Le salarié obtient au total 150.334 euros.
Les parties peuvent faire appel du jugement.
1) Faits et procédure
Monsieur X est recruté par la S.A.S KONECRANES en 2009 en qualité de représentant technicocommercial, selon un CDI. Par avenant au contrat de travail, il devient successivement chef adjoint et chef d’agence à Nantes.
Dès 2016, la société annonce une réorganisation. Les agences de Nantes et de Tours sont regroupées au profit de cette dernière. Le poste de Monsieur X est supprimé et ses futures fonctions lui sont annoncées.
Après plusieurs modifications de ses nouvelles fonctions, la société propose une rupture conventionnelle à Monsieur X. Il refuse cette proposition.
Le 28 août 2017, Monsieur X est convoqué à un entretien préalable au licenciement qui se déroule le 8 septembre. Il est licencié pour insuffisance professionnelle par un courrier en date du 12 septembre 2017.
Monsieur X forme une requête et saisit le Conseil de prud’hommes de Tours.
A titre principal, il soutient que son licenciement est nul. Il évoque des faits de harcèlement. A titre subsidiaire, il conteste :
- La cause réelle et sérieuse de son licenciement ;
- Le forfait jours et les heures supplémentaires ;
- La modification du calcul de son bonus annuel.
2) Jugement du conseil de prud’hommes de Tours
Le conseil de prud’hommes, dans un jugement du 4 septembre 2019, dit et juge le licenciement du salarié sans cause réelle et sérieuse et condamne la S.A.S KONECRANES à verser à Monsieur X 150.334 euros bruts dont :
- 33.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 63.485 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires non déclarées et non rémunérées majorés de 5.315 euros et de 6.348 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés correspondante ;
- 29.432 euros à titre d’indemnité du fait du dépassement du contingent annuel d’heures supplémentaires et de l’absence de repos compensateur accordé ;
- 6.484 euros à titre de rappel de salaire pour prime d’ancienneté et 648 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés correspondante ;
- 5.622 euros à titre de rappel de salaire pour rappel de bonus.
2.1 Sur le licenciement pour insuffisance professionnelle
Monsieur X fait valoir qu’outre l’unilatéralité de la modification de son contrat de travail, l’absence de griefs précis et circonstanciés qui lui sont faits dans la lettre de licenciement et ses antécédents professionnels au sein de la société, aucun salarié n’occupe actuellement le poste qui lui a été proposé.
A cet effet, le conseil de Prud’hommes retient que :
« En l’espèce, la lettre de licenciement du 12 septembre 2017, qui fixe les limites du litige, se borne à exposer que « Malgré l’expérience dont vous bénéficiez, vous ne parvenez pas à satisfaire les exigences les plus élémentaires de vos fonctions (…) », que les conclusions de l’entreprise se bornent quant à elles à ajouter que le salarié n’entreprenait pas la prospection attendue de sa part, ne faisait aucun usage des supports mis à sa disposition, se contentait de prendre acte des travaux entrepris par d’autres et à en vouloir pour preuve certaines pièces adverses ;
« Attendu cependant que ces nouvelles fonctions et cette nouvelle qualification n’ont été, au demeurant et en tout état de cause, jamais formellement acceptées par le salarié alors que son contrat de travail écrit lui en attribuait d’autres, que de surcroit, l’employeur ne justifie pas avoir satisfait à son obligation de formation et d’adaptation au nouveau poste de travail qu’il entendait lui confier après avoir procédé à la suppression de celui du demandeur dans lesquels ses résultats ne sont pas contestés ;
Qu’il en résulte que l’insuffisance professionnelle du demandeur n’est pas sérieusement démontrée, que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse et qu’il en sera fait une juste réparation en attribuant une indemnité que le salaire, l’ancienneté, l’âge et les charges de famille du demandeur permettent de fixer à 30.000 euros ».
2.2 Sur l’illicéité du forfait jours et les heures supplémentaires
Pour démontrer l’illicéité de la convention de forfait jours, Monsieur X soutient que ni lui, ni son employeur, n’ont tenu de document de contrôle du nombre de jours travaillés et qu’il n’a bénéficié d’aucun suivi régulier de sa charge de travail.
« En l’espèce, (…) le défendeur n’apporte aucun élément opérant tendant à montrer qu’il a respecté les conditions légales et conventionnelles de mise en place du décompte annuel en jour du temps de travail (…);
Qu’il en résulte que la convention de forfait jours du demandeur est privée d’effet et que doivent être appliquées à la relation contractuelle les règles du droit commun de la durée de travail et de la durée légale de 35 heures hebdomadaires, les autres éléments substantiels du contrat produisant toujours leurs effets ».
A l’appui de sa demande, Monsieur X verse aux débats un calendrier de présence et un décompte hebdomadaire des heures de travail effectuées, corroboré par des courriels qu’il envoyait tôt le matin ou tard le soir.
En l’espèce, le Conseil de Prud’hommes relève que « l’employeur ne fournit en revanche au Conseil aucun élément de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié et se borne à une critique des éléments produits par celui-ci »
Il en résulte que « Le Conseil a la conviction que Monsieur X a effectué des heures supplémentaires au titre de la fonction de chef d’agence (…) à hauteur de 240 heures (…) pour un montant total de 63.485 outre 5.315 euros pour le treizième mois et 6.348 euros de congés payés afférents ».
2.3 Sur la demande d’indemnité pour dépassement du contingent annuel d’heures supplémentaires
« En l’espèce, il résulte du décompte des heures supplémentaires établi par le salarié que celles-ci ont généré un dépassement du contingent annuel de 220 heures de 556 heures pour 2015 et 521 heures pour 2016 sans que Monsieur X n’ait pu bénéficier d’une contrepartie obligatoire sous forme de repos équivalente à 100% de ces dépassements ;
Il en résulte qu’il sera fait droit à la demande d’indemnisation pour absence de repos compensateur pris que les taux horaires de 2015 et 2016 du demandeur permettent de fixer à un montant de 29.432 euros ».
2.4 Sur la modification des règles de calcul et la demande de paiement du bonus 2017
« Attendu que pour justifier le paiement d’un bonus 2017 d’un montant de 1.023 euros, l’employeur met en avant les résultats commerciaux « quasi inexistant en 2017 » du demandeur ;
Que cependant les résultats 2017 du demandeur sont la conséquence de la suppression décidée par le défendeur du poste qu’occupait Monsieur X et son affectation sur un nouveau poste que Monsieur X n’avait jamais acceptée alors qu’il induisait une modification de son contrat de travail et que son insuffisance sur ce poste n’est pas retenue ;
Qu’il en résulte que Monsieur X doit être rétabli dans ses droits à rémunération par l’attribution d’un bonus calculé prorata temporis sur la base de celui accordé au titre de l’année 2016 et déduction faite de la somme versée soit 5.622 euros ».
2.5 Sur la demande de rappel de la prime d’ancienneté applicable au personnel hors forfait jours
« Qu’en l’espèce, Monsieur X qui avait une ancienneté de 7 ans révolus au 1er avril 2016, a été soumis à une convention de forfait en jours illicite, qu’il est donc fondé dans sa demande de rappel de la prime d’ancienneté conventionnelle ;
Qu’il en résulte que le demandeur doit être rétabli dans ses droits par l’attribution d’une prime d’ancienneté (…) d’un total de 6.484 majoré de 648 euros au titre des congés payés afférents ».
Frédéric CHHUM avocat et membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris
Léonie Aubergeon juriste
CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille)
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