C’est la question que devait trancher la Cour d’appel de Paris (Pole 6, Chambre 5) suite à un recours extra petita de l’Economat des Armées.
1) Rappel des faits : la Cour d’appel avait condamné l’EDA à payer à ce dernier une indemnité de grand déplacement, le salarié ayant réclamé « un rappel de salaire à titre d’indemnité de grand déplacement »
Par arrêt du 15 décembre 2016, la cour d’appel de Paris (chambre 6-5) a :
- infirmé le jugement du conseil de prud’hommes de Bobigny du 21 janvier 2015 en ce que les premiers juges avaient débouté Monsieur X de ses demandes d'indemnité de requalification de contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, de rappel d'indemnités de grand déplacement, d'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, d'indemnité conventionnelle de licenciement, d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Statuant à nouveau :
- déclaré irrecevables les demandes en paiement de sommes dues antérieurement au 14 juin
2010,
- condamné l'Economat des Armées à verser à Monsieur X les sommes suivantes :
* 5 000 € à titre d'indemnité de requalification de contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée,
* 44 885,57 € à titre de rappel d'indemnités de grand déplacement,
* 9 104,07 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
* 910,40 € à titre de congés payés afférents,
* 7 249,53 € à titre d'indemnité de licenciement,
* 25 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- Confirmé le jugement pour le surplus,
Y ajoutant :
- Débouté Monsieur X de ses demandes nouvelles en paiement de congés payés afférents aux indemnités de grand déplacement, et en paiement de l'intéressement,
- Débouté l'Economat des Armées de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné l'Economat des Armées à verser à Monsieur X la somme de 2
000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné l'Economat des Armées aux dépens de première instance et d'appel.
Par requête datée du 20 janvier 2017, l’EPIC ECONOMAT DES ARMEES a demandé à la cour de rectifier cet arrêt en faisant valoir que la Cour d’Appel a statué extra petita.
2) Arrêt du 17 janvier 2019 : sur la demande de rectification de l’arrêt : « rappel de salaire à titre d’indemnité de grand déplacement » ou « Indemnité de grand déplacement »
2.1) Argumentation de l’EDA : l’EDA plaidait que la Cour d’appel avait jugé extra petita
L’EPIC ECONOMAT DES ARMEES soutient que la cour a statué extra-petita car M.
X lui avait demandé de lui allouer un rappel de salaire au titre des indemnités de grand déplacement perçues par les salariés en CDI en raison de la requalification de ses contrats de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée et que la cour ne lui a pas octroyé une somme à ce titre mais à titre d’indemnité de grand déplacement en précisant que la somme allouée n’avait pas une nature de salaire. Il considère que M. X n’avait pas demandé le paiement d’indemnités de grand déplacement mais de salaire et qu’en statuant ainsi, la cour a contrevenu aux dispositions de l’article 5 du code de procédure civile.
2.2) Argumentation du salarié de l’EDA
M. X fait valoir que la cour n’a pas statué extra petita car elle n’a pas modifié l’objet du litige ni ajouté des faits aux débats et que conformément aux dispositions de l’article 12 du code de procédure civile, elle a requalifié sa demande de salaire relative à l’indemnité de grand déplacement en une demande de rappel d’indemnité de grand déplacement.
2.3) Motivation de la Cour d’appel de Paris : la Cour d’Appel a valablement requalifié une demande de rappel de salaire à titre d’indemnité de grand déplacement en indemnité de grand déplacement
La Cour d’appel retient la position du salarié.
La Cour d’appel de Paris affirme que :
« Il résulte de la combinaison des articles 464 et 463 du code de procédure civile que la juridiction qui s’est prononcée sur des choses non demandées ou qui a accordé plus qu’il n’a été demandé, peut compléter son jugement sans porter atteinte à la chose jugée quant aux autres chefs, sauf à rétablir, s’il y a lieu, le véritable exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.
Aux termes de l’article 5 du code de procédure civile, le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé. Selon l’article 12 du même code, le juge doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.
En l’espèce, il résulte de l’arrêt du 15 décembre 2016 que M. X a présenté deux demandes au titre des indemnités de grand déplacement.
La première visait à voir requalifier les sommes versées par l’EPIC au titre des indemnités de grand déplacement en salaire.
La cour a retenu que ces indemnités de grand déplacement n’avaient pas la nature de salaire.
La seconde était afférente à la requalification de plusieurs contrats de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée.
En effet, M. X soutenait que dès lors qu’il était lié par un contrat de travail à durée indéterminée à l’EPIC ECONOMAT DES ARMEES par l’effet de cette requalification, il devait percevoir des indemnités de grand déplacement pour ces périodes d’emploi, indemnités qui selon lui avaient une nature de salaire.
La Cour a fait droit à sa demande de requalification puis a considéré que des indemnités de grands déplacement étaient dues mais a débouté le salarié de sa demande au titre d’une indemnité compensatrice de congés payés afférents, en indiquant que ces indemnités n’avaient pas une nature de salaire.
D’une part, la cour a ainsi donné leur exacte qualification aux faits et actes litigieux qui lui étaient soumis sans excéder ce qui lui était demandé conformément aux dispositions des articles 5 et 12 du code de procédure civile;
D’autre part, elle a tiré la conséquence logique de sa décision précédente afférente à la nature des indemnités de grand déplacement.
Il en résulte qu’elle n’a pas statué extra petita.
La requête de l’EPIC ECONOMAT DES ARMEES est rejetée ».
En conséquence, la Cour d’appel statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe :
- Rejette la requête en rectification de l’arrêt du 15 décembre 2016,
- Condamne l’EPIC ECONOMAT DES ARMEES à payer à M.X la somme de 800 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Frédéric CHHUM, Avocat à la Cour et Membre du Conseil de l’ordre des avocats de Paris
CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille)
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