauteur de la moitié des sommes allouées, soit 34 260,50 euros ;
Condamne solidairement les SAS PBF PROFESSIONNELS DU BATIMENT aux dépens éventuels.
Vu les articles 16, 430 et suivants du Code de procédure civile définissant le principe du contradictoire, du déroulement des débats et du délibéré ;
Après avoir entendu les parties en audience publique, en vertu de l’article R. 1454-20 du Code du travail et 427 du Code de procédure civile et délibéré à huit clos, avec étude de l’ensemble des pièces versées aux débats avant leur clôture, le conseil de prud’hommes de Nantes motive ses décisions comme suit :
2.1) A titre liminaire : sur la demande de réouverture des débats intervenus après l’audience :
Attendu que par courriel adressé au conseil de prud’hommes à la suite de l’audience du bureau de jugement du 23 novembre 2022, le conseil des trois sociétés à la cause a formulé une demande de réouverture des débats en invoquant le non-respect du principe du contradictoire et l’application de l’article 444 du Code de procédure civile ;
Attendu qu’au jour de l’audience du bureau de jugement du 23 novembre 2022, monsieur Y, président des SAS PBF PROFESSIONNELS DU BATIMENT , a indiqué représenter les trois sociétés à la cause ;
Attendu que monsieur Y a pu présenter les arguments qu’il a jugé utile à la défense de ses intérêts et répondre aux questions qui lui ont été posées par le conseil de prud’hommes ;
Attendu que monsieur Y n’a à aucun moment exprimé le souhait, ni fait la demande au conseil de prud’hommes de renvoyer son dossier à une audience ultérieure ;
Attendu que la clôture des débats a été prononcé à l’issue de l’audience du bureau de jugement du 23 novembre 2022 ;
En conséquence, le conseil de prud’hommes ne fait pas droit à la demande de réouverture des débats formulée par les parties défenderesses
2.2) Sur le salaire mensuel de référence de madame X :
Attendu qu’au regard des pièces versées aux débats et de la convention collective applicable, il ressort des fonctions réelles qu’exerçait madame X dans l’entreprise que celle-ci occupait le poste d’assistante commerciale, statut employé de catégorie C ;
En conséquence, le conseil de prud’hommes fixe le salaire mensuel de référence de madame X à 3 549,28 euros bruts ;
2.3) Sur la demande de rappel de salaire du fait de la qualification d’emploi :
Attendu qu’il ressort des éléments précités que le niveau de qualification qui devait s’appliquer à madame X était celui de la catégorie C, statut employé de la grille conventionnelle du bâtiment ;
En conséquence, le conseil de prud’hommes condamne la SAS PBF PROFESSIONNELS DU BATIMENT à payer à madame X la somme de 9 682,26 euros bruts à titre de rappel de salaire du fait de la qualification d’emploi, et celle de 968,22 euros bruts au titre des congés payés afférents.
Sur la demande de rappel de salaires retenus pour absences injustifiées :
Attendu que madame X conteste les absences alléguées par son employeur pour justifier des retenues sur salaires ;
Attendu que la SAS PBF PROFESSIONNELS DU BATIMENT ne rapporte aucun élément permettant de justifier la réalité des absences alléguées ;
En conséquence, le conseil de prud’hommes condamne la SAS PBF PROFESSIONNELS DU BATIMENT X a payer à madame X la somme de 262,85 euros bruts à titre de rappel de salaire pour absences injustifiées, et celle de 26,28 euros bruts au titre des congés payés afférents.
2.4) Sur les effets de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail :
Vu l’article L.1451-1 du Code du travail sur la définition de la prise d’acte ;
Vu les articles L.1152-1 à L.1152-3 sur la définition et les effets du harcèlement moral ;
Attendu que madame X expose qu’elle a exécuté des tâches non prévues dans son contrat de travail ; qu’elle a effectué du travail au profit d’entreprises au sein desquelles elle ne disposait pas d’un contrat de travail ;
Attendu que madame X soutient par ailleurs qu’elle s’est fait retirer ses outils de travail indispensables à l’exécution de sa mission ; qu’elle a subi des pressions pour la pousser à la démission ou la dépression ;
Attendu que madame X verse aux débats de nombreuses pièces et témoignages permettant de justifier ses allégations, contrairement à la SAS PBF PROFESSIONNELS DU BATIMENT qui reste taisante sur l’ensemble de ces griefs ;
Attendu qu’il apparaît dès lors que le harcèlement moral est caractérisé et que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail du 21 septembre 2022 doit produire les effets d’un licenciement nul, et condamne la SAS PBF PROFESSIONNELS DU BATIMENT à verser à madame X les sommes suivantes :
- 7 098,57 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
- 709,85 euros bruts au titre des congés payés afférents,
- 2 281,91 euros nets à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
- 20 000,00 euros nets à titre d’indemnité pour licenciement nul,
- 5 000,00 euros nets à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral.
2.5) Sur la demande de condamnation solidaire des SAS PBF PROFESSIONNELS DU BATIMENT pour travail dissimulé :
Vu l’article L. 8221-5 du Code du travail : « Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre 1er de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales. »
Attendu qu’à l’examen des pièces produites par madame X, il apparaît que celle-ci démontre qu’elle effectuait bien une activité au profit de deux autres sociétés dont monsieur Y était le dirigeant, la SAS PBF PROFESSIONNELS DU BATIMENT, alors qu’elle n’était liée à ces sociétés par aucun contrat de travail ;
Attendu de surcroît que lors de l’audience, monsieur Y a confirmé qu’il pouvait arriver de manière occasionnelle à madame X d’effectuer des démarchages téléphoniques au profit de ces deux entreprises ;
Attendu que le seul contrat de travail dont dispose madame X est celui qui la lie avec la SAS PBF PROFESSIONNELS DU BATIMENT ;
En conséquence, le conseil de prud’hommes dit que le travail dissimulé est caractérisé et condamne solidairement les trois sociétés à payer à madame X la somme de 21 295,68 euros nets de dommages et intérêts à ce titre.
2.6) Sur la demande de remise sous astreinte des bulletins de salaires et documents de fin de contrats rectifiés :
Vu l’article L. 131-1 du Code des procédures civiles d’exécution : « tout juge peut, même d’office, ordonner une astreinte pour assurer l’exécution de sa décision » ;
Vu l’article L. 131-2 du même code : « une astreinte définitive ne peut être ordonnée qu’après le prononcé d’une astreinte provisoire » ;
Compte tenu des condamnations de nature salariale précitées, le conseil de prud’hommes ordonne à la SAS PBF PROFESSIONNELS DU BATIMENT de remettre à madame X un bulletin de salaire récapitulatif des sommes dues, un certificat de travail, un reçu pour solde de tout compte et une attestation destinée à Pôle Emploi rectifiés, tous documents conformes à la présente décision, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, du trentième jour au soixantième jour suivant la notification du présent jugement.
2.7) Sur les dépens :
Vu l’article 696 du Code de procédure civile : « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie » ;
Attendu qu’en l’espèce, le conseil de prud’hommes fait droit à l’intégralité des prétentions de madame X.
En conséquence, le conseil de prud’hommes condamne solidairement les SAS PBF PROFESSIONNELS DU BATIMENT aux dépens éventuels.
2.8) Sur l’article 700 du Code de procédure civile :
Vu l’article 700 du Code de procédure civile ;
Attendu que le conseil de prud’hommes fait droit à l’intégralité des demandes de madame X et condamne les sociétés défenderesses aux dépens ;
En conséquence, le conseil de prud’hommes condamne solidairement les trois sociétés à payer à madame X la somme de 1 200,00 euros à titre d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
2.9) Sur les intérêts à taux légal :
Vu les articles 1231 du Code civil : « les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obligation de sommes d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure » ;
Attendu que les intérêts au taux légal sur les condamnations ci-dessus sont de droit mais qu’il y a lieu de déterminer, en fonction de la nature des sommes allouées, la date à partir de laquelle ils doivent courir ;
Que s’agissant des sommes à caractère salarial, il y a lieu de les accorder à compter de la date de saisine du conseil de prud’hommes de Nantes, soit le 18 octobre 2022 ;
Que s’agissant des sommes à caractère indemnitaire, les intérêts ne courront qu’à compter de la date de notification du présent jugement ;
Vu l’article 1343-2 du Code civil ;
Le conseil de prud’hommes dit que les intérêts dus au moins pour une année entière produiront eux même intérêts.
2.10) Sur l’exécution provisoire :
Vu l’article 515 du Code de procédure civile : « Lorsqu’il est prévu par la loi que l’exécution provisoire est facultative, elle peut être ordonnée, d’office ou à la demande d’une partie, chaque fois que le juge l’estime nécessaire et compatible avec la nature de l’affaire.
Elle peut être ordonnée pour tout ou partie de la décision.
Conformément au II de l’article 55 du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, ces dispositions s’appliquent aux instances introduites devant les juridictions du premier degré à compter du 1er janvier 2020 ».
Attendu que la partie demanderesse sollicite l’exécution provisoire de l’intégralité du jugement ;
Au regard de la nature de l’affaire, le conseil de prud’hommes ordonne l’exécution provisoire de la moitié des sommes allouées, soit 34 260,50 euros.
Frédéric CHHUM avocat et ancien membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)
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